« BKK », souvenirs fiévreux de Thaïlande par Yan Morvan

07 novembre 2019   •  
Écrit par Julien Hory
« BKK », souvenirs fiévreux de Thaïlande par Yan Morvan

L’occasion de Paris Photo sera aussi celle de la présentation du nouveau livre de Yan Morvan. Le 7 novembre, le photographe publie BKK, une série qui nous plonge quarante ans en arrière, dans ses errances thaïlandaises.

« Franchement, j’étais complètement paumé. À mon retour, j’ai passé de l’héroïne sans le savoir, j’avais un look délirant, surtout, j’étais devenu un inconnu, pour ne pas dire un paria. » C’est comme cela que Yan Morvan, reporter à la carrière solide et aux sujets brûlants, raconte son retour de Thaïlande où il a passé six mois à partir de décembre 1979. Venu de la presse, ce baroudeur est passé par tous les métiers de la photographie et a vu ses clichés dans des publications de renom. Coordonnée à l’édition 2019 de Paris Photo, il publie BKK aux Éditions Noeve, un livre où il dévoile ses pérégrinations dans un Bangkok fiévreux. C’est aussi grâce à la complicité du directeur artistique Loïc Vincent que ce projet voit le jour. En lui donnant accès à ses archives, Yan Morvan a pu reprendre le cours de son histoire.

Comme ses précédents travaux sur les Hell’s Angels (Gang) ou sur les blousons noirs (Le cuir et la baston), BKK est un récit photographique. Parti pour capter la situation des réfugiés déplacés par l’invasion du Cambodge par le Vietnam et la guerre qui en suivit, ses reportages ne suscitent alors pas un grand intérêt auprès des rédactions occidentales. « Personne ne voulait de mes images, tout le monde regardait vers le conflit en Afghanistan, confie-t-il. C’est après ça que j’ai atterri à Bangkok, sans le sou et ne sachant pas vraiment où me mènerait ce voyage.» Arrivé dans un hôtel, puis voyant ses moyens se réduire à peau de chagrin, Yan Morvan va peu à peu sympathiser avec des filles, prostituées à temps partiel, qui l’accueilleront. Pour elles, il jouera parfois le rôle de rabatteur lorsque des journalistes un peu perdus viennent en ville.

© Yann Morvan

La nouvelle économie sexuelle

Il commence alors une errance, mais sans renoncer à la photographie. Bien qu’il considère BKK comme l’un de ses travaux les plus personnels, ce livre est plus qu’une simple chronique à la première personne. Yan Morvan réalise par l’édition un travail sur la réalité de la vie dans la capitale thaïlandaise à cette époque. Il révèle également l’impact qu’ont les Occidentaux venus s’encanailler sur le quotidien de la population locale. « Je parle ici du comportement des touristes, d’où le titre BKK (code de l’aéroport international de Bangkok, NDLR), précise-t-il. Pour moi, ceux sont les voyagistes qui fabriquent les bordels. Les Thaïlandais l’ont compris : ils demandent du sexe, alors on va leur en donner. »

Celui qui se considère plus auteur que photographe accompagne également ses images d’un texte original dans lequel il dépeint cette période étrange de sa vie. Fisheye vous en propose un extrait : « Par charters tout le monde déferle : Blancs, Rouges, Jaunes, Noirs, pour une nuit, une semaine ou la vie. Le trou du cul du monde où s’enfoncent cent mille verges. Vive la Thaïlande et la nouvelle économie sexuelle ! Pas assez de riz pour nourrir tout le monde, mais assez de culs pour convertir le dollar. Cinquante mille putains chaque nuit à dix sacs la passe, un vrai filon spermatique qui traverse la vie économique. La grande sueur des reins qui basculent vaut bien le travail des constructeurs de pyramides. Sexes supérieurs, ouvrières spécialisées de la joie, protégées, maquereautées par la police, les lois. Nation, sois reconnaissante. À l’autre bout de la queue le contentement d’avoir forniqué à bas prix, la satisfaction de s’être soulagé pour pas cher. Le marchandage de la chair. Allons putains de la patrie ! »

 

BKK, Éditions NOEVE, 44€, 176p.

© Yann Morvan

© Yann Morvan© Yann Morvan

© Yann Morvan

© Yann Morvan

Explorez
Dans l’œil de Juliette-Andréa Élie : éprouver le paysage qui se transforme
© Juliette-Andréa Élie, œuvre réalisée dans le cadre d'une résidence au musée Nicéphore Niépce
Dans l’œil de Juliette-Andréa Élie : éprouver le paysage qui se transforme
Cette semaine, plongée dans l’œil de Juliette-Andréa Élie. Au moyen de diverses techniques, la photographe et plasticienne compose des...
22 juillet 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l’œil de Massimiliano Corteselli : l’inextinguible feu du mont Chimère
© Massimiliano Corteselli
Dans l’œil de Massimiliano Corteselli : l’inextinguible feu du mont Chimère
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Massimiliano Corteselli, auteur de la série Contrapasso. Dans ce projet au long cours, dont nous...
15 juillet 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Change à la Galerie Triangle : six histoires de ravage et d'espoir
© Dana Tentea / Courtesy of Galerie Triangle
Change à la Galerie Triangle : six histoires de ravage et d’espoir
Du 1er au 14 juillet, dans le cadre des Rencontres d’Arles, la Galerie Triangle consacre une exposition à la cause environnementale, et...
28 juin 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Une photographie contemporaine 100% nature à l’Abbaye de l’Épau
© Myrto Papadopoulos
Une photographie contemporaine 100% nature à l’Abbaye de l’Épau
Jusqu’au 3 novembre, l’Abbaye de l’Épau présente Dans les herbes hautes, une série d’expositions contemplatives qui ont lieu dans son...
27 juin 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
© Cait Oppermann
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
Ce vendredi 26 juillet est marqué par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. À cette occasion, nous vous...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
© Iwane Ai. A New River series, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
À l’occasion des dix ans du Festival, Kyotographie investit les Rencontres d’Arles pour la première fois. L’exposition...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
© Robin de Puy
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
L'exposition Waters & Meer - Robin de Puy revient sur deux séries de la photographe néerlandaise. Un hommage aux populations rurales...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Costanza Spina