«Photographier la vie ordinaire, des gens ordinaires»

16 janvier 2018   •  
Écrit par Anaïs Viand
«Photographier la vie ordinaire, des gens ordinaires»

En 2015, Martin Holík s’est rendu en Arménie, à Erevan, et est tombé sous le charme d’un parc d’attractions, un lieu tombant en ruine et pourtant toujours visité. Il y réalise de poignants portraits de quelques habitués. Entretien.

Fisheye : Qui es-tu Martin ?

Martin Holík : Je suis un photographe tchèque qui gagne sa vie en réalisant des photos de mariage et qui, durant son temps libre, continue à faire de la photographie documentaire ! J’essaie de voyager à l’étranger au moins une fois par an et de rendre compte de la vie des gens « normaux », surtout dans les pays en développement.

Pourquoi et comment es-tu devenu photographe ?

J’aime photographier la vie ordinaire, des gens ordinaires. Depuis de nombreuses années, je documente le quotidien des gitans slovaques. Ce sont eux qui ont déclenché cette passion. J’étais fasciné par leur culture et leur musique et je voulais comprendre comment ils menaient leur existence. J’ai, par exemple, été bénévole et je donnais des cours de rattrapage aux enfants roms.

Quel genre de photos réalises-tu ?

J’adore les documentaires au long court. Mes reportages nécessitent du temps. J’ai besoin de maîtriser parfaitement mon sujet et de connaître mes modèles. J’aime écouter leurs histoires de vie. Nous bavardons très souvent, loin de mon appareil photo. C’est ainsi que je réalise des portraits puissants. Je dirais que le portrait documentaire est ma discipline préférée.

© Martin Holík

Et tu allies le voyage au reportage documentaire ?

La photographie documentaire est un moyen de comprendre la vie et la culture des gens d’un pays qui m’est étranger. Je suis un homme très curieux. J’ai toujours été fasciné par la vie rurale, que je sois en Albanie, en Ukraine ou encore au Guatemala. Je voulais lier les voyages à la rencontre de nouveaux pays. La photographie est aussi l’occasion de m’exprimer et de laisser un héritage aux générations futures. Dans soixante-dix ans, j’adorerais qu’on dise de mes photos : « Wow, c’est ainsi qu’ils vivaient en ces temps, c’est intéressant.”

Comment t’est venue l’idée de photographier un parc d’attractions ?

Je connaissais ce Luna Park avant de me rendre en Arménie. J’ai vu quelques photos sur des blogs de voyage. La plupart des touristes y vont pour la vue uniquement, car le parc se situe en haut d’une colline. Or l’intérêt de ce Luna Park allait au-delà de ce panorama. Je voulais capturer les vibrations et en faire part aux autres. Très rapidement, je suis devenu un visiteur régulier du parc. J’ai commencé à acheter des barbes à papa, à boire du café et à tirer un coup de pistolet à air comprimé. Ces activités ont été de précieuses sources d’inspiration pour moi.

Il existe des milliers de Luna Park, peux-tu nous présenter celui-ci ?

J’ai réalisé cette série à Erevan, en Arménie. Il s’agit d’un ancien parc d’attractions construit sur une colline et qui surplombe la ville. Dans le parc, il y a de vieilles attractions rouillées et quelques stands de nourriture. Il est possible de se prendre en selfie avec un singe en laisse aussi. Bien qu’il soit situé en périphérie de la ville et que les attractions ne soient pas en très bon état, quelques visiteurs continuent à le fréquenter. On y croise des personnes âgées qui se souviennent du bon vieux temps. Parfois elles sont accompagnées de leurs petits-enfants, et parfois elles se promènent seules, juste pour profiter du parc. On y voit aussi de jeunes amoureux en quête d’intimité et de coucher de soleil. Il y a enfin les solitaires et autres amoureux du silence. Une ambiance particulière y règne et beaucoup de nostalgie aussi. Et puis j’ai rencontré des personnes fabuleuses. Malheureusement, un nouveau parc d’attractions a été ouvert dans la ville et attire les visiteurs du « vieux Luna Park ».

© Martin Holík

Un souvenir particulier ?

Le souvenir le plus puissant est celui associé à une vendeuse de café. C’était une vieille dame que je voyais tous les jours. Chaque fois que j’achetais du café, elle me faisait un petit cadeau. Parfois des noix, parfois d’autres sucreries. Un jour, je l’ai félicitée pour le bon café et nous avons commencé à bavarder. J’ai saisi l’occasion pour lui dire qu’elle était belle et gentille et que je souhaitais la photographier. Elle s’est mise à pleurer. Voici l’un de mes plus beaux souvenirs d’Arménie.

Que représente ce parc pour toi ?

Pour moi, ce Luna Park symbolise l’éphémère et la transition. J’ai 33 ans aujourd’hui, peut-être est-il temps de parler ainsi : « Dans ma jeunesse, tout était différent. » Ce Luna Park incarne parfaitement cet état nostalgique.

Un dernier mot ?

Les souvenirs sont puissants.

© Martin Holík

© Martin Holík

© Martin Holík

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© Martin Holík

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