Andrea & Magda vivent en Palestine depuis 2009. Ce couple franco-italien a vu le Moyen-Orient se transformer et l’économie de ces pays se libéraliser. Un imaginaire de pacotille traduit à travers quatre de leurs séries présentées à Sète pour l’exposition Horizons occupés – Une fabrique du paysage au Moyen-Orient. Un article à lire en intégralité dans notre dernier numéro.
On a vu les choses changer progressivement : les voitures de luxe, les distributeurs automatiques de billets, les centres commerciaux, les panneaux publicitaires géants… des éléments assez loin de l’image que l’on avait de la Palestine. Et ça nous a semblé être un aspect important de la réalité du pays », expliquent Andrea & Magda sous le soleil de Sète, où était présentée leur exposition Horizons occupés – Une fabrique du paysage au Moyen-Orient, dans le cadre du festival ImageSingulières.
Si Andrea est italien, et Magda, française, c’est en Palestine qu’ils se sont rencontrés, en 2009. Très vite, ils ont abandonné leurs activités respectives – Andrea, ses cours de musique, et Magda, son travail pour des ONG – afin de se consacrer à la photographie. Le huitième art les passionne, devient le centre de leur relation, et bientôt de leur couple. Poussés par « l’envie de raconter des choses, de vivre de la photo, et sans projet précis au début », ils ont réalisé leurs premières images sur le checkpoint de Bethléem, qu’ils ont diffusées dans la presse. Ils ont enchaîné avec plusieurs commandes pour des organisations internationales (le Comité international de la Croix-Rouge, l’Agence française de développement…) sur des sujets relativement « attendus » comme les réfugiés, le mur de séparation, etc. Mais bien vite, ils ont pris conscience que les choses changeaient. Andrea se souvient avoir noté « Riches en Palestine » sur un document de travail, dès 2010.
Ville utopiques
L’arrivée massive d’argent, venant de l’aide internationale et provoquant l’émergence d’une classe moyenne, s’appuie sur « une stratégie politique qui est de libéraliser l’économie palestinienne en se disant que, “naturellement”, cela aboutira à la création d’un État palestinien, explique Magda. C’est dans la logique des accords d’Oslo (1993) et du Protocole de Paris (1994). Il y a une décision politique qui est encouragée par les pays donateurs, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, qui est facilitée par Israël – parce que leurs intérêts se rejoignent –, et qui est reprise en chœur par une grande partie de l’élite palestinienne. » C’est Salam Fayyad, Premier ministre de l’autorité palestinienne de 2007 à 2013 et ancien employé de la Banque mondiale, qui développe cette politique, qualifiée de « fayyadisme » par certains observateurs. Et c’est dans la foulée qu’est né The Palestinian Dream (2012-2013), le premier projet d’Andrea & Magda. Dans leurs images, apparaissent ainsi les centres commerciaux, les boîtes de nuit, les clubs de fitness et les immenses panneaux publicitaires promettant une vie meilleure dans des villes utopiques. Il faut préciser que, depuis la deuxième Intifada (révolte palestinienne entre 2000 et 2005), « il y a un désir de retrouver une vie normale, une liberté et une envie d’avoir un avenir pour ses enfants qui est légitime, précise Magda. Mais le développement libéral est la seule voie qu’on leur laisse espérer ». Le couple travaille « comme des anthropologues », et dans cette série, les codes esthétiques (couleur, plans larges, extérieurs…) sont en rupture avec les images habituelles. « Nous essayons de casser les stéréotypes sur la Palestine, mais nous aurions pu faire ce travail dans d’autres régions du monde. La réflexion qui est en jeu ne concerne pas que le Moyen-Orient, mais la modernité, le progrès et le monde globalisé », poursuit Magda.
Cet article est à retrouver dans Fisheye #31, en kiosque et disponible ici.
© Andrea & Magda