Découverte récente, coup de foudre artistique, ou même artiste phare… Dans chaque numéro, différents membres de l’équipe Fisheye prennent la parole et partagent leur obsession photographique du moment. Lumière aujourd’hui sur Sheida Soleimani, choisie par Salomé d’Ornano, responsable de la Fisheye Gallery.
Ce n’est pas tant pour l’absurdité de ses photos que j’admire le travail de Sheida Soleimani, mais bien pour son engagement. Née en Iran en 1990, elle a fui le pays avec sa famille pour s’installer aux États-Unis. Elle cultive une aversion radicale pour le régime violent et totalitaire iranien, mais aussi pour l’égocentrisme exacerbé du modèle américain. Utilisant l’humour et la dérision, elle crée des collages en 3D – sans utiliser Photoshop – dans son studio à Rhode Island afin de critiquer les dérives politiques de l’Orient et de l’Occident. Ses montages se composent comme une narration vivante ou une scène de théâtre. Les éléments sont agilement balancés dans son studio, méticuleusement broyés sur le sol, et soigneusement placardés aux murs, symbolisant la violence des conflits de notre monde. Ses modèles incarnent des figures comme un ayatollah, des femmes iraniennes exécutées par le régime ou, comme sur cette image, la figure de Mohammed ben Salmane (alias MBS, prince héritier d’Arabie saoudite) en slip… On y découvre une satire évidente de la monarchie, où le roi figuré par une marionnette est entouré de pipeline, d’un petit bidon de fuel et de son fidèle faucon, coiffé lui aussi du shemagh (keffieh à damier rouge et blanc servant à se protéger de la chaleur). Une représentation qui traduit toute l’irrévérence de l’artiste. Au-delà de la dimension géopolitique, toutes ces mises en scène offrent une multiplicité d’interprétations et nous invitent à nous questionner sur l’authenticité même des images. Des images qui se trouvent partout autour de nous, auxquelles nous accordons trop facilement notre confiance sans jamais les remettre en question.
© Sheida Soleimani