« Rêves électroniques » : une chronique de la teuf

02 juillet 2019   •  
Écrit par Julien Hory
« Rêves électroniques » : une chronique de la teuf

À l’occasion des deux nouveaux zines sortis chez Revers Éditions, Fisheye s’arrête sur la série Rêves électroniques. Une immersion dans les premières free parties et les grands teknivals, signée Wilfrid Estève.

Au début des années 1990, la France s’apprête à connaître une déferlante de BPM (battements par minute, ndlr) venue d’Angleterre, notamment grâce à une partie de la Spiral Tribe. À cette époque, la techno a envahi les clubs et les raves inondent les villes. En rupture avec la génération de ses parents, la jeunesse européenne est alors en train de créer de nouveaux codes et d’adopter de nouveaux modes de vie. Charriant avec elles une mauvaise réputation (c’est aussi l’arrivée massive de l’ecstasy), ces fêtes vont subir la répression policière. L’acharnement de l’État va pousser une frange obstinée de fêtards à la clandestinité. Certains rendez-vous s’organiseront dans des lieux urbains secrets, cachés, d’autres prendront le chemin de la campagne.

C’est ainsi que naissent les premières free parties et les premiers teknivals (festival de musique techno, ndlr). Avec eux, des travellers d’un genre nouveau parcourent l’Europe pour diffuser leur son. De nouveaux courants musicaux voient le jour. Cet univers est au cœur de la série Rêves électroniques réalisée par Wilfrid Estève et éditer aujourd’hui par Revers Éditions. Le sujet colle parfaitement aux ambitions de la maison d’édition qui souhaite proposer une vision atypique du territoire. Ce territoire, les teufeuses et les teufeurs se le sont appropriés à leur façon.

Lancement le Mardi 2 Juillet à 19h, au HL hub – 8 rue Barbès, Arles.

© Wilfrid Estève / Hans Lucas

Zone autonome temporaire

Pour Wilfrid Estève, « un teknival évoque toujours un univers fantasmagorique, proche du chaos, dirigé par ses propres lois. Y réaliser un reportage n’est pas évident. (…) L’essence même de ces manifestations et la liberté qui anime ces zones de non-droit m’ont pousser à témoigner. » Pour décrire ces manifestations, on parle souvent de “zone autonome temporaire”. Cette utopie, conceptualisée par Hakim Bey dans son ouvrage TAZ, défend la création d’enclaves où la liberté s’exprime sans entrave. Pour que ces rassemblements aient lieu, il faut donc cultiver la discrétion. Comme l’explique le photographe : « les rassemblements se faisaient par le bouche-à-oreille dans des milieux d’initiés et les adeptes arrivaient sur sites sans téléphones mobile, sans tente, ni nourriture. À l’arrache. » De véritables parties de cache-cache s’organisaient avec les gendarmes. Une fois le lieu définitif trouvé, ces derniers avaient bien du mal à déloger les tribus qui se réunissaient souvent pendant plusieurs jours. Cette ambiance, cette passion, Wilfrid Estève l’a parfaitement documenté.

Aujourd’hui, la fête est finie. Au fil du temps, les compromis avec les pouvoirs publics se sont multipliés. Les parties sont devenues de moins en moins free et les raves souvent payantes. Mais il y a toujours de l’espoir dans les utopies, et quelques irréductibles perpétuent le mouvement. Et puisque « les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux » (Etienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire), une nouvelle génération est arrivée. Elle compte bien prendre en main sa liberté, et continuer de s’amuser. En attendant le retour de ces fraîches aurores, nous pouvons nous plonger dans cette chronique d’une époque pas si lointaine.

 

Rêves électroniques, Revers Éditions, 10€, 28 pages, 300 exemplaires numérotés. 

 

© Wilfrid Estève / Hans Lucas

© Wilfrid Estève / Hans Lucas

© Wilfrid Estève / Hans Lucas

© Wilfrid Estève / Hans Lucas

Explorez
Une danse entre la vie et la mort capturée par Oan Kim
Le coup de grâce lors d'une corrida à Madrid © Oan Kim/MYOP
Une danse entre la vie et la mort capturée par Oan Kim
À travers un noir et blanc contrasté, qui rappelle la chaleur sèche de l'Andalousie, Oan Kim, cofondateur de l'agence MYOP, montre...
27 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III
Kiko et Mar : voyage dans les subcultures de Chine
If you want to come and see me, just let me know © Kiko et Mar
Kiko et Mar : voyage dans les subcultures de Chine
Fruit d’une résidence d’artiste en Chine, la série If you want to come and see me, just let me know, réalisée par le couple de...
24 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
MP#06 : un mentorat pour accompagner la singularité
© Jennifer Carlos
MP#06 : un mentorat pour accompagner la singularité
Chaque année, le Fonds Régnier pour la Création et l’Agence VU’ unissent leurs forces pour donner naissance à un espace rare dans le...
22 octobre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Maryam Firuzi : broder la mémoire, photographier la révolte
© Maryam Firuzi
Maryam Firuzi : broder la mémoire, photographier la révolte
Photographe et artiste iranienne, Maryam Firuzi explore la mémoire collective et les silences imposés aux femmes à travers une œuvre où...
18 octobre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Peinture, coulée d'or et sculpture : la séance de rattrapage Focus
Zoé Bleu Arquette. Une nuit étoilée, 2025 © Rose Mihman
Peinture, coulée d’or et sculpture : la séance de rattrapage Focus
Les photographes des épisodes de Focus sélectionnés ici proposent de découvrir la photographie à travers différentes techniques...
29 octobre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Touches d’aquarelle, Brésil et festival : nos coups de cœur photo d’octobre 2025
© Cloé Harent, Residency InCadaqués 2025
Touches d’aquarelle, Brésil et festival : nos coups de cœur photo d’octobre 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
29 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Gabrielle Ravet : de l'autre côté du poster, la ferveur des fans
© Gabrielle Ravet
Gabrielle Ravet : de l’autre côté du poster, la ferveur des fans
Entre New York et les salles de concert, la photographe française Gabrielle Ravet explore les communautés de fans comme on scrute une...
28 octobre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
La sélection Instagram #530 : une étrange nuit d'octobre
© verknipts / Instagram
La sélection Instagram #530 : une étrange nuit d’octobre
Dans la brume, dans les ciels sombres, dans les forêts épaisses, les artistes de la sélection Instagram de la semaine célèbrent les...
28 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger