Mukayu, ou l’impermanence de l’être

10 décembre 2020   •  
Écrit par Finley Cutts
Mukayu, ou l'impermanence de l'être

Avec Mukayu, Paul Cupido nous invite à une douce méditation. Le photographe nous propose une expérience émotionnelle, profonde et solitaire, où de belles métaphores minimalistes se confondent avec nos recoins les plus intimes.

Fermer les yeux, s’en remettre à nos sens, et éveiller notre esprit. Aux lectures multiples, le nouvel ouvrage de Paul Cupido se vit comme une expérience à part entière. Composé d’un double-livret, l’ouvrage dissout la structure linéaire classique, et offre de nombreuses possibilités d’associations d’images. Telle une méditation, l’expérience est active. Au fil des pages, un diptyque surgit, une inspiration, et une tension. Une nouvelle image, et la pression retombe, vient le temps de l’expiration. Le récit de l’auteur nous transperce et envahit nos pensées, selon notre propre rythme.

« Une pièce vide sera remplie de lumière de par son vide ». C’est ainsi que le philosophe Chinois Zhuangzi définit le concept de « Mukayu ». Réalisé au Japon, le travail récent du photographe s’inspire de cette notion, faisant également référence à la « non-existence », c’est-à-dire, aux « choses telles qu’elles sont ». En explorant cette pensée de la négation, Paul Cupido fait la part belle au vide dans ses images. Avec des scènes minimalistes qui tendent à isoler le sujet, le photographe montre un esthétisme sophistiqué dans la simplicité de ses compositions. À la manière du penseur japonais Tanizaki dans son Éloge de l’ombre, il souligne la poésie de l’obscurité, et nous invite, par son utilisation de noirs profonds, à la sérénité.

© Paul Cupido / "Mukayu"© Paul Cupido / "Mukayu"

L’impermanence de l’être

Le vide, la métamorphose, le transitoire, l’éphémère… L’auteur explore les thèmes liés à l’impermanence de l’être. Par une déconstruction du récit classique, ses images – devenues de véritables poèmes visuels – dialoguent et s’embrassent, et ne se révèlent jamais de la même façon. En faisant appel à nos propres expériences émotionnelles, il nous  place au centre de l’œuvre, là où notre sensibilité résonne avec la légèreté du papier washi. Avec ses compositions, tantôt mélancoliques et tantôt surréalistes, Mukayu interroge notre rapport au réel et notre capacité à rêver.

« Faire des photographies est un processus naturel. Il ne s’agit pas de représenter la nature depuis l’extérieur. Mon travail est le reflet du sentiment que j’ai éprouvé, et que je souhaite relier à l’imagination du spectateur », explique Paul Cupido. Son désir de comprendre et d’embrasser la nature imprègne son travail, un travail qui se nourrit de son île natale, Terschelling. Allégorie de la philosophie japonaise, Mukayu appelle à cette contemplation du monde – entre la rudesse éternelle des montagnes et l’agitation constante de l’eau. La légèreté de sa forme n’a d’égal que la profondeur de son contenu.

 

Mukayu, The(M) Éditions et IBASHO, 95€, 540 exemplaires.

© Paul Cupido / "Mukayu"© Paul Cupido / "Mukayu"

© Paul Cupido / "Mukayu"

© Mukayu, Paul Cupido

Explorez
Photographier les récits occultes avec Joan Alvado : Os batismos da meia-noite (1/3)
Os batismos da meia-noite © Joan Alvado
Photographier les récits occultes avec Joan Alvado : Os batismos da meia-noite (1/3)
Le photographe espagnol Joan Alvado compose des essais photographiques où l’étrange, le mythe et la légende s’entremêlent. S’inspirant...
23 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #516 : le songe d'une eau d'été
© Oscar Portois / Instagram
La sélection Instagram #516 : le songe d’une eau d’été
Si la mer est synonyme d’évasion et d’aventures, elle renvoie également à la quiétude et au repos. Les artistes de notre sélection...
22 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 14 juillet 2025 : flash, collages et vacances
© Lucia Buricelli
Les images de la semaine du 14 juillet 2025 : flash, collages et vacances
C’est l’heure du récap ! Tirage historique, photographie de rue colorée, monochromes étonnants ou collages ironiques… Cette semaine, les...
20 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Lucia Buricelli, flashs colorés sur l’ordinaire
© Lucia Buricelli
Lucia Buricelli, flashs colorés sur l’ordinaire
Installée entre New York et l’Italie, Lucia Buricelli transforme les scènes les plus quelconques en tableaux colorés et fantasques. La...
19 juillet 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
L'esthétique des luttes en photographie
L'arrestation du féroce chef mafieux Leoluca Bagarella, Parlerme, 1979. © Letizia Battaglia
L’esthétique des luttes en photographie
La photographie est un acte délibéré. Sa fabrication n’est qu’une suite de choix, d’exclusion et d’inclusion, de cadrage, de point de...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Photographier les récits occultes avec Joan Alvado : Os batismos da meia-noite (1/3)
Os batismos da meia-noite © Joan Alvado
Photographier les récits occultes avec Joan Alvado : Os batismos da meia-noite (1/3)
Le photographe espagnol Joan Alvado compose des essais photographiques où l’étrange, le mythe et la légende s’entremêlent. S’inspirant...
23 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Zooms 2025 : pourquoi Fisheye soutient Lola Cacciarella au Salon de la photo
Bleu Comme Une Orange © Lola Cacciarella
Zooms 2025 : pourquoi Fisheye soutient Lola Cacciarella au Salon de la photo
Depuis quatorze ans, les Zooms du Salon de la photo mettent en lumière la création photographique. Cette année, Fisheye soutient le...
23 juillet 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Les commencements de Claudia Andujar : le regard comme lien
© Claudia Andujar. De la série A Sõnia, São Paulo, SP, vers 1971. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Instituto Moreira Salles
Les commencements de Claudia Andujar : le regard comme lien
Présentée à la Maison des Peintres dans le cadre des Rencontres d’Arles jusqu’au 5 octobre 2025, À la place des autres revient sur...
23 juillet 2025   •  
Écrit par Milena III