Birdhead, de drôles d’oiseaux perchés

16 janvier 2020   •  
Écrit par Eric Karsenty
Birdhead, de drôles d’oiseaux perchés

Le Lianzhou Museum of Photography présente, jusqu’au 5 avril, une rétrospective de Birdhead, le binôme déjanté de la scène artistique chinoise, dont les œuvres iconoclastes associent culture punk, calligraphie et sculpture. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.

« We Will Shoot You. »

Écrite avec des ballons de foire sur un grand rectangle rouge (un drapeau ?) à l’ouverture de Welcome to Birdhead World Again, l’exposition actuellement présentée au Lianzhou Museum of Photography (LMP), la phrase surprend le visiteur. S’agit-il ici d’être pris en photo ou shooté d’une manière plus radicale ? Cette accroche, parodiant le célèbre We Will Rock You de Queen, nous renseigne sur l’humour et l’ironie du duo d’artistes qui forment Birdhead. Ji Weiyu et Song Tao, nés respectivement en 1980 et 1979, revendiquent un côté iconoclaste qui se manifeste par la manière dont ils manipulent les images autant que par les sculptures et les installations qu’ils inventent, tel cet agrandisseur transformé en divinité devant laquelle ils parodient une cérémonie tribale dans une vidéo hilarante. « C’est une forme de photothéisme », nous précise sans rire Song Tao, derrière ses lunettes métalliques et les volutes de fumée de sa cigarette. La référence à la photographie argentique, avec toute la matérialité dont elle est chargée, n’est pas innocente. Les artistes insistent beaucoup sur leur défiance envers le manque de consistance des photos numériques, leur préférant la plasticité des « images incarnées » avec lesquelles ils peuvent jouer, faire des expériences et exprimer « des émotions simples et universelles, comme l’amour ou la haine, qui toucheront directement les spectateurs ».

© Birdhead

Donner à penser

Plus loin, sur tout un mur, se déploient de nombreuses photos noir et blanc avec au centre deux grands idéogrammes sertis d’un cadre doré. Le premier terme signifie « jeune », le second « femme » (que les artistes ont traduit par Lady) ; l’association des deux signes produisant le sens « fantastique ». Les photos situées dans les premiers cercles de cette fresque sont celles qui renvoient aux proches des artistes : femmes, enfants, amis… celles en périphérie représentent des paysages. « La question est de savoir comment, à partir de la vie quotidienne, aller au-delà. Et jusqu’où tu peux aller ? Jusqu’au ciel et revenir vers ton cœur… Il s’agit de parler à un autre, de donner à penser, d’évoquer ses doutes, ses échecs, ses révoltes… », précise Song Tao. « Il faut que ce soit clair, rapide, direct. Aussi rapide qu’un samouraï qui tranche d’un geste la tête d’un combattant. »

Un savoir-faire qui s’acquiert à la suite d’un long apprentissage, du corps autant que de l’esprit. Comme ces grandes photos coupées net et assemblées avec des agrafes, « parce que la photo est plus forte avec des agrafes », ajoute l’artiste. Plus forte, à la fois au sens physique, comme dans son pouvoir d’évocation. Sur d’autres œuvres, le binôme ajoute des couches de peinture, trace des calligraphies sauvages, développant une forme de néo-primitivisme. « Comme un retour à la sauvagerie destiné à refuser l’uniformisation chinoise, avec toujours un côté fête foraine », analyse François Cheval, commissaire de l’exposition et codirecteur du LMP.

 

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #40, en kiosque et disponible ici.

© Birdhead

© Birdhead© Birdhead

© Birdhead

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© Birdhead

© Birdhead

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