« Glassy Eyes » : érotisme et musicalité

12 décembre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Glassy Eyes » : érotisme et musicalité

Pour réaliser Glassy Eyes, Guendalina Flamini, 32 ans, a écumé les petites salles de concert parisiennes, photographiant de jeunes groupes de rock. Un ouvrage sensuel, centré sur l’humain.

Cheveux longs, guitares électriques, torses nus… Guendalina Flamini s’immerge dans la foule en délire des concerts de rock, punk et métal parisiens à la recherche de l’éclat humain. Cette photographe freelance originaire d’Italie a toujours été passionnée par l’image et la musique. « J’ai étudié le montage audiovisuel, après cinq années dans un lycée artistique et j’ai toujours dessiné », précise-t-elle. C’est très jeune qu’elle photographie pour la première fois l’ambiance d’un show – celui de son ex-petit ami. « J’ai immédiatement été séduite : cette expérience liait mon amour du 8e art, d’une mise en scène proche du cinéma et de la musique », ajoute l’artiste. En 2012, elle déménage en France, et commence, d’abord gratuitement, à documenter un tremplin musical, Fallen Fest, faisant ses armes dans des lieux prestigieux, de La boule noire à La Cigale. « J’ai fait une sorte de parcours à l’envers, s’amuse-t-elle, c’est plus tard que je suis finalement entrée dans les petites salles, et ce sont celles que je préfère. »

Embauchée peu après par le magazine rock francophone Longueur d’Ondes, la photographe commence à écumer ces lieux à part, où la saturation des guitares et l’énergie des musiciens plongent le public dans une transe contagieuse. Elle rencontre, à la rédaction du journal, Laura Boisset, son éditrice, avec qui elle partage ces moments marquants. « C’est elle qui m’a proposé de réaliser Glassy Eyes, elle a toujours été passionnée par les ouvrages. Ce livre est une véritable expérience humaine : nous nous sommes nourries de nos rêves mutuels », confie Guendalina Flamini. Le résultat est brut, spontané, saisissant. Une collection de clichés captant l’instant réel, un moment de vulnérabilité ou une émotion forte. Dans ces lieux bondés, mouillés par la sueur et la bière, elle s’enfonce dans le public et s’approche au plus près des artistes, essayant de capter leur profondeur.

© Guendalina Flamini

Derrière le masque de la performance

« Mes photographies sont le reflet de quelque chose qui se passe au fond de moi, et que j’essaie de mettre en image. Il y a dans chacun de mes clichés une partie de moi-même »,

confie Guendalina Flamini. Le reflet d’une fascination pour l’homme sur scène, son personnage, son corps et ses mouvements. Lorsqu’elle tente d’expliquer cette passion, l’artiste évoque Nietzsche et son opposition entre Apollon et Dionysos, deux entités constituant chaque être vivant : l’un représentant la discipline et l’autre le chaos. Une dichotomie qu’elle aime illustrer. Ses « gueules d’anges », comme elle les appelle, semblent aussi dangereux que fascinants, froids que sensuels. « J’ai toujours fortement idéalisé la figure masculine, confie-t-elle. Mes photos reflètent cette passion. La femme est présente partout dans les médias, mais pourquoi ne pas mettre davantage l’homme en avant ? Pourquoi avoir peur de l’érotiser ? De le représenter en être désirable ? »

Inspirée par « l’instant décisif » de Cartier-Bresson, la photographe aime assister aux concerts sans se renseigner sur la tête d’affiche. Une manière de découvrir leurs compositions dans la folie d’une salle comble. Au cœur de ce moment d’exaltation, elle est capable du meilleur. « Si le groupe ou le chanteur ne me plaît pas, je n’arriverai pas à faire du bon travail », prévient-elle. La plupart des images de Glassy Eyes proviennent d’ailleurs de ses premières expériences live avec chaque groupe. S’immergeant dans l’ivresse du moment, dans cet abandon qu’affectionne Dionysos, elle capte la personne derrière le masque de la performance. Un livre à parcourir au son d’un riff entraînant, et d’une batterie assourdissante.

 

Glassy Eyes, Éditions des Véliplanchistes, 18 euros, 128 p.

© Guendalina Flamini

© Guendalina Flamini

© Guendalina Flamini© Guendalina Flamini

© Guendalina Flamini

© Guendalina Flamini

Explorez
Le souffle de la mémoire traverse le parcours Art et Patrimoine en Perche 2025
© Mathilde Eudes
Le souffle de la mémoire traverse le parcours Art et Patrimoine en Perche 2025
Jusqu’au 3 août 2025, le parcours Art et Patrimoine en Perche #06 place la création contemporaine au cœur de cette région verdoyante....
13 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Eman Ali : dans les interstices des identités tokyoïtes
Nadya Akane, dans la série In Praise of Silence © Eman Ali
Eman Ali : dans les interstices des identités tokyoïtes
Eman Ali compose The Praise of Silence, fruit d’une résidence artistique à Tokyo. La photographe explore, dans un travail collaboratif...
11 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
© Éléa-Jeanne Schmitter
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
Die Tore – en allemand, « les portes » – a été publié dans le livre On Death édité par Humble Arts Foundation et Kris Graves Projects...
03 juin 2025   •  
Écrit par Milena III
Les coups de cœur #545 : Rose Guiheux et Maksim Semionov
Melvin and Milan's room, 2024 © Rose Guiheux
Les coups de cœur #545 : Rose Guiheux et Maksim Semionov
Rose Guiheux et Maksim Semionov, nos coups de cœur de la semaine, explorent l’individu dans son rapport à l’autre et à l’espace. Abordant...
02 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Le souffle de la mémoire traverse le parcours Art et Patrimoine en Perche 2025
© Mathilde Eudes
Le souffle de la mémoire traverse le parcours Art et Patrimoine en Perche 2025
Jusqu’au 3 août 2025, le parcours Art et Patrimoine en Perche #06 place la création contemporaine au cœur de cette région verdoyante....
13 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Alex Bex révèle la sensibilité des cowboys texans
Rodeo Intermission, de la série Memories of Dust © Alex Bex, France, 3rd Place, Professional competition, Documentary Projects, Sony World Photography Awards 2025.
Alex Bex révèle la sensibilité des cowboys texans
Avec sa série Memories of Dust, le photographe franco-texan Alex Bex ébranle les codes de la masculinité dans les ranchs de cowboys au...
13 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Ilanit Illouz au bord de l'Etna
© Ilanit Illouz
Ilanit Illouz au bord de l'Etna
Le Studio de la MEP présente Au bord du volcan, une exposition d'Ilanit Illouz. Cette expérimentation visuelle et plastique à partir de...
12 juin 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Blue Screen of Death : Les photogrammes hybrides de Baptiste Rabichon
Blue Screen of Death © Baptiste Rabichon
Blue Screen of Death : Les photogrammes hybrides de Baptiste Rabichon
Baptiste Rabichon, artiste phare de la Galerie Binome, nous confronte à notre rapport ambigu aux images et à la technologie à travers...
12 juin 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas