Photographier pour échapper au deuil. C’est ainsi que le photographe italien Mauro Fiorito a procédé à la suite du décès de sa mère. Dans son ouvrage, The night face up, paru aux éditions 89 Books, il s’évade dans la nature ou auprès de figures féminines, et nous montre le chemin de la liberté.
« Je travaillais sur un sujet qui me reliaient aux lieux de mon enfance et à la figure féminine présente dans ma vie, et puis un évènement tragique est arrivé. Un soir d’été, ma mère est décédée lors d’une opération chirurgicale et d’une erreur des médecins », confie Mauro Fiorito, un photographe italien désormais installé à Paris. S’en est suivie une profonde réflexion et cet ouvrage, intitulé The night face up (« La nuit à visage découvert », NDLR). Un voyage de sept ans entre un quotidien joyeux et des souvenirs plus mélancoliques. Un chemin parsemé de preuves d’amour et de liens. « J’étais très proche d’elle. Nous partagions tant de choses ensemble. L’un des moments les plus agréables ? Notre voyage d’un mois en Argentine, juste elle et moi », explique celui qui pratique la photographie depuis ses douze ans.
Source d’inspiration inépuisable, la figure maternelle est aussi un symbole de liberté ici. Et ce, au même titre que les femmes et la nature. « J’ai grandi entre la mer et les montagnes et tout cela a joué un rôle important dans mon enfance ». Méditation, recueillement… Le silence et le mystère de la nature permettent à Mauro Fiorito de se relier à ces instants passés, comme au présent : à lui-même et à sa pratique photographique. « C’est au cœur de la nature que je me sens le plus en sécurité et donc le plus libre », confie le photographe. Aucun doute. Pour lui, la photographie joue un rôle thérapeutique. C’est « une découverte continue d’un mode d’expression unique. Elle me libère. Après le décès de ma mère, il me fallait absolument retourner auprès de ces instants chaleureux ». En réponse au sombre traumatisme, Mauro Fiorito propose un hommage doux et coloré. Une alternance de corps et de textures, de paysages et de détails sauvages. Et c’est par cette forme narrative qu’il parvient à se détacher du deuil. Son livre est un hommage à sa mère, au même titre que ce poème adapté et inspiré par Philip Larkin et William Wordsworth, qu’il a choisi de partager avec nous :
« My heart leaps up when I behold
A tree, a snake, a rock,
So was it when my life began;
So is it now I am a man;
I remember, I remember,
The fir trees dark and high;
I remember, I remember,
The house was cold and shiny.
Time let me play and daydream,
The happy yard, singing as the farm was home.
I remember, I remember, when I was lying down and all became a burning mist.
I remember, I remember,
The kiss in the grass.
Nothing, like something, happens anywhere.
Remember you are this universe and this universe is you. »
« Mon cœur bondit quand je vois
S’élancer un arbre, un serpent, un rocher,
Ainsi était-ce au début de ma vie ;
Ainsi est-ce maintenant que je suis un homme ;
Je me souviens, je me souviens,
Les sapins sombres et hauts ;
Je me souviens, je me souviens
La maison était froide et brillante.
Le temps m’a permis de jouer et de rêver,
La cour heureuse, chantant comme la ferme, la maison.
Je me souviens, je me souviens, quand j’étais allongé et que tout est devenu une brume brûlante.
Je me souviens, je me souviens,
Le baiser dans l’herbe.
Rien, comme quelque chose, ne se produit n’importe où.
Rappelez-vous que vous êtes cet univers et que cet univers, c’est vous. »
The night face up, 89 Books, 42 €, 116 p.
© Mauro Fiorito