Dans le Fisheye n°47, nous sommes allés à la rencontre de plus d’une vingtaine d’acteurs du monde de la photo, pour enquêter sur l’intérêt de suivre un cursus scolaire spécialisé. Un dossier nuancé confrontant les points de vue d’anciens étudiants, professeurs et spécialistes. Pour approfondir, découvrez ici l’entretien complet de Jérôme Jehel et Fabrice Laroche, photographes et enseignants à Gobelins, l’école de l’image. Propos recueillis par Éric Karsenty, illustrés par Jinyong Lian, Pierre Serot, Joffrey Piguet et Mathias Adam.
Savoir technique et savoir être sont les deux dimensions que nous essayons de transmettre à nos étudiant(e)s. Bien entendu un apprentissage technique est fondamental, pour la photo et la vidéo. Nous intégrons aussi des techniques plus connexes comme la 3D, le montage, la conception de site. Grâce à des partenariats, nous ouvrons les étudiants à de nouvelles recherches : par exemple avec la Réunion des musées nationaux (RMN), un projet sur architecture au Grand Palais avec des chambres photographiques grand format, ou encore avec Cité de mémoire, un projet de réinterprétation sur un fonds d’archives cinématographique. Nous alternons ainsi avec des projets plutôt de commande ou nécessitant un travail d’auteur. Nous gardons un lien très fort avec l’évolution de la photographie sans en oublier ses origines.
Nous revisitons lors de nos ateliers des techniques anciennes un retour à l’argentique en photo et en film, des ateliers consacrés au 16 mm ou au grand format photographique, sans oublier le travail de laboratoire analogique. Outre la maîtrise de l’aspect technique, il est essentiel que les étudiants soient capables de construire un projet dans sa globalité : de sa conception à sa mise en œuvre et à sa valorisation. Pour cela, la dimension culturelle de l’enseignement se renforce : approche historique, sensibilisation aux pratiques actuelles, qu’elles soient artistiques ou publicitaires, ouverture sur des métiers connexes : scénographie, nouveaux médias, édition… C’est cet aspect que nous continuerons de développer, notamment à travers des workshops et le suivi des étudiants.Le photographe-vidéaste n’est plus seulement un “fabriqueur” d’image, il est devenu un maître d’œuvre, voire au sens propre maître de son “œuvre”. La culture et la personnalité sont indispensables pour dépasser le stade de l’imitation et des effets de mode. Enseigner la photographie, c’est donner aux étudiants les moyens d’être curieux, visionnaires et de prendre plaisir à créer des images.
© Mathias Adam
Donner de la polyvalence
Nous avons pris une orientation nouvelle en décloisonnant les spécialités pour donner de la polyvalence aux étudiants. En dernière année, leurs choix deviennent beaucoup plus précis avec un projet professionnel qui s’affirme.La formation a pris un nouveau départ il y a deux ans avec la réécriture pour le RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) du dossier pédagogique qui valide notre diplôme. La vidéo a pris une place importante en l’associant à la prise de vue photo dès la 1reannée, dans les sujets et les workshops. La formation est de plus en plus personnalisée avec des suivis individuels réguliers.
Encore une fois, les compétences techniques doivent suivre, voire anticiper les évolutions des manières de produire des images aujourd’hui. Mais il est essentiel de posséder des compétences transversales. Le photographe doit savoir constituer une équipe, s’entourer, penser une stratégie numérique pour valoriser et vivre de son activité. Nous continuerons avec notre approche par projet en nous efforçant que la dynamique des cours soit rythmée par les sujets, en atelier ou master class. Se renouveler, se surprendre pour ne jamais entrer dans une routine. Mettre au maximum les étudiants dans des situations de découvertes. Il faut être curieux et ne pas avoir d’a priori. Une école fait gagner du temps et permet d’aborder le travail d’équipe, ce qui est très riche, mais elle ne doit jamais être un but en soi. »
© Joffrey Piguet
© à g. Mathias Adam, à d. Jinyong Lian
© Mathias Adam
© Mathias Adam
© Pierre Serot
© à g. Pierre Serot, à d. Jinyong Lian
© Pierre Serot
© Joffrey Piguet
© Image d’ouverture © Mathias Adam