Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha

20 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
© Richard Pak
© Richard Pak
© Richard Pak

Avec Les îles du désir, Richard Pak pose son regard sur l’espace insulaire. La galerie Le Château d’Eau, à Toulouse accueille, jusqu’au 5 janvier, le premier volet de ce projet, La firme, consacré à l’île Tristan da Cunha, un « confetti perdu au bout de l’Atlantique Sud ».

Le photographe Richard Pak définit l’île comme « le lieu médian entre l’inconnu et le connu ». Du mot « île » dérive le verbe « isoler », qui veut dire « séparer comme une île (isola) ». Dans son cycle Les îles du désir, il se penche donc sur ces espaces liminaux que sont ces bouts de terre qui façonnent la nature et celles et ceux qui y habitent.

Le premier volet de ce grand travail est présenté au Château d’Eau à Paris. Il s’agit de la série La firme, dédiée à Tristan da Cunha, îlot volcanique situé dans l’Atlantique Sud, à 2 771 km de l’Afrique du Sud et à 3 223 km du Brésil. La terre la plus proche est l’île de Sainte-Hélène, à 2 418 km au nord-nord-est. Avec ses 96 km2 de superficie, le territoire culmine à 2 062 mètres. Avec un regard de photographe, et non pas celui d’un sociologue, d’un ethnologue ou d’un anthropologue, il décrit l’île avec douceur et curiosité. « Aller à Tristan da Cunha tient de la gageure ; certain·es attendent plus de deux ans. Il faut d’abord obtenir l’autorisation du conseil de l’île. Ensuite il faut trouver une place sur un des quelques bateaux de pêche qui la desservent, explique le photographe. Quand l’archipel est enfin en vue, après huit jours de navigation jusqu’au seuil des quarantièmes rugissants, la météo doit être assez clémente pour décharger cargaison et passager·es, ce qui n’est jamais garanti. »

Une anthologie consacrée à l’insularité

La série La Firme est le premier chapitre d’une anthologie photographique consacré à l’insularité. Richard Pak décide de la commencer par cette île dans laquelle il s’est rendu en 2016 pendant trois mois, en cohabitant avec les quelques 200 habitant·es qui y demeurent. Cet îlot au nom portugais, attribué par le navigateur l’ayant découvert, est en réalité une colonie de la Grande-Bretagne. En 1816 un contrat est établi entre la couronne britannique et les ilien·nes. Y sont énoncés des principes de cohabitation communautaires, horizontale et autonome. La propriété privée n’existe pas, les terres sont collectivisées, il n’y a pas de gouvernement formel sur l’île, personne n’est autorisé à se proclamer chef·fe. La constitution de cette île sera prise en exemple par certains philosophes du 20e siècle tant son fonctionnement paraît révolutionnaire pour le monde Occidental.

Lorsqu’une éruption volcanique oblige les habitant·es à migrer en Grande-Bretagne, la monarchie espère qu’iels décideront de ne plus retourner sur l’île, un territoire qui n’a aucun intérêt stratégique et qui ne rapporte aucune richesse a l’empire. Et pourtant, nullement séduit·es par la modernité capitaliste, les Tristanais·es retourneront bien chez elleux. L’île apparaît alors comme un véritable mode de vie, l’insularité comme une condition de l’âme non-négociable. Un endroit de résistance et de protection face à la brutalité de certaines civilisations, un lieu où s’isoler et bâtir des mondes nouveaux et des écosystèmes durables.

© Richard Pak

© Richard Pak
© Richard Pak
À lire aussi
Focus #28 : Rhiannon Adam et la folie de l’insularité
Focus #28 : Rhiannon Adam et la folie de l’insularité
C’est l’heure du rendez-vous Focus de la semaine ! Aujourd’hui, lumière sur Rhiannon Adam qui part, dans Big Fence, à l’exploration de…
30 novembre 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Soleil cou coupé » : une île à la beauté torturée
« Soleil cou coupé » : une île à la beauté torturée
C’est durant un vernissage étrange – adapté aux normes Covid-19 – que nous découvrons Soleil cou coupé, l’exposition de Gregory Halpern à…
09 septembre 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Explorez
Sebastião Salgado, cinquante ans de photographie humaniste
© Sebastião Salgado
Sebastião Salgado, cinquante ans de photographie humaniste
Du 1er mars au 1er juin, Les Franciscaines de Deauville présentent une exposition sur Sebastião Salgado en puisant dans les archives de...
04 mars 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Dans l’œil de Jana Sojka : nostalgie filante dans la nuit floue
© Jana Sojka
Dans l’œil de Jana Sojka : nostalgie filante dans la nuit floue
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Jana Sojka, photographe dont nous vous avions déjà présenté les collages. Pour Fisheye...
17 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #532 : Sébastien François et Matthieu Baranger
© Sébastien François
Les coups de cœur #532 : Sébastien François et Matthieu Baranger
Sébastien François et Matthieu Baranger, nos coups de cœur de la semaine, ont fait de l’architecture urbaine la muse de leurs projets...
17 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #530 : Léna Mezlef et Diane Desclaux
© Diane Desclaux
Les coups de cœur #530 : Léna Mezlef et Diane Desclaux
Léna Mezlef et Diane Desclaux, nos coups de cœur de la semaine, nous emmènent en voyage. La première nous fait découvrir l’Amérique...
03 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Le langage des fleurs selon des photographes de Fisheye
© Jana Sojka
Le langage des fleurs selon des photographes de Fisheye
Les photographes de Fisheye ne cessent de raconter les préoccupations de notre époque. Parmi les motifs qui reviennent fréquemment se...
20 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Steph Wilson : Une provoc' à soi
Self (WIP) © Steph Wilson
Steph Wilson : Une provoc’ à soi
Entre satire esthétique et image de mode, l'artiste britannique Steph Wilson compose sa série d’autoportraits Self (WIP), un work in...
20 mars 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Des champs de courses aux défilés : l’histoire de la photographie street style
© Séeberger Frères, Les comtesses de Vitrolles et de Miramont au champ de courses, 1925-1930, tirage gélatino-argentique, Achat, coll. Ufac, 1977 / musée des Arts décoratifs
Des champs de courses aux défilés : l’histoire de la photographie street style
Rituel incontournable de la Fashion Week, les clichés pris aux abords des défilés constituent un genre à part entière dont les origines...
19 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Disparition d’Agnès de Gouvion Saint-Cyr
Portrait d'Agnès de Gouvion Saint-Cyr, 1980 © Georges Tourdjman
Disparition d’Agnès de Gouvion Saint-Cyr
Agnès de Gouvion Saint-Cyr, la grande dame photo du ministère de la Culture durant plus de trois décennies, vient de s’éteindre le 15...
19 mars 2025   •  
Écrit par Eric Karsenty