
Présentée dans le cadre du festival PhotoSaintGermain et au musée du Quai Branly, l’exposition Rondônia. Comment je suis tombé amoureux d’une ligne, présente la recherche visuelle d’Emilio Azevedo. Mêlant archives et photographies personnelles, il explore les contours de la colonisation de l’Amazonie.
En sous-titre de l’exposition Rondônia – présentée dans le cadre de PhotoSaintGermain et au musée du quai Branly – on découvre ces mots intrigants : « Comment je suis tombé amoureux d’une ligne ». Pourquoi d’une ligne ? Pour le comprendre, il faut peut-être revenir à l’essence du geste : tracer une ligne, c’est déjà donner forme au monde, et souvent le conquérir. C’est l’histoire de la colonisation. L’un de ses épisodes se joue au cœur de l’Amazonie brésilienne, à partir du 19e siècle et surtout au 20e, lorsque le maréchal Rondon ouvre plusieurs axes de pénétration dans la forêt, en construisant routes, villages et exploitations pour intégrer le territoire à la nation. En cherchant à comprendre le retour de l’armée au pouvoir sous Jair Bolsonaro, Emilio Azevedo découvre, au musée de l’Armée de Copacabana, les archives de la Commission Rondon. « En les parcourant, j’ai compris que ces documents permettaient de replacer ce retour dans une histoire beaucoup plus large – celle d’une institution motrice de l’expansion vers l’Ouest au nom de la modernisation », explique-t-il. Soutenu par le quai Branly, il entreprend une vaste enquête à partir de ces fonds d’archives. À mesure qu’il explore ces images, il s’interroge : quel regard ces militaires portaient-ils sur ce territoire baptisé Rondônia ? Peu à peu, en observant les cadrages et les compositions de leurs clichés, il y perçoit les indices d’une manière d’organiser le monde.


Colonisation et modernité
Mais qu’a-t-il, lui, photographe, de commun avec ces hommes ? « Ce travail dans les archives est devenu un exercice personnel : j’ai tenté d’observer les points communs entre leur regard et le mien, de comprendre ce que j’ai hérité de ce mode d’être au monde », confie-t-il. Originaire d’une région elle aussi façonnée par la modernisation, il y retrouve une mémoire intime. « Traverser ce territoire m’a permis de me raconter une histoire sur la colonisation de ma région d’origine, et sur la formation de nos identités dans le Sertão », poursuit-il en évoquant ces vastes régions rurales et semi-arides au nord-est du Brésil. Ce mouvement, en façonnant un paysage à son image – routes identiques, occupation extractiviste des sols –, a peu à peu effacé l’identité amazonienne.
Rondônia. Comment je suis tombé amoureux d’une ligne est présentée à PhotoSaintGermain jusqu’au 20 décembre, et au quai Branly jusqu’au 25 janvier.
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #74.




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