« Avec l’argentique, on s’éloigne du mode compulsif »

28 octobre 2019   •  
Écrit par Anaïs Viand
« Avec l’argentique, on s’éloigne du mode compulsif »

« Poster une pellicule par semaine sur le site, coûte que coûte ». Telle est la contrainte que s’impose Ludovic Zuili, photographe et directeur de la photographie, depuis 2012. Avec ARAW! – A Roll A Week, il nous ouvre son espace de liberté dédié à la photographie argentique. Un projet  à découvrir à la Galerie Libre Service, à Paris à partir du 30 octobre.

Fisheye : Quel a été le déclencheur de ta pratique photographique ?

Ludovic Zuili : Je suis arrivé à la photographie par le cinéma et grâce à mon meilleur ami Simon Bouisson.
Au lycée, nous avons commencé à réaliser des films ensemble. Je lui ai transmis mes petites connaissances en tournage et montage quand lui faisait déjà de la photographie argentique, et développait ses propres tirages noirs et blancs. Nous nous sommes transmis nos passions respectives.

Comment définirais-tu ton approche photographique ?

J’ai une pratique dense que je considère comme assez « naturelle ». Je ne provoque pas les shoots, mais suis à l’écoute de mon quotidien, avec des appareils assez simples et légers.

Je crois que ma pratique personnelle s’oppose à celle que je développe dans mon métier de chef opérateur. Si j’adore mon métier, je vis la photographie comme une extension, logique et plus indépendante, de mon envie première de créer des images en mouvement.

© Ludovic Zuili

Quelle est la genèse d’ARAW! ?

ARAW

! sont les initiales d’A Roll A Week – une pellicule par semaine. Il s’agit d’un journal photographique qui est né en 2012, et que j’ai tenu pendant deux ans puis repris l’année dernière. Je l’ai lancé alors que je commençais à travailler, et que je trouvais le temps long entre les tournages. J’avais envie et besoin de travailler mon œil, le cadre, et le sens des images de façon plus quotidienne. J’ai eu envie de m’imposer une rigueur, et un rythme constant.

Il m’arrive de poster une pellicule shooté en 10 minutes sur un lieu visuellement fascinant ou alors de partager des images réalisées sur un temps plus long avec un appareil un peu cheap.

ARAW! résulte de tes voyages, professionnels ou personnels, quels sont tes sujets de prédilection ?

Il est difficile d’identifier un fil rouge : beaucoup de choses m’inspirent et les rolls ne se ressemblent pas toujours. Cela constitue la qualité et en même temps le défaut d’ARAW!
Je cherche à provoquer la photographie en anticipant un peu les lieux où je vais aller ou en restant particulièrement concentré sur ce qui m’entoure. Si les sujets sont très variés, j’ai une forte tendance à shooter des décors, des lieux, et des espaces qui me transportent.

© Ludovic Zuili

L’argentique te permet d’avoir une prise plus forte sur la réalité ?

J’avais surtout besoin d’avoir une limite physique. Je suis d’une génération située clairement entre l’argentique et l’avènement du numérique. J’ai d’abord pris des photos avec un Canon 10D que le père d’une amie m’avait offert. Je me surprenais à faire des photos en rafales sans raison et me retrouvais ensuite avec des millions de photographies que je n’avais jamais le temps d’éditer.
Il y a un côté affectif dans la photographie argentique. Cela requiert une concentration accrue. Avec l’argentique, on s’éloigne du mode compulsif – exacerbé sur les téléphones portables. Je crois que le déclencheur naturel reste la lumière, qu’elle soit artificielle ou naturelle.

Qu’est-ce qu’une « bonne image selon » toi ?

Voilà une question quasiment philosophique… Je dirais qu’une bonne image doit se suffire à elle-même, sans élément contextuel. Ensuite il y a un rapport intime lié à ce qui nous fascine. Je préfère par exemple la photographie couleur et minimale de Stephen Shore à des images plus sophistiquées signées David LaChapelle. Dans une bonne image, il se dégage enfin une forme d’équilibre parfait entre la composition, la lumière et le sujet, comme un déclic.

© Ludovic Zuili

Chaque année, ARAW! se solde par un projet d’exposition. Pourquoi partager ce carnet de voyage augmenté ?

Avec l’exposition, je célèbre le fait d’avoir survécu au concept. J’ai aussi envie de partager ces photographies qui sont des objets concrets dans un espace non digital. C’est enfin un temps d’échange avec toutes les personnes qui suivent le projet. Autant de raisons qui m’incitent à le poursuivre…

Pourquoi ouvrir ce projet au public avec un angle participatif ?

Lors des deux expositions précédentes, j’avais proposé à des gens de « vivre » l’expérience ARAW! Durant une semaine, une vingtaine de personnes disposait d’une roll. Leurs images étaient ensuite montrées durant l’exposition. Avec l’aide de mon agent, Frenzy Picture, nous avons réitéré l’expérience cette année. Les images seront projetées durant la soirée d’ouverture, mercredi 30 octobre.

Tes actualités ?

J’ai travaillé sur un projet de série pour France TV. STALK est l’histoire de LUX, un jeune hacker qui pour se venger d’un bizutage va commencer à stalker ses camarades et à en devenir addict.
En parallèle je travaille sur le tournage d’un documentaire au long cours sur des athlètes parisiens en vue des Jeux Olympiques 2024.
Et il y a bien sûr l’exposition des 3 ans d’ARAW! qui se tiendra du 30 octobre au 3 novembre 2019 à la Galerie Libre Service, au 74 rue des Martyrs dans le 18ème arrondissement de Paris.

© Ludovic Zuili

© Ludovic Zuili

© Ludovic Zuili © Ludovic Zuili

© Ludovic Zuili© Ludovic Zuili

© Ludovic Zuili

Explorez
Festival InCadaqués : les coups de cœur de la rédaction
Hail Mary, bobbin lace, serpent’s thread © Emilia Martin, Special Mention InCadaqués Festival Open Call 2025
Festival InCadaqués : les coups de cœur de la rédaction
La rédaction de Fisheye a déambulé dans les rues idylliques du village de Cadaqués, en Espagne, à l'occasion du Festival Photo...
16 octobre 2025   •  
13 expositions photographiques à découvrir en octobre 2025
Residency InCadaqués 2025 © Antoine De Winter
13 expositions photographiques à découvrir en octobre 2025
La rentrée scolaire est souvent synonyme de foisonnement d'expositions. Pour occuper les journées d'automne et faire face à la dépression...
08 octobre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Antoine Béguier, au cœur des strates identitaires du Kirghizistan
Autoroute de la soie © Antoine Béguier
Antoine Béguier, au cœur des strates identitaires du Kirghizistan
Antoine Béguier a parcouru le Kirghizistan pendant plusieurs années. Ses voyages et ses rencontres lui ont révélé un pays en pleine...
01 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
The Rose Harvest © Annissa Durar
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
La photographe américano-libyenne Annissa Durar a documenté, avec beaucoup de douceur, la récolte des roses à Kelâat M’Gouna, au sud du...
13 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Rachel Seidu : être queer à Lille et à Lagos, une fierté émancipatrice
Peas in a Pod II, Emma et Maë, Lille, 2025. © Rachel Seidu
Rachel Seidu : être queer à Lille et à Lagos, une fierté émancipatrice
Dans le cadre du programme hors les murs de l’Institut pour la photographie de Lille, l’artiste nigériane Rachel Seidu expose Peas in a...
17 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Goliarda Sapienza regardée par Francesca Todde
Francesca Todde, IUZZA. Goliarda Sapienza, Fiordo di Furore (SA), house built into the cliff rock, 2024
Goliarda Sapienza regardée par Francesca Todde
Avec IUZZA. Goliarda Sapienza, Francesca Todde propose un livre qui explore l’imaginaire de l’autrice sicilienne, sans chercher à...
17 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III
Festival InCadaqués : les coups de cœur de la rédaction
Hail Mary, bobbin lace, serpent’s thread © Emilia Martin, Special Mention InCadaqués Festival Open Call 2025
Festival InCadaqués : les coups de cœur de la rédaction
La rédaction de Fisheye a déambulé dans les rues idylliques du village de Cadaqués, en Espagne, à l'occasion du Festival Photo...
16 octobre 2025   •  
Planches Contact change de cap
© Lin Zhipeng (alias n°223), Ce qui s’insinue dans les silences, Planches Contact Festival.
Planches Contact change de cap
Du 18 octobre 2025 au 4 janvier 2026, Planches Contact Festival revient à Deauville pour sa 16e édition. Ces derniers mois, les...
16 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet