Jusqu’ici, Nate Gowdy était plutôt habitué aux portraits de drag-queens illuminés par les lampadaires de la ville. Au flash, en noir et blanc, et les plus crus possible. Il y a cinq ans, alors qu’il vient de démissionner de son poste d’assistant en maternelle, sa famille lui offre son premier appareil photo. Il se présente à la rédaction du Seattle Gay News, un hebdomadaire LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transgenres) bien implanté dans la ville. « Je me suis pointé et je leur ai dit : je veux devenir photographe. » Après un premier essai catastrophique, le jeune homme se fait la main en photographiant tous les événements LGBT du coin pour une centaine de dollars en tickets alimentaires par semaine.
En traînant dans les bars gays le soir, il développe un style brut, légèrement culotté, teinté d’humour et d’ironie. À travers ses images irrévérencieuses, son objectif est de trouver naturellement la grande histoire dans le mondain, et les petites histoires silencieuses et personnelles dans les moments épiques.
C’est ainsi que l’année suivante, alors que l’État de Washington se lance en campagne pour légaliser le mariage gay et que la scène LGBT de Seattle prend une tournure politique, le jeune photographe se retrouve au centre de l’effervescence. « Tout à coup, je me suis mis à connaître tous les politiques du coin, et j’étais devenu le photographe officiel pour tous les mariages gays », raconte Nate.
C’est un de ces hommes politiques, côté démocrate, qui le recommandera auprès du Comité national démocrate pour photographier Barack Obama lors d’un événement privé. Le président donnait une heure de son temps lors d’un dîner à 16 000 dollars l’entrée pour collecter des fonds pour les élections de mi-mandat. « Jusque-là, dans mon portfolio, je n’avais que des photos de drag-queens et de mariages homosexuels. Et tout à coup, je me suis retrouvé dans la même pièce qu’Obama. C’était la première fois que je mettais un costume-cravate. » Avec ses airs d’adolescent mal dégrossi, Nate ne se sent pas à sa place. Et il adore ça. « La scène politique était un monde complètement différent du mien. C’était comme pour les communautés LGBT : j’étais l’intrus, la minorité dans la pièce. Je ne suis jamais sorti des États-Unis, c’est mon exotisme à moi. »
Bagout et débrouillardise
Petit à petit, il apporte son appareil aux meetings d’Hillary Clinton, suit les militants faisant du porte-à-porte pour inciter les gens à s’inscrire sur les listes électorales. Sans accréditation, il suffisait d’un peu de bagout et de débrouillardise. En août dernier, alors que Bernie Sanders débarque à Seattle pour une journée express, le jeune photographe pédale toute la journée sur son vélo sous une chaleur écrasante pour suivre le candidat démocrate et sa horde de communicants. Il finit par payer 200 dollars un ticket d’une collecte de fonds, juste pour être dans la même pièce que Sanders.