Bec Wood : le féminisme comme combat, la maternité comme armure

27 février 2024   •  
Bec Wood : le féminisme comme combat, la maternité comme armure
© Bec Wood
© Bec Wood

Installée en Australie, l’artiste émergeante de 39 ans, Bec Wood, capture la féminité en s’extrayant de toute injonction sociale et en se positionnant en tant que fervente défenseuse de celleux qui n’ont pas de voix. Elle célèbre ainsi à travers ses photographies, la pluralité des corps et les montre sans artifice, de la manière la plus authentique qui soit.

Depuis toujours, Bec Wood entretient un lien étroit avec le vivant, la nature, ce qui relève de l’intime et voue une fascination pour le médium photographique. Son attirance pour le caractère sacré, l’intemporalité et la nostalgie conféré·es au 8e art lui vient d’abord des membres de sa famille : son père documentait leurs aventures familiales avec une vieille caméra des années 1990. Sa mère quant à elle, conservait un vieil appareil photo appartenant à son grand-père, dans le but de le lui transmettre plus tard. Ce goût pour la photo s’amplifie à mesure que le temps passe : en grandissant, elle se passionne pour la chambre noire dont « apprécie le romantisme ». En 2010, elle reçoit un appareil photo numérique alors qu’elle travaille dans un zoo et s’adonne à photographier la faune – un rapport au vivant qu’elle ne cesse d’explorer depuis. La naissance de sa fille ouvre un nouveau champ des possibles et va s’avérer déterminante pour la suite du parcours de l’artiste qui se dirige à ce moment-là naturellement vers la maternité : « j’ai commencé à donner des cours de préparation à l’accouchement et à plaider en faveur de l’accouchement centré sur la femme ». En parallèle, elle fait poser des mères – une expérience qu’elle considère comme étant une période unique et inestimable. Sa pratique, enfin, évolue jusqu’à s’ouvrir à la féminité dans son ensemble : comment représenter le corps des femmes ? Le sublimer dans toute sa diversité ?

© Bec Wood
© Bec Wood
© Bec Wood
© Bec Wood

Libérer le corps féminin

Observatrice attentive, Bec Wood se focalise sur chaque moment de grâce qui s’offre et se révèle naturellement à elle afin d’en saisir toute la beauté. Elle privilégie ainsi la pratique photographique sur le vif, pour se placer au plus proche du réel : « Je n’aime pas planifier une prise de vue à l’avance, je me laisse guider par la lumière et ce qu’elle fait, mais aussi, par tout ce qui se trouve dans l’espace et qui m’inspire à ce moment-là, ainsi que par l’énergie de la personne que je photographie », confie-t-elle. Et en tant que mère, Bec Wood s’est investie d’une mission : « celle de changer l’image de la femme et de lui donner une vision complètement différente du monde dans lequel [elle] a grandi ». Le médium lui permet d’assumer un regard singulier, de libérer le corps féminin des injonctions imposées par la société en montrant une variété de formes, de tailles, de couleurs : « je n’ai jamais vu qu’un seul type de corps dans les médias. Si on s’intéresse à l’histoire, on découvre que la morphologie idéale d’une femme change presque à chaque décennie, tout comme les idéologies. L’atteindre est une tâche impossible et un cycle vicieux pour toutes les femmes. Je veux normaliser et célébrer la beauté diverse de celles qui sont simplement elles-mêmes », raconte l’artiste. Toutefois, son travail engagé se heurte à la censure, invisibilisant grandement la cause profonde qu’elle défend : « Je cherche activement à créer un changement avec mon travail. Lorsque qu’il est montré sur les médias sociaux, il est souvent supprimé ou censuré. Il va à l’encontre des directives de la communauté concernant la représentation du corps féminin. Je pourrais facilement changer de direction en tant que photographe, mais je ne le ferai pas », affirme-t-elle. Pour Bec Wood, les femmes sont marginalisées à bien des égards et sont montées les unes contre les autres, les choses doivent radicalement évoluer. Sensible et engagé, son travail permet d’apporter sa pierre à l’édifice et à contribuer au changement.

© Bec Wood
© Bec Wood
© Bec Wood
© Bec Wood
© Bec Wood
© Bec Wood
À lire aussi
Meurtre, suicide et traumatismes : Ahndraya Parlato embrasse les parts d’ombre de sa maternité
Meurtre, suicide et traumatismes : Ahndraya Parlato embrasse les parts d’ombre de sa maternité
Dans Who is Changed and Who is Dead, Ahndraya Parlato revient sur son expérience de la maternité, hantée par le meurtre de sa grand-mère…
06 octobre 2022   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Isa Rus, être mère et migrante
Isa Rus, être mère et migrante
Artiste espagnole installée à Berlin, Isa Rus est récemment devenue mère. Son travail, fortement lié aux questions d’identité et…
25 mai 2023   •  
Écrit par Milena Ill
Explorez
Les images de la semaine du 15.07.24 au 21.07.24 : le feu des souvenirs
© Pascal Sgro
Les images de la semaine du 15.07.24 au 21.07.24 : le feu des souvenirs
Cette semaine, les photographes de Fisheye s’intéressent aux différents aspects du feu, et ce, de manière littérale comme figurée.
21 juillet 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Looking at my brother : mes frères, l’appareil et moi
© Julian Slagman
Looking at my brother : mes frères, l’appareil et moi
Projet au long cours, Looking at My Brother déroule un récit intime faisant éclater la chronologie. Une lettre d’amour visuelle de Julian...
09 juillet 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Rafael Medina : corps libres et désirés 
© Rafael Medina
Rafael Medina : corps libres et désirés 
En double exposition, sous les néons des soirées underground, Rafael Medina développe un corpus d'images grisantes, inspirées par les...
27 juin 2024   •  
Écrit par Anaïs Viand
Pierre et Gilles, in-quiétude et Cyclope : dans la photothèque de Nanténé Traoré
© Nanténé Traoré, Late Night Tales, 2024 / Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ?
Pierre et Gilles, in-quiétude et Cyclope : dans la photothèque de Nanténé Traoré
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur...
26 juin 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
© Cait Oppermann
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
Ce vendredi 26 juillet est marqué par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. À cette occasion, nous vous...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
© Iwane Ai. A New River series, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
À l’occasion des dix ans du Festival, Kyotographie investit les Rencontres d’Arles pour la première fois. L’exposition...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
© Robin de Puy
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
L'exposition Waters & Meer - Robin de Puy revient sur deux séries de la photographe néerlandaise. Un hommage aux populations rurales...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Costanza Spina