« J’écris pour être seul, je fais des photos pour disparaître. » Cette phrase de Denis Roche résume en quelques mots ce qu’était son œuvre : une poésie. Nous sommes allés à Montpellier, où une très belle rétrospective lui est dédiée au Pavillon populaire. Lors du vernissage le 24 novembre dernier, nous y avons rencontré son épouse et son modèle préféré, Françoise Peyrot. Elle nous raconte l’histoire d’un cliché qu’elle adore : « C’est l’une des premières fois où il s’est amusé à jouer avec les reflets. »
Comment se distingue l’œuvre de Denis Roche ? Selon Gilles Mora, directeur artistique du Pavillon populaire et commissaire de l’exposition, c’est par « l’accumulation autobiographique, la réflexion constante sur le temps [ou] la répétition amoureuse » : ce que le photographe appelait des photolalies. Denis Roche et Gilles Mora ont partagé trente ans d’amitié. Ce dernier nous a raconté comment lui et Roche ont, au départ, travaillé sur cette exposition.
Cette rétrospective, l’avez-vous imaginée avec lui ?
Absolument. Même bien avant qu’il apprenne sa maladie. Je lui ai proposé ce projet il y a un an et demi environ. Nous avions déjà travaillé tous les deux il y a quinze ans autour d’un projet similaire présenté à la Maison Européenne de la Photographie [« Denis Roche. L’épreuve du temps », 2001]. Pour celle-ci, nous avons réfléchi ensemble jusqu’au dernier moment à la scénographie, l’agencement du lieu et l’élaboration du catalogue.
Avant de devenir photographe, Denis Roche était écrivain. Est-ce que pour lui l’acte photographique était complémentaire de l’acte d’écriture ?
Non. C’était deux choses séparées. Alors, parfois, il y avait des recoupements car ce sont les mêmes thèmes qui agitent le photographe et l’écrivain, à savoir par exemple comment disposer librement du langage ou de la photographie. Le temps, la mort étaient aussi au cœur de ses réflexions. Ceci mis à part, les fonctions d’écrivain et de photographe sont bien indépendantes l’une de l’autre.
Quels principes défendait-il à travers sa pratique photographique ?
Il défendait la liberté de prise de vue dans l’utilisation quotidienne de l’appareil photo en amateur et l’idée que la photographie, on s’en saisit ! C’est certainement la façon de créer la plus libre qui soit aujourd’hui – en partie grâce aux technologies numériques. La liberté, c’est non pas de s’aligner sur les mots d’ordre de commandes, de galeries, d’institutions… Mais de créer en se libèrant de ces carcans.
L’absence, c’était une obsession pour lui ?
Oui ! Il suffit de regarder ses autoportraits. Tantôt il est là, tantôt il disparaît. Il se photographie avec sa compagne, puis dans le cliché qui suit elle est seule… Tout ça effectivement, c’est une réflexion autour de la présence et de la disparition. La photographie c’est ça : une présence figée mais déjà effacée.