Sabine Weiss et Vivian Maier : promenades humanistes

Sabine Weiss et Vivian Maier : promenades humanistes

Jusqu’au 27 février, Les Douches la Galerie présente une double exposition, mettant à l’honneur deux femmes photographes qui ont profondément bouleversé le 8e art. Sous le Soleil de la Vie de Sabine Weiss, et, Self Portraits de Vivian Maier.

Si les approches formelles de Sabine Weiss et Vivian Maier divergent, quelques similitudes nous sautent aux yeux. Nées à deux années d’écart – en 1924 et en 1926 respectivement –, les deux artistes excellent dans la photographie de rue. Comme pour témoigner d’une époque commune, c’est le quotidien que cherchent à saisir les deux photographes – qui ne cessent de sublimer l’ordinaire. Toujours à la recherche de la bonne lumière, la première saisit des moments de vie, et la seconde contemple les reflets. Leur élégance partagée relève du même souci esthétique – en un mot, de la composition. « Encore hier, je me disais : mais enfin, arrête ! Je suis toujours en train de composer », remarquait Sabine Weiss, dans des propos recueillis par Marie Desplechin (préface de l’ouvrage Émotions, paru aux Éditions de la Martinière, 2020). Réflexion plastique devenue habitude compulsive, la composition devient une éthique de vie. Dans leur comportement, comme dans leurs images, les deux travaillent la lumière avec une exigence distinguée. En adoptant une attitude scrupuleuse vis-à-vis des détails, et une attention particulière aux êtres qui peuplent ce monde, elles signent des compositions sincères et profondément humaines.

Thème central dans l’œuvre de ces deux photographes, l’humain se déploie dans toute sa diversité. De la France aux États-Unis, Sabine Weiss et Vivian Maier s’inscrivent, peut-être malgré elles, dans un courant humaniste. Contemporaines de Robert Doisneau, Willy Ronis, Brassaï, Henri Cartier-Bresson… Elles parviennent tout de même à s’émanciper de toute influence, et forgent un style unique dans leur propre rapport au monde. Avec une grande curiosité pour autrui, les deux artistes magnifient la simplicité du quotidien urbain – en se focalisant sur les hommes et femmes qui donnent vie à la rue.

© Sabine Weiss / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Sabine Weiss / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

Une étude de l’humain

Les enfants, les vieux, les marginaux défilent devant l’objectif de Sabine Weiss. « Les milieux populaires, ça me touche. Ils ne sont pas prétentieux. Je ne les manipule pas », explique-t-elle. Profondément optimiste, la photographe saisit des moments d’allégresse – des enfants qui jouent, des hommes au travail, des femmes qui dansent, et des fêtes populaires. Sous le soleil de la vie est une ode humaniste à la joie et à la tendresse. Titre choisi pour raconter la personnalité de Sabine Weiss, comme l’explique Françoise Morin, directrice de la galerie, il met en lumière une artiste soucieuse des plaisirs innocents et candides. En parcourant ses clichés, on découvre un regard bienveillant qui explore le monde avec attention, et tâche de voir le bonheur partout.

Quant à Vivian Maier, elle scrute ses propres projections dans l’anonymat de la rue. Dans son ombre fuyante, ou dans des reflets découverts ici et là, elle court la ville de Chicago et multiplie les autoportraits. On pourrait croire à une pulsion narcissique pourtant, méconnue de son vivant, elle n’a jamais montré ses images. Dans la représentation répétée et stoïque, ses images se révèlent comme une étude de l’humain et une réflexion longue autour de son identité. « Les photographies de Vivian Maier ont l’extraordinaire singularité d’avoir seulement voulu être prises. Quelle magie ! », raconte Elizabeth Avedon, designer de livres et d’expositions (Vivian Maier, Self-Portraits, powerHouse Books, Brooklyn, NY, 2013). Réalisées entre 1953 et les années 1970, les images qui composent Self Portraits prennent un sens nouveau. Ainsi exposées, elles nous invitent à pénétrer l’esprit de Vivian Maier, d’adopter son regard, et voir l’humain derrière ses compositions mystérieuses.

Sabine Weiss : Sous le soleil de la vie

&

Vivian Maier : Self Portraits

Les Douches la Galerie, 5 Rue Legouvé, 75010 Paris

© Sabine Weiss / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris© Sabine Weiss / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Sabine Weiss / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Estate of Vivian Maier / Courtesy Maloof Collection;Howard Greenberg Gallery, New York & Les Douches la Galerie, Paris

© Estate of Vivian Maier / Courtesy Maloof Collection; Howard Greenberg Gallery, New York & Les Douches la Galerie, Paris

© Sabine Weiss / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Sabine Weiss / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Estate of Vivian Maier / Courtesy Maloof Collection;Howard Greenberg Gallery, New York & Les Douches la Galerie, Paris© Estate of Vivian Maier / Courtesy Maloof Collection;Howard Greenberg Gallery, New York & Les Douches la Galerie, Paris

© Estate of Vivian Maier / Courtesy Maloof Collection;Howard Greenberg Gallery, New York & Les Douches la Galerie, Paris

© Estate of Vivian Maier / Courtesy Maloof Collection; Howard Greenberg Gallery, New York & Les Douches la Galerie, Paris

© Sabine Weiss / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris© Sabine Weiss / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Sabine Weiss / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Sabine Weiss / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Estate of Vivian Maier / Courtesy Maloof Collection;Howard Greenberg Gallery, New York & Les Douches la Galerie, Paris© Estate of Vivian Maier / Courtesy Maloof Collection;Howard Greenberg Gallery, New York & Les Douches la Galerie, Paris

© Estate of Vivian Maier / Courtesy Maloof Collection; Howard Greenberg Gallery, New York & Les Douches la Galerie, Paris

Image d’ouverture : © Sabine Weiss / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

Explorez
La sélection Instagram #512 : amour censure, amour sincère
© Aniela Kurkiewicz / Instagram
La sélection Instagram #512 : amour censure, amour sincère
« Il n’y pas d’amour censure, il n’y a que d’l’amour sincère », chante Hoshi. Peut-être ces paroles rythmeront-elles la marche des...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Marie-Laure de Decker à la MEP : le regard sensible d’une photojournaliste
Valéry Giscard d’Estaing devant sa télévision, le soir de son élection comme président de la République française, Paris, 19 mai 1974 © Marie-Laure de Decker
Marie-Laure de Decker à la MEP : le regard sensible d’une photojournaliste
Jusqu’au 28 septembre 2025, l’œuvre de Marie-Laure de Decker s’expose à la Maison européenne de la photographie. Au fil de sa carrière...
23 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Caroline Sohie : « La beauté des images n’est pas sans conséquence, elle a un poids »
© Caroline Sohie
Caroline Sohie : « La beauté des images n’est pas sans conséquence, elle a un poids »
Autrefois carrefour de la traite et du commerce colonial, Bagamoyo, sur la côte tanzanienne, juste en face de Zanzibar, est aujourd’hui...
21 juin 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Raymond Depardon, l’éloge du passage
© Raymond Depardon
Raymond Depardon, l’éloge du passage
La Galerie Magnum présente Raymond Depardon : Passages, une rétrospective visible jusqu'au 26 juillet 2025. À travers une...
18 juin 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La FUJIKINA Arles, quand l'art rencontre la technique
© Gregory Halpern / Magnum Photo
La FUJIKINA Arles, quand l’art rencontre la technique
Du 8 au 12 juillet 2025, la FUJIKINA, manifestation mondiale autour de la culture photographique créée par Fujifilm, revient pour une 2e...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #512 : amour censure, amour sincère
© Aniela Kurkiewicz / Instagram
La sélection Instagram #512 : amour censure, amour sincère
« Il n’y pas d’amour censure, il n’y a que d’l’amour sincère », chante Hoshi. Peut-être ces paroles rythmeront-elles la marche des...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Marie-Laure de Decker à la MEP : le regard sensible d’une photojournaliste
Valéry Giscard d’Estaing devant sa télévision, le soir de son élection comme président de la République française, Paris, 19 mai 1974 © Marie-Laure de Decker
Marie-Laure de Decker à la MEP : le regard sensible d’une photojournaliste
Jusqu’au 28 septembre 2025, l’œuvre de Marie-Laure de Decker s’expose à la Maison européenne de la photographie. Au fil de sa carrière...
23 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #548 : Konrad Hellfeuer et Lucie Boucher
Diversum © Konrad Hellfeuer
Les coups de cœur #548 : Konrad Hellfeuer et Lucie Boucher
Konrad Hellfeuer et Lucie Boucher, nos coups de cœur de la semaine, invitent à ralentir, observer et contempler. Interrogeant les thèmes...
23 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot