« Pendant une période difficile, je me suis réfugié dans l’alcool. Je me noyais, chaque jour, dans la boisson. Comme j’avais des black-out la nuit, je prenais des photos pour me souvenir de ce que je faisais la nuit précédente et de l’endroit où je me situais. Au réveil, c’était dur les premières heures, puis je recommençais à boire jusqu’à ce que je m’évanouisse sur un canapé au petit matin. Lorsque je ne trouvais plus d’ami pour boire avec moi, il m’arrivait de m’asseoir auprès d’un vieil homme vivant dans la rue, et de discuter avec lui dans l’obscurité. Parfois, j’avais la compagnie d’un chien errant, et je buvais à ses côtés, en lui parlant de moi. Souvent, je suis devenu aveugle à cause de la boisson ». Ogulcan Arslan, photographe diplômé des Beaux-Arts et conservateur turc, a trouvé dans le 8e art un moyen d’éclairer sa cécité, de (re)trouver son chemin dans l’obscurité la plus totale. Avec Blindness, il nous emporte dans les ruelles de la mystérieuse Istanbul comme dans les tréfonds de son âme. Ses clichés noir et blanc sont plus que des instantanés de son quotidien, ils illustrent une volonté de cristalliser des souvenirs en période de profonde souffrance. « Je ne peux pas rester aveugle pour toujours », conclut l’auteur.
© Ogulcan Arslan