Pérez Siquier à Huis Marseille : 60 ans d’Espagne sous objectif pop

27 avril 2023   •  
Écrit par Léa Boisset
Pérez Siquier à Huis Marseille :  60 ans d’Espagne sous objectif pop

Jusqu’au 18 juin, la fondation MAPFRE organise au musée Huis Marseille d’Amsterdam une rétrospective dédiée aux plus grandes séries de Carlos Pérez Siquier, figure emblématique de la photographie espagnole et pionnier de la photographie couleur.

Mille nuances d’Espagne transparaissent dans les clichés de Carlos Pérez Siquier, dont les différentes séries couvrent soixante ans de l’histoire espagnole : depuis la série La Chanca, en 1957, à celles qui dépeignent les années franquistes d’après-guerre, jusqu’aux clichés contemporains, dont les derniers datent de 2018.

Carlos Pérez Siquier, qui n’a jamais cherché à s’introduire au sein des métropoles culturelles et a maintenu sa vie périphérique, a fait de sa ville natale d’Almería son sujet principal. Ses premiers clichés, en noir et blanc, résonnent comme des témoignages d’une époque oubliée, dont le contraste avec la société de consommation naissante l’a grandement inspiré. On y trouve de poétiques paysages, peuplés de quelques animaux ou d’objets, comme un cheval, ou un parapluie, dont l’apparition incongrue teinte l’ensemble d’une aura surréaliste. Mais l’on sent surtout, dans ces images néoréalistes des rues et des habitants de La Chanca, qui révèlent la pauvreté du quartier, le regard critique percutant du photographe.

© Carlos Pérez Siquier© Carlos Pérez Siquier

Sensualité et malice sur fond de critique sociale

Cependant, on retient surtout de cette exposition les séries des années 1970, notamment La Playa, aux couleurs pop et à l’humour un brin provocant. Les positions indécentes des personnes en maillot de bain, comme celle de cet homme sur sa serviette, pieds basculés au-dessus de sa tête, dans une posture à l’indélicatesse proprement enfantine, sont étonnantes. Bien qu’à la fois familières et ordinaires, trouver ces postures immortalisées dans des clichés destinés à être exposés avec sérieux nous déconcerte, et nous amuse. L’esthétique kitsch, rendue possible par le nouveau médium de la photographie couleur, aux tons denses et criards, engendre une satire malicieuse des transformations modernes et du nouveau rapport de la société aux objets, à l’ère du tourisme de masse.

Au-delà de l’ironie qui imprègne certains clichés, on est saisi par la douceur et la sensualité d’autres photographies, aux détails d’un réalisme quasi-érotique, comme celle de la femme en bonnet de bain, au tissu douloureusement tendu sur ses cheveux, et dont on sent presque la goutte d’eau couler le long de sa nuque. Du gros plan sur le ventre bombé d’une femme en maillot de bain fleuri, on ressent la plénitude du corps étendu au soleil, relâché dans un oubli de soi et du monde, écrasé de plaisir. Des œuvres qui nous exposent à des sensations parfois contradictoires, entre volupté, dérision, contemplation et jugement.

© Carlos Pérez Siquier© Carlos Pérez Siquier
© Carlos Pérez Siquier© Carlos Pérez Siquier
© Carlos Pérez Siquier© Carlos Pérez Siquier

© Carlos Pérez Siquier / Collection Fundación MAPFRE, c/o Pictoright Amsterdam 2023

Explorez
L’image comme manifeste au Moulin Blanchard
Le Beat Hotel, 9 rue Gît-le-Coeur, Chambre 41. Thelma Shumsky, scientifique américaine et son amie suédoise Gun, 1957 © Harold Chapman (TopFoto, Roger Viollet)
L’image comme manifeste au Moulin Blanchard
Le Moulin Blanchard rappelle que l’art peut encore être une arme intime et révoltée. Rien d’exhaustif : soixante ans après la Beat...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Les Mesnographies 2025 : la sororité comme cri de ralliement
© Thalía Gochez
Les Mesnographies 2025 : la sororité comme cri de ralliement
Du 7 juin au 14 juillet 2025, le festival Les Mesnographies revient pour une cinquième année dans le parc municipal des Mesnuls. Une...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Valentine Gauthier Fell et Rebekka Deubner racontent la jeunesse en foyer
© Rebekka Deubner
Valentine Gauthier Fell et Rebekka Deubner racontent la jeunesse en foyer
Publié chez Rotolux Press, En vif est une immersion sensible dans le quotidien d’une maison d’enfants à caractère social. L’autrice...
02 juin 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Les yeux dans les yeux, portraits de la collection Pinault
© Annie Leibovitz
Les yeux dans les yeux, portraits de la collection Pinault
À l’occasion de la cinquième édition d’Exporama, la Collection Pinault fait halte à Rennes avec une exposition magistrale sur le...
31 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
L’image comme manifeste au Moulin Blanchard
Le Beat Hotel, 9 rue Gît-le-Coeur, Chambre 41. Thelma Shumsky, scientifique américaine et son amie suédoise Gun, 1957 © Harold Chapman (TopFoto, Roger Viollet)
L’image comme manifeste au Moulin Blanchard
Le Moulin Blanchard rappelle que l’art peut encore être une arme intime et révoltée. Rien d’exhaustif : soixante ans après la Beat...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Les Mesnographies 2025 : la sororité comme cri de ralliement
© Thalía Gochez
Les Mesnographies 2025 : la sororité comme cri de ralliement
Du 7 juin au 14 juillet 2025, le festival Les Mesnographies revient pour une cinquième année dans le parc municipal des Mesnuls. Une...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
© Éléa-Jeanne Schmitter
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
Die Tore – en allemand, « les portes » – a été publié dans le livre On Death édité par Humble Arts Foundation et Kris Graves Projects...
03 juin 2025   •  
Écrit par Milena III
La sélection Instagram #509 : promenade abracadabrantesque
© Ada Retegan / Instagram
La sélection Instagram #509 : promenade abracadabrantesque
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine convoquent l’étrange. Déformation, fuite de couleurs, surréalisme, chacun·e...
03 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger