Les coups de cœur #331

08 mars 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les coups de cœur #331

Nos coups de cœur #331, Cléa Rekhou et Céline Yasemin sont toutes deux inspirées par les enjeux sociétaux et les minorités. L’une s’intéresse aux auteurs des violences conjugales et l’autre aux sexualités, genres et relations atypiques.

Cléa Rekhou

Photographe franco-algérienne, née en 1988, Cléa Rekhou a grandi dans une cité de Seine-Saint-Denis. « J’ai été confrontée à des réalités sociales difficiles contre lesquelles j’ai voulu lutter en poussant mes études le plus loin possible », confie-t-elle. Diplômée d’école de commerce, l’autrice s’installe à l’étranger, et découvre la photographie en 2016, en autodidacte. « Le médium est devenu une passion, puis une nécessité », précise-t-elle. Dans ses projets, Cléa Rekhou cherche à mettre en lumière des sujets sociétaux délaissés, à « aller à la rencontre des préjugés, surtout les [s]iens, afin d’essayer de saisir les nuances de l’être humain ». Inspirée par la photographie documentaire et les œuvres de Eugene W. Smith, Susan Meiselas ou encore Laia Abril, la photographe ne cesse de développer des séries engagées. En 2019, elle débute Monsieur, un travail consacré aux hommes, auteurs de violences conjugales. « J’ai réalisé que les consciences s’élevaient à juste titre face à la souffrance des victimes, mais qu’on ne parlait jamais des auteurs. Ils étaient déshumanisés et exclus du dialogue. Je me suis alors mise à la recherche de centres de réinsertion ou d’associations pour leur prise en charge », raconte l’autrice. Privilégiant les tons froids, les décors aseptisés, Cléa Rekhou fait le portrait de ces hommes travaillant pour retrouver des relations plus saines. « J’ai voulu leur donner de mon temps, pour les écouter, discuter, et échanger des moments de vie ensemble. Aucun d’eux n’est un monstre, au contraire, et cela a été mon point de départ dans nos échanges », explique-t-elle. Face à l’objectif, les sujets se livrent, et les regards parlent. Ils témoignent d’une existence difficile, qu’ils tentent tant bien que mal de surmonter. « Saviez-vous que jeter une pile d’assiettes par terre lors d’une dispute est un acte de violence conjugale ? Les auteurs de ces violences ne sont pas seulement des pervers narcissiques commettant des féminicides. La plupart du temps, ces actes sont bien plus “à la portée” de chacun d’entre nous », conclut la photographe.

© Cléa Rakhou© Cléa Rakhou

© Cléa Rakhou

© Cléa Rakhou© Cléa Rakhou

© Cléa Rakhou

© Cléa Rakhou

Céline Yasemin

« Une image est réussie lorsqu’elle révèle une certaine intimité, une honnêteté, une personnalité. J’essaie d’encapsuler tous ces attributs dans chacune de mes photos »

, déclare Céline Yasemin, 26 ans. Titulaire d’une licence en photographie, l’artiste allemande développe, depuis plusieurs années, des séries personnelles, centrées sur les émotions humaines. « Mes clichés sont souvent doux, j’aime être proche de mes sujets, et j’essaie de partager ce ressenti avec le regardeur. Je photographie mes modèles dans leur chambre, en les laissant agir comme ils l’entendent, de manière à ce qu’ils soient à l’aise. Souvent, les choses se passent spontanément, et je n’ai pas recours à la mise en scène », explique-t-elle. Dans 21 grams, l’autrice s’intéresse à la communauté LGBTQIA, et aux relations amoureuses et sexuelles atypiques. Un projet né il y a deux ans, dans le sud de la France. « Alors que j’y passais un semestre durant mes études, des attaques homophobes ont eu lieu, et mon cercle d’amis s’est lancé dans une campagne pour défendre les droits LGBTQIA. L’une de mes amies, Mara, m’a particulièrement influencée et m’a poussée à documenter ce sujet en profondeur », raconte Céline Yasemin. Et c’est Mara qui est passée la première devant son objectif. « J’étais fascinée par sa manière de percevoir son entourage. Nous avons beaucoup échangé. Pas seulement à propos des sujets queer, mais aussi à propos des relations, des amitiés, du polyamour… », précise-t-elle. À ce premier shooting s’ajoutent d’autres rencontres – des amis, des connaissances, mais aussi des rencontres Instagram et Tinder. Une collection de portraits intimistes, au cœur desquels les corps se dénudent et les langues se délient. Avec 21 grams, l’artiste donne à voir un univers tendre, serein, où la tolérance règne. « Peu importe que l’on parle de sexualité, de genres ou de relations, j’aimerais que la société soit plus compréhensive, et condamne moins certaines manières de vivre. Ne serait-ce pas plus libérateur, que les gens acceptent d’autres horizons – peu importe leurs propres préférences ? », s’interroge-t-elle.

 

Céline Yasemin a lancé une campagne de financement participatif pour faire de 21 grams un livre. Vous pouvez participer ici

 

© Céline Yasemin

© Céline Yasemin© Céline Yasemin
© Céline Yasemin© Céline Yasemin

© Céline Yasemin

© Céline Yasemin

Image d’ouverture : © Céline Yasemin

Explorez
Raymond Depardon, l’éloge du passage
© Raymond Depardon
Raymond Depardon, l’éloge du passage
La Galerie Magnum présente Raymond Depardon : Passages, une rétrospective visible jusqu'au 26 juillet 2025. À travers une...
18 juin 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Le palmarès du prix Picto de la Mode 2025 : la mode au croisement des enjeux contemporains
Symbiose © Arash Khaksari
Le palmarès du prix Picto de la Mode 2025 : la mode au croisement des enjeux contemporains
À l’occasion de la 27e édition du prix Picto de la Photographie de Mode, la cour du Palais Galliera s’est transformée en un lieu...
16 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Alex Bex révèle la sensibilité des cowboys texans
Intermission (Big Foot, Texas), de la série Memories of Dust © Alex Bex, France, 3rd Place, Professional competition, Documentary Projects, Sony World Photography Awards 2025.
Alex Bex révèle la sensibilité des cowboys texans
Avec sa série Memories of Dust, le photographe franco-texan Alex Bex ébranle les codes de la masculinité dans les ranchs de cowboys au...
13 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d'Arles 2025
Extrait de Father (Atelier EXB Paris, 2024) © Diana Markosian
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d’Arles 2025
Alors que la 56e édition des Rencontres de la photographie d’Arles approche à grands pas, la rédaction de Fisheye vous invite à...
11 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Isabel Muñoz à Portrait(s) : le corps en majesté
© Isabel Muñoz
Isabel Muñoz à Portrait(s) : le corps en majesté
Jusqu'au 28 septembre 2025, le festival Portrait(s) accueille une rétrospective d’Isabel Muñoz, grande figure de la photographie...
20 juin 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
23 séries de photographies qui prennent vie en musique
Les membres originaux du groupe Oasis, Japon, 1994 © Dennis Morris
23 séries de photographies qui prennent vie en musique
En ce premier jour de l’été, partout en France, la musique est à l’honneur. À cet effet, nous vous avons sélectionné une série de...
20 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Que reste-t-il après le feu ? : des images, des voix, des actifs
Tour immersive en forêt © Alexandre Dupeyron
Que reste-t-il après le feu ? : des images, des voix, des actifs
À l’écomusée de Marquèze, jusqu’au 28 septembre 2025, l’exposition 600° – La forêt après le feu du collectif LesAssociés, pose une...
19 juin 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Archevêché by Fisheye : une 2e édition haute en couleur
© Marie Meister
Archevêché by Fisheye : une 2e édition haute en couleur
Du 7 au 12 juillet 2025, Fisheye investit la cour de l’Archevêché, lieu de rendez-vous incontournable du ()ff des Rencontres d’Arles, au...
19 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine