L’exposition Paradis naturistes, jusqu’au 9 décembre au Mucem à Marseille, explore un phénomène social qui continue de défier les normes : le naturisme. Au milieu d’espaces naturels grandioses et d’étendues marines azurées, ces images nous invitent en effet à réfléchir à notre rapport à la nature et à la façon dont les vêtements nous en éloignent parfois.
Né dans le nord de l’Europe, héritier de la culture des saunas, le naturisme est une pratique qui, malgré l’évolution des mœurs, continue de faire débat. Prônant un rapport plus authentique et proche de la nature, il est peut-être aussi le symptôme d’une névrose occidentale : celle de l’aliénation citadine et capitaliste, et du regret permanent du paradis perdus. Alors que l’Europe du Nord se désespère de sa perte de spiritualité, se mettre littéralement à nu paraît être à la fois un geste sincère de libération et une tentative de se reconnecter à ce qui est désormais ruiné.
L’exposition Paradis naturiste est indéniablement audacieuse en ce que la praxis du nudisme a rarement été considérée comme un objet d’art, voire muséal. « Si le mouvement naturiste n’a pas la même ampleur dans le bassin méditerranéen que dans le reste de l’Europe, c’est que ses racines viennent du Nord et du Centre. Mais cette pratique n’est pas étrangère aux rives du Sud », explique Pierre-Olivier Costa, directeur du Mucem. En effet, les images présentées sont essentiellement issues des côtes méditerranéennes. Une tentative, peut-être, de raconter une ancienne culture de soin physique et d’attention portée au corps. « C’est aussi cette alternative de mode de vie que nous voulions présenter, écrit le directeur. Une manière d’être qui questionne nos regards, nos jugements, notre façon de nous nourrir ou de nous soigner, le lien du corps à la sexualité. » L’intérêt renouvelé envers les pratiques naturistes puise sa source dans une remise en cause générale des modes de vie cafardeux proposés par les sociétés occidentales. Cela va avec l’envie d’une alimentation saine, respectueuse des animaux, ou encore le recours aux thérapie naturelles, à la méditation ou au yoga en plein air. Bien qu’enrichissants, ces quêtes de sens ne peuvent pas ne pas être interrogées au prisme d’une appropriation spirituelle et culturelles de traditions non européennes. Quoi qu’il en soit, nos corps sont autant de clés de lectures pour comprendre les enjeux des naturismes d’hier et d’aujourd’hui.
Une histoire de communauté
En France, le naturisme est une histoire de communautés. Cette destination, au croisement de trois mers, au climat tempéré, est vite devenue le repaire de ses adeptes. De véritables groupes s’y sont installés, et ce, pour des raisons historiques, culturelles, juridiques. L’exposition fait la part belle aux images qui documentent leur vie, en particulier dans les régions du Sud. Elle soulève des questions importantes avec un certain esprit critique : vivre nu·e en communauté pour communier avec la nature serait-il le secret du bonheur et de la santé ? Pourquoi et comment la France est-elle devenue un « paradis naturiste » ?
Situé à Marseille, le Mucem se trouve dans un territoire qui abrite plusieurs lieux naturistes et il semblait donc logique de s’intéresser à ce mouvement qui se veut fédérateur. Au fil de ces 600 photographies, films, revues, objets quotidiens, peintures, dessins, livres, estampes et sculptures, nous découvrons d’ailleurs qu’il serait sans doute plus exact de parler de plusieurs naturismes, car les approches ne sont pas univoques. « Les littoraux du Sud, notamment les bords de la Méditerranée, attirent particulièrement celles et ceux qui sont à la recherche d’espaces de nature préservée pour libérer leur corps de toutes formes de contraintes, explique la commissaire Amélie Lavin. Ôter ses vêtements est un geste de libération, une utopie de retour à une vie plus essentielle, en symbiose avec la nature et le vivant. Pour un musée de société comme le Mucem, il paraissait évident et nécessaire de se pencher sur ce fait de société et sur son histoire, d’autant que ce sujet est totalement inédit en France, où jamais aucune exposition n’a encore été organisée autour de ces questions. »