« Ali » : Julien Soulier capture le street workout, un sport qui défie la gravité

15 septembre 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Ali » : Julien Soulier capture le street workout, un sport qui défie la gravité

Réalisé au lendemain du confinement, Ali, court métrage imaginé par Julien Soulier, suit un jeune sportif, amateur de street workout. Tourné à la pellicule, le documentaire hisse la discipline au rang d’art, et propose, au regardeur, une évasion bienvenue.

« Je pars de la photographie pour réaliser mes films, parce que je ne sais pas dessiner. J’ai besoin de cet élément pour me projeter. Face à mes images, je me demande ce qu’elles donneraient animées. Et puis seul, à l’argentique, tu fais sérieux, les gens t’accordent plus d’attention. C’est une accroche pour cerner ton sujet. Je ne suis pas un photographe qui a toujours son boîtier sur lui. Je ne le sors que quand j’ai une image en tête »,

confie Julien Soulier. Membre de Partizan – une société de production audiovisuelle comptant notamment Michel Gondry en son sein – l’auteur s’est formé aux 7e et 8e art dans le feu de l’action. « Dans ce genre de boîte, il faut trouver son propre style. On est donc encouragé à nous développer, fabriquer, nous démerder », précise-t-il. Après quelques tournages, et un premier gros contrat – avec L’Oréal – Julien Soulier s’envole pour le Canada, au sein d’un milieu singulier, celui des Demolition Derby (courses automobiles où l’on détruit des véhicules déjà endommagés, NDLR). « Je m’y suis beaucoup retrouvé, je ne faisais que shooter, je passais mon temps avec eux… J’avais trouvé mon style : raconter les histoires, autour de portraits, de communautés moins connues », se souvient-il.

Séries photographiques, commandes publicitaires, clips vidéo, édition de magazines… Rapidement, les « tunnels créatifs » s’enchaînent, et l’artiste poursuit sa carrière, collaborant avec des musiciens, des sportifs, et travaillant aux côtés de journalistes. En séjour à Atlanta, il découvre le disco roller, « un sport très ghetto mais très joyeux », et commence à imaginer un documentaire autour de cette activité. « Mais le Covid frappe, et impossible de retourner aux États-Unis… En m’armant de patience, j’ai voulu expérimenter avec ce nouveau format en attendant le feu vert. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance d’un groupe de mecs à Marseille, qui font du street workout ».

© Julien Soulier

Prouesse artistique

Sur la plage de sable blanc, la mer et le ciel azur en toile de fond, naît alors Ali. Un court métrage documentaire artistique, portrait d’un des jeunes athlètes de la communauté. « Je suis tombé sous le charme du côté figure, break dance de ce sport. J’ai voulu à tout prix effacer l’ambiance biscoto, musculation pour me concentrer sur la dimension “discipline” d’un milieu très codifié », explique Julien Soulier. Entouré de trois acolytes – une chef opératrice, Amandine Nolin, son assistant et un ingénieur son – l’artiste descend en voiture dans le Sud. « Tu fais un Tetris avec toutes tes affaires, tu prends un airbnb très proche de ton sujet, histoire de pouvoir le suivre facilement, et c’est parti », précise-t-il.

Tourné à la pellicule, une première pour l’auteur, le film parvient à capter une certaine insouciance, un parfum d’évasion. Dans cet univers aux tons pastel, le corps d’Ali se démarque, devient sculptural et impressionne dans sa défiance de la gravité. Minimalistes, les plans révèlent les grains de l’argentique et apportent une dimension esthétique palpable au récit. Une poésie complétée par les mots de Théo, qui prête sa voix au sportif. « C’est un ami qui s’intéresse beaucoup aux banlieues et qui avait réalisé un projet pour France TV, Des racines et des rêves, où il écrivait des portraits slammés des jeunes de Roubaix », commente Julien Soulier. Car là où Ali préfère rester silencieux et laisser son corps s’exprimer pour lui, les mots de l’auteur font tomber les murs entre activité banale et prouesse artistique. Hébergé sur Nowness « une plateforme qui met en avant du contenu libre et des projets passion : je voulais qu’Ali y trouve sa place », le court métrage s’impose comme un OVNI, en dehors des genres. Une œuvre immersive, dépaysante, tournée aux premiers jours de liberté post-confinement. Une création reflétant un besoin collectif de libération, de légèreté.

 

 

© Julien Soulier

© Julien Soulier

© Julien Soulier© Julien Soulier

© Julien Soulier© Julien Soulier

Ali © Julien Soulier

Explorez
Marc Riboud : dix ans de conflit vietnamien dans une exposition
À la sortie de l'école dans un village de la côte, Nord Vietnam, 1969 © Marc Riboud / Fonds Marc Riboud au musée Guimet
Marc Riboud : dix ans de conflit vietnamien dans une exposition
Le musée Guimet des Arts asiatiques et l’association Les Amis de Marc Riboud s’unissent pour présenter l’exposition Marc Riboud –...
18 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Basile Pelletier et Sølve Sundsbø conversent : « La curiosité est ma principale source d'inspiration »
Le linge, 2021 © Basile Pelletier
Basile Pelletier et Sølve Sundsbø conversent : « La curiosité est ma principale source d’inspiration »
Le jeune talent Basile Pelletier, 21 ans, ancien élève de la section art et image de l’école Kourtrajmé, échange avec le photographe...
17 avril 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
La sélection Instagram #502 : rebelle un jour, rebelle toujours
© Piotr Pietrus / Instagram
La sélection Instagram #502 : rebelle un jour, rebelle toujours
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine font résistance. Résistance contre l’oppression, contre les diktats, contre les...
15 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Fotohaus Bordeaux 2025 : des existences engagées
© Olivia Gay
Fotohaus Bordeaux 2025 : des existences engagées
La quatrième édition de Fotohaus Bordeaux a commencé. Jusqu’au 27 avril 2025, l’Hôtel de Ragueneau accueille l’événement qui, cette...
12 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les photographes dans Fisheye célèbrent la Terre, sa fragilité et sa grandeur
Camsuza © Julie Arnoux
Les photographes dans Fisheye célèbrent la Terre, sa fragilité et sa grandeur
Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. À...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #503 : les pieds sur Terre
© Garrison Garner / Instagram
La sélection Instagram #503 : les pieds sur Terre
À l’occasion de la journée de la Terre, les artistes de notre sélection Instagram de la semaine célèbrent notre planète. Iels...
22 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l'œil de SMITH : métamorphose des sols
Dami (Fulmen) © SMITH pour la résidence INSTANTS, Château Palmer et Leica, 2024
Dans l’œil de SMITH : métamorphose des sols
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de SMITH, qui nous révèle les dessous de deux images issues de sa série Dami (Fulmen), réalisée lors de...
21 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #540 : Rosalie Kassanda et François Dareau
© Rosalie Kassanda
Les coups de cœur #540 : Rosalie Kassanda et François Dareau
Nos coups de cœur de la semaine, Rosalie Kassanda et François Dareau, arpentent les rues du monde en quête de quelques étonnements et...
21 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger