« À quoi peut-il bien ressembler aujourd’hui ? »
Deux minutes avant de le rencontrer, cette question me taraude. Minuit, un dimanche soir, John Hamon m’a donné rendez-vous devant chez lui, près de République. Quand j’arrive, il est en train de charger le coffre de sa voiture pour la session d’affichage qui nous attend.
« Ce soir, on va tester un balai de neuf mètres ! Plus j’accroche haut, plus j’ai des chances de rester longtemps. »
Premier constat : il ne porte plus de lunettes. Forcément, il a changé depuis cette photo prise autour de l’an 2000 dans un studio parisien. « Cela n’arrive plus qu’on me reconnaisse », confirme John Hamon, 34 ans désormais.
Avant de se mettre en route, il m’emmène au sous-sol de son immeuble où il stocke ses fameux posters. Il les commande sur Internet par 500 ou par 1 000. De quoi tenir environ trois mois. Son sourire se décline dans toutes les tailles, du sticker au grand format de plus d’un mètre. À l’origine, c’est avec de simples photocopies A4 qu’il a lancé son projet en 2001. Ses tout premiers accrochages sauvages sont documentés sur son site Internet. Entre autres vestiges, on peut par exemple voir sa tête sur une affiche de campagne de Jean-Marie Le Pen, pour l’élection présidentielle de 2002.
77 villes dans 33 pays
En noir et blanc puis en couleur, anonyme puis signé (de son vrai nom), voilà donc plus de quinze ans qu’il ressurgit par intermittence sur les murs. Depuis deux ans, il s’efforce d’accrocher au moins un soir par semaine, toujours après minuit : « Je déteste la ville en journée. J’aime la mobilité et circuler la nuit. » Alors que les rues de Paris défilent, il croise sans cesse son propre regard : une guirlande de John Hamon sur un bloc de béton ou une affiche géante place de la Concorde. Un matraquage qui en a fait une figure familière pour tous les Parisiens. Et pas seulement. Grâce à ses voyages et ses amis routards, John estime avoir déjà toisé 77 villes dans 33 pays.
Lors de ses virées nocturnes, John Hamon quadrille la capitale sans programme défini : « Je roule et je m’arrête à l’intuition. Je privilégie les murs sans fenêtres et pas trop propres. » Ce soir, notre discussion l’empêche d’être entièrement concentré. Ce n’est qu’après une quinzaine de kilomètres qu’il décide de se garer au milieu d’un trottoir face à sa première cible, une façade de la place Balard, juste à la sortie du métro. « C’est parfait ici, c’est très passant et bien voyant », jauge-t-il en déballant son matériel. Un gros pâté de colle, un coup de balai, des gestes qu’il a répétés des milliers de fois, et l’affiche est fixée en moins de trois minutes sous le regard indifférent de quelques noctambules…