« Je suis hantée par les mots de Kiki Smith (graveuse, sculptrice et dessinatrice américaine, NDLR) : “Toute l’histoire du monde est dans notre corps” ». Elle était l’une des artistes les plus prometteuses de l’exposition Modernité des passions : Chloé Wasp, photographe et cinéaste, vit entre Lille et Arles. Principalement inspirée par la musique et le cinéma, qui nourrissent chaque jour son imaginaire, elle fait du corps, qu’il soit animal, humain ou végétal, le cœur de son exploration. Et si elle en a peu coutume dans sa pratique, la jeune artiste s’est ici hasardée à sortir de la couleur envahissante de nos quotidiens, afin de nous plonger dans une nature toute en nuances de gris. Le noir et blanc devient, avec Chloé Wasp, une voie pour pénétrer dans le monde de l’invisible. Son projet Sans objet possède un titre qui n’en est pas un, n’a pas réellement d’explication, et ne comporte aucune chronologie. Elle n’est qu’« une série ouverte à l’infini », uniquement peuplée de personnes et d’espèces qui se confondent par fragments. Elle se conçoit pour son autrice comme « un ensemble de surgissements et de détails », empreints de la délicatesse d’une sensibilité et d’un regard. « Dans ce jeu d’assemblage de portraits, tous très rapprochés, mais jamais frontaux, se devine mon obsession du regard, toujours fuyant ou manquant », explique-t-elle. Il n’y a, dans ce travail, que l’élégance du grain de l’argentique venant effleurer les peaux des humains, et caresser les feuilles d’arbres. « Je ne photographie que le vivant, confie-t-elle. Le corps, la peau, le geste, l’eau, le feu. » Véritable délice tactile pour les yeux, Chloé Wasp livre ici un doux poème à la fragilité et à la fuite.
Les photographies ci-dessus sont extraites de la série Sans Objet, à l’exception de la 6e (Qui-vive), de la 9e (Contre-feux II) et de la 14e (Contre-feux I) en partant du haut
© Chloé Wasp