Fisheye: Comment as-tu commencé à prendre des photos ?
Guillaume Mouton
: C’est en 2008 pour mon périple en stop EcoAmerica que j’ai rencontré la problématique de l’image. J’ai vite compris la différence entre les photos “souvenir” que je prenais et les photos dont un journaliste peut avoir besoin pour illustrer un propos. Chemin faisant, la vie a pris soin de moi. J’ai rencontré des photographes qui m’ont inspiré. Aux États-Unis, une jeune photographe qui m’hébergeait m’a offert son vieux reflex Canon. Un monde s’ouvrait à moi, m’invitant à sortir de ma pratique du compact tout automatique.
Lors d’un symposium à Edmonton au Canada, un autre journaliste photographe me voit galérer à faire la mise au point. Je me retrouve tout bête quand je comprends sur ses conseils, qu’il existe un mode automatique pour l’autofocus (AF) et qu’on peut choisir à quel endroit l’AF focalise. J’apprends sur le tas… En 2010, je collabore à la série documentaire “Martin autour du monde“ réalisée par Fred Cebron, photographe devenu réalisateur. J’apprends à ses côtés à marier photo et émotions.
Est-ce que tu prends des photos pendant les tournages de “Nus & Culottés” ?
Assez peu dans l’ensemble. Ce qui est assez frustrant. On se venge avec Nans, lui aussi photographe amateur, sur de chouettes cadrages et la recherche de belles lumières matinales dans nos plans pour le film.
D’ailleurs, c’est pour l’un des voyages N&C que je me suis décidé à investir dans du matériel adapté à mes rêves de belles images. En Islande, j’achète un 7D et le 20mm 2.8 de chez Canon pour saisir les aurores boréales que nos caméras ne peuvent capter. Ainsi mes toutes premières images finissent en timelapse dans le film Objectif Islande. Un joli présage qui m’invite à continuer.
Depui je me suis équipé d’une gamme complète d’objectifs pour pouvoir m’adapter et faire aussi bien du grand-angle, de la macro ou de la photo animalière. C’est d’ailleurs parce que je trimballe beaucoup de matériel que je couvre peu de distance quand je prends des photos.
En effet, ta démarche photographique est très ancrée localement. Comment procèdes-tu pour trouver des sujets et capturer des images ?
Ce qui m’anime en ce moment, c’est de sillonner mon département de naissance, la Haute-Marne pour apprendre à y voir les perles de beauté qui veulent bien se montrer à qui sera suffisamment curieux et patient pour les découvrir. Alors souvent, je me pose dans un coin de nature au hasard et je passe la journée dans un tout petit rayon de moins d’un kilomètre à chercher ce qui m’émeut, ce qui peut me permettre de partager un trait d’humour, d’illustrer une valeur, ou simplement parce que je trouve ça esthétique.
Comme dans mes voyages pour Nus & Culottés, le maître-mot est “disponibilité”. J’ai bien sur en tête des clichés que je rêve de prendre, néanmoins, je veux me laisser surprendre par un objet abandonné, un rayon de lumière sur un visage, un insecte au comportement surprenant. Mon leitmotiv : il y a de la beauté partout et tout le temps.
Mes photos se veulent réalistes. Je ne traque pas l’exceptionnel, l’incroyable. Je souhaite illustrer la vie que chacun connaît, sous un jour légèrement différent, simplement pour retomber amoureux de cette vie. Un peu comme un enfant qui s’enthousiasme d’un escargot, d’un reflet dans l’eau, je veux retrouver cette capacité d’émerveillement.
Qu’est-ce que t’apporte la photo par rapport à la réalisation de documentaires et tes autres activités ?
La photo me permet d’être lent. Elle me donne le temps de plonger dans l’instant. Quand je regarde une photo, l’immobilité me permet d’aller dans le détail : la diffraction de la lumière dans une toute petite goutte en premier-plan, la profondeur troublante d’un regard. Je sens l’infini dans chaque détail. Dans un film, dans la rencontre, en musique, tout est mouvant, ça bouge, ça vit. J’adore ça. Seulement, parfois, j’ai besoin de calme, d’un espace clos qui ne soit pas enfermant pour autant. La photo m’apporte cet espace où l’on peut se mettre au repos, s’arrêter avec la confiance que les repères sont et seront immobiles à jamais.
Pourquoi cette image est-elle ta préférée ?
J’aime cette photo pour la simplicité qui s’en dégage. Des amoureux, un chemin de sous-bois, une cueillette. Mes photos sont pour moi un rappel à ce qui compte vraiment. Un rappel à ces paroles des anciens que j’ai pu rencontrer du fin fond de l’Atacama chilien aux contrées perdues de ma Haute-Marne natale. Quand on a fait un long bout de chemin, qu’il ait été bordé de fleurs ou de ronciers, ce qui compte réside davantage dans ce qu’on peut échanger en route.
Et si tu devais retenir une seule image de la saison 3 de Nus et Culottés, laquelle ce serait ?
Dans le voyage en direction de la Suisse, animés par le rêve d’y trouver des paillettes d’or dans les rivières, nous avons rencontré Dominique et Alain, un couple de retraités qui nous a hébergés plusieurs jours. Des heures à parler de nos vies, plaisanter de nos différences, se livrer sur nos fragilités, bricoler le bateau d’Alain et notre matériel d’orpailleurs néophytes. Une véritable pépite de voyage.
Au moment de se quitter, alors que la voiture de Dominique nous emmène au loin, je revois Alain, tout penaud, sur le trottoir de leur maison qui nous salue en secouant la main, les yeux rouges et le cœur enflé de ce qu’on ne sait pas se dire. Cette affection qu’on peut se trouver les uns pour les autres en quelques jours seulement, dans une parenthèse de nos vies filantes, ce miroir de l’amour pour nos proches à qui c’est trop souvent difficile de dire ce qui fait du bien, me touche au plus haut point. Pour ce genre d’image, je suis content d’en faire des documentaires. Je ne sais pas encore exprimer ça dans une photo.
Est-ce qu’il y aura une saison 4 de Nus et Culottés ?
Si quelqu’un a la réponse à cette question, je veux bien le rencontrer !
Propos recueillis par Dorian Chotard.
→ Toutes les photos de Guillaume Mouton, alias Mouts sont disponibles ici : https://500px.com/mouts
→ Retrouvez les conférences et stages de préparation au voyage sur le site des Ateliers du Grand Voyageur.
→ Le premier épisode de la saison 3 de Nus et Culottés “Objectif Italie” sera diffusé ce jeudi 4 juin à 20h40 sur France 5. Découvrez sans plus tarder un extrait de ce nouvel épisode: