Décollage imminent

17 décembre 2019   •  
Écrit par Anaïs Viand
Décollage imminent

Les espaces d’attente ou les tarmac constituent de précieux lieux graphiques. En témoigne l’ouvrage Last Call signé Harry Gruyaert. Une invitation au voyage autant qu’un prétexte à la rêverie.

Qu’il soit un prétexte ou une source d’inspiration, une quête personnelle ou un temps d’échange, pour nombre de photographes, le voyage est associé à leur pratique du 8e art. « Chaque périple est une nouvelle occasion de faire des photos. Je m’empresse de me débarrasser des formalités pour être entièrement disponible et saisir les images qui pourraient se proposer », confie à ce sujet Harry Gruyaert, dans son ouvrage Last Call. Et pour évoquer ce sujet, ce dernier se rend dans des lieux inévitables pour qui souhaite s’envoler vers de lointaines contrées : les aéroports. Des espaces impersonnels, voire cliniques, qu’il parvient à transformer en terrain de jeux fascinant. « L’aéroport est aussi un espace qui réunit tout ce qui capte habituellement mon œil de photographe : les jeux de lumière, de transparence et de reflets, les effets de superpositions qui créent une perte de repères et donnent cette impression très forte d’être entre deux mondes, cette ambivalence « inside / outside » », précise l’artiste dans la préface de son livre.

© Harry Gruyaert / Magnum Photos

Une théâtralité exceptionnelle

« J’ai toujours été fasciné par les lieux où les gens attendent. J’aime observer leurs mouvements, leurs postures, leurs regards, les groupes qu’ils forment, les situations qui se créent dans ces moments où le temps est comme suspendu. Les aéroports sont des lieux privilégiés, car ils possèdent une théâtralité exceptionnelle. Les éléments d’architecture, le mobilier, les couleurs composent un décor où évolue, comme sur une scène, une cohorte de figurants. C’est un spectacle que je ne cherche pas à comprendre, mais dont la dimension visuelle m’attire irrépressiblement », confie Harry Gruyaert.

Les images réunies dans  Last Call ne révèlent aucun stress ou tension, et proposent, au contraire, une douce contemplation. On oublie peu à peu le tarmac ou les intérieurs pour se fondre dans la pensée d’inconnus. À quoi pense cet enfant, au visage écrasé contre la vitre ? Et cet homme happé par l’horizon ? Si l’on préfère ses Rivages, pour la puissance picturale de ses clichés, force est de constater qu’Harry Gruyaert convoque dans ce recueil un espace propice à la rêverie, et à l’introspection. La liste des proverbes se référant au voyage est longue, mais citons tout de même Confucius qui évoquait son bienfait : « le plus grand voyageur est celui qui a su faire une fois le tour de lui-même ». Au-delà de toutes considérations spirituelles, rares seront les lecteurs qui ne penseront pas à leur prochaine escapade en parcourant Last Call.

 

Last Call, Éditions Textuel, 39 €, 96 p.

© Harry Gruyaert / Magnum Photos © Harry Gruyaert / Magnum Photos © Harry Gruyaert / Magnum Photos © Harry Gruyaert / Magnum Photos

© Harry Gruyaert / Magnum Photos

Explorez
Raï de Boris Bincoletto : oublier quelqu'un pour retrouver les autres
© Boris Binceletto
Raï de Boris Bincoletto : oublier quelqu’un pour retrouver les autres
Après Solemar, son premier livre photographique qui explorait la côte Adriatique, Boris Binceletto sort Raï, qui se situe entre la...
17 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Motel 42 : Eloïse Labarbe-Lafon peint le décor d’un road trip
© Eloïse Labarbe-Lafon
Motel 42 : Eloïse Labarbe-Lafon peint le décor d’un road trip
Composé d’une quarantaine de portraits pris dans des chambres durant un road trip, Motel 42 d’Eloïse Labarbe-Lafon s’impose comme un...
06 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
© Marie Le Gall
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
Absente depuis vingt ans, lorsque Marie Le Gall retourne enfin au Maroc, elle découvre un territoire aussi étranger que familier....
22 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Visions d'Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
© Alex Turner
Visions d’Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
Des luttes engagées des catcheuses mexicaines aux cicatrices de l’impérialisme au Guatemala en passant par une folle chronique de...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
© Rebecca Najdowski
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye dévoilent une multitude de dialogues initiés par la photographie.
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
The Color of Money and Trees: portraits de l'Amérique désaxée
©Tony Dočekal. Chad on Skid Row
The Color of Money and Trees: portraits de l’Amérique désaxée
Livre magistral de Tony Dočekal, The Color of Money and Trees aborde les marginalités américaines. Entre le Minnesota et la Californie...
21 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
© Prune Phi
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
Du 7 février au 23 mars 2025, le Jeu de Paume accueille le festival Paysages mouvants, un temps de réflexion et de découverte dédié à la...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
© Mirko Ostuni, Onde Sommerse.
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
Dans Onde Sommerse, Mirko Ostuni dresse le portrait de sa propre génération se mouvant au cœur des Pouilles. Cette jeunesse tendre et...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger