Steve Salgado affronte sa timidité dans les rues des métropoles

30 janvier 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Steve Salgado affronte sa timidité dans les rues des métropoles

Installé à Chicago, Steve Salgado surmonte sa timidité grâce à la street photography. Dans les méandres assourdissants de la métropole, il donne à voir toutes ces bribes d’humanité s’effaçant dans le vaste tumulte qui envahit l’esprit et les rues.

Dans la solitude moderne des métropoles se perd le directeur créatif d’une agence publicitaire. Comme Vivian Maier, Saul Leiter ou Alex Webb avant lui, il prend le temps de contempler le monde alentour, imperméable à celles et ceux qui ne jouissent pas du privilège du flâneur. Bien conscient de sa chance, Steve Salgado de son nom fige le mouvement permanent de ces rues qui fourmillent à l’aide d’un boîtier. Une réplique tirée de La Folle Journée de Ferris Bueller, un film de John Hughes, sorti en 1986, ne l’a jamais quitté : « La vie passe tellement vite. Si tu ne t’arrêtes pas pour regarder autour de toi de temps en temps, tu pourrais la manquer ». Pendant de nombreuses années, le dessin lui a permis d’exprimer cette pensée, mais au sortir du premier confinement, la photographie a fini par s’imposer comme le médium le plus adapté à sa démarche.

« Tous ces moments fugaces que j’aurais normalement consignés dans un carnet à croquis sont devenus une nouvelle sorte d’obsession qui m’a poussé à documenter tout ce que je pouvais, nous confie Steve Salgado. Aujourd’hui, je sors rarement de chez moi sans un appareil photo et je suis reconnaissant de ce que cela m’a apporté en matière de vision du monde. Cela a créé un lien plus significatif avec la façon dont j’appréhende les communautés dont je fais partie. » Chaque jour, l’artiste américain rejoint le tourbillon effréné de la vie urbaine dans lequel les émotions se tapissent dans l’ombre des autres. Dans une quête insatiable, il recherche ces « brefs et subtils instants qui laissent une trace considérable ». Sur ses clichés, la joie, la fatigue et l’incertitude se lisent tour à tour sur les visages qui défilent au hasard des rues.

© Steve Salgado© Steve Salgado

La chaleur d’une rencontre fortuite

Au cœur de toute image, un concours de circonstances, un échange entre deux êtres nous plongent, l’espace de quelques secondes, dans la réalité de l’autre. « J’ai récemment pris une photo dans le métro new-yorkais, étaye Steve Salgado. C’était l’un de ces moments fugitifs où l’on croise le regard d’un étranger qui passe par là. Un couple qui semblait avoir passé une longue journée en ville venait de s’installer sur les sièges. La femme a posé sa tête avec soulagement sur l’épaule de son partenaire. Il y a quelque chose dans son expression qui, tout du moins de mon point de vue, raconte cette histoire. Revoir ce cliché suffit à me remémorer les moindres détails de cette scène. »

Si cet acte créatif se présente comme une manière d’assouvir un goût pour ces petites choses, anodines en apparence, qui composent le quotidien de chacun et chacune de nous, la portée de son geste est tout autre. De nature introvertie et sensible, Steve Salgado utilise son médium pour aller au-devant des citadin·es qu’il n’oserait pas aborder autrement, « par manque d’excentricité ». « Si la plupart de mes images sont tout au plus des instantanés, quelques-unes ont mené à de merveilleuses conversations qui valent souvent bien plus que n’importe quel cliché. Au-delà de cela, la communauté qui gravite autour de la street photography est extrêmement solidaire et pleine de personnes passionnées qui aiment créer », tient-il à souligner. La bienveillance qui émane d’une telle entreprise ne peut que nous inciter à prendre le temps de substituer la chaleur de chaque individu à celle des foules compactes.

© Steve Salgado

© Steve Salgado© Steve Salgado

© Steve Salgado

© Steve Salgado© Steve Salgado

© Steve Salgado

© Steve Salgado© Steve Salgado

© Steve Salgado

© Steve Salgado© Steve Salgado

© Steve Salgado

© Steve Salgado© Steve Salgado

© Steve Salgado

Explorez
Rencontres du 10e 2025 : une biennale en prise avec le monde
© Chloé Nicosia, One Hundred Trillion Dollars / Courtesy of the artist and Rencontres photographiques du 10e
Rencontres du 10e 2025 : une biennale en prise avec le monde
Pour cette édition 2025 des Rencontres photographiques du 10e, qui défie une nouvelle fois les attentes, les photographes mis·es en avant...
07 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III
Performer l'invisible : Hoda Afshar et l'acte de regarder
Speak the Wind, 2015-2020 © Hoda Afshar, Courtesy de l'artiste et de la Galerie Milani, Brisbane, Australie.
Performer l’invisible : Hoda Afshar et l’acte de regarder
Avec Performer l’invisible, Hoda Afshar transforme une partie du musée du quai Branly – Jacques Chirac en espace de réflexion sur le...
30 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 22 septembre 2025 : poésie, transmission et écologie
© Léo d'Oriano
Les images de la semaine du 22 septembre 2025 : poésie, transmission et écologie
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les images publiées dans Fisheye donnent à voir des messages d’émancipation, de ruptures avec les...
28 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Valentin Derom : photographier le soin dans toute son ambivalence
© Valentin Derom
Valentin Derom : photographier le soin dans toute son ambivalence
Avec Support Systems, Valentin Derom explore les gestes de soin là où on ne les attend pas : dans les étables, aux côtés de son père...
26 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Rencontres du 10e 2025 : une biennale en prise avec le monde
© Chloé Nicosia, One Hundred Trillion Dollars / Courtesy of the artist and Rencontres photographiques du 10e
Rencontres du 10e 2025 : une biennale en prise avec le monde
Pour cette édition 2025 des Rencontres photographiques du 10e, qui défie une nouvelle fois les attentes, les photographes mis·es en avant...
07 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III
La sélection Instagram #527 : l'être-nature
© Tetsuo Kashiwada / Instagram
La sélection Instagram #527 : l’être-nature
Trop souvent l’être humain s’est pensé extérieur au monde naturel. Capitalisme et mondialisation en sont en partie responsables. Si la...
07 octobre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Polaraki : une collection de polaroids d'Araki sort d'un appartement parisien
Sans titre, Araki Nobuyoshi 1990 -2024 © Nobuyoshi Araki © Musée Guimet, Paris, Nicolas Fussler
Polaraki : une collection de polaroids d’Araki sort d’un appartement parisien
Jusqu'au 12 janvier 2026, le musée des arts asiatiques - Guimet accueille une collection foisonnant de polaroids, issue de l’œuvre du...
06 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #561 : Julie Brochard et Anna Prudhomme
© Anna Prudhomme
Les coups de cœur #561 : Julie Brochard et Anna Prudhomme
Julie Brochard et Anna Prudhomme, nos coups de cœur de la semaine, ont puisé l’inspiration dans la maison de leurs grands-parents. La...
06 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet