unRepresented by Approche : du kitsch à l’afrofuturiste

31 mars 2023   •  
Écrit par Milena Ill
unRepresented by Approche : du kitsch à l'afrofuturiste

Jusqu’au 2 avril prochain, le salon nouvellement inauguré par Approche intitulé unRepresented accueille de nombreux·ses photographes émergent·es explorant, de manière hybride, d’autres formes d’art et révèle des identités singulières.

Approche innove et se réinvente, en créant un nouveau rendez-vous ! Alors que les habitué·es du désormais incontournable salon Approche peuvent découvrir, chaque automne, un rassemblement de photographes expérimentales·aux, unRepresented by Approche offre aux artistes non représenté·es par une galerie l’opportunité de déployer une exposition qui leur est entièrement dédiée. Pour donner naissance à cette nouvelle plateforme,  Emilia Genuardi, fondatrice et directrice d’Approche et curatrice renommée, est partie d’un constat : sur le marché de l’art, celles et ceux qui se trouvent dans une telle situation se trouvent souvent lésé·es. Leur consacrer un salon relève ainsi d’un choix nécessaire, politique, puisqu’ils et elles représentent une part essentielle de la scène contemporaine. Et quoi de plus réjouissant, pour cette grande fête de la photographie émergente, que d’occuper le temps de trois journées la dernière demeure de Molière – nom attribué au lieu-dit, au cœur du premier arrondissement de Paris ? Rassemblant 14 accrochages dont 13 solo shows, ce salon savamment agencé sur deux étages fait la belle part à la photographie en noir et blanc et conceptuelle. Chaque pièce présente ainsi un univers artistique développé, et permet le plus souvent des correspondances entre divers projets.

© Daphné Le Sergent / Courtesy of the artist and UnRepresented by salon Approche© Daphné Le Sergent / Courtesy of the artist and UnRepresented by salon Approche

© Daphné Le Sergent, Defected Times : à g. « Diluvian stories », 2023 ; à d. « Reversal », 2023 / Courtesy of the artist and unRepresented by salon Approche

Mémoires et possibilités d’avenir

Kilim Me Softly, tel est le malicieux intitulé de l’exposition de Lucie Khahoutian, née en Arménie et vivant en région parisienne. Un titre évoquant déjà la rencontre entre les identités orientales et occidentales. Entrer dans l’ensemble que l’artiste propose – un mélange de collage, photographie, travail textile et installations – c’est pénétrer au sein de son foyer intime. Mêlant accessoires kitsch et folkloriques, correspondances entre les couleurs des objets et des images photographiques, l’autrice souhaite « montrer, à travers le symbole, la gémellité des pays plutôt que ce qui les divise », annonce-t-elle. Un arsenal de symboles apportent une possibilité de dialogue : des briques venant soutenir un portrait deviennent la représentation d’un poids dans la construction de soi, lorsqu’il nous faut jongler entre plusieurs cultures. Les mises en scène autour des costumes offrent quant à elles un jeu avec les notions de fantasme orientaliste et d’amalgame engendrés par l’ignorance. Au cœur de cet espace où se déploie un véritable conte fantastique, le sens se déplace sans cesse.

Le « désir des choses rares » – ainsi que s’intitule l’une de ses séries –, c’est également ce que s’emploie à explorer, à sa manière, Daphné Le Sergent. Cette photographe née à Séoul et installée à Paris, explore la relativité de notre horizon culturel, dans l’espace comme dans le temps. L’installation qu’elle présente ici, Defected Times s’appuie sur un scénario dystopique autour des matières premières (parmi lesquelles le cuivre ou l’argent, NDLR). Dans le contexte actuel d’une géopolitique en tension et d’une mondialisation croissante, l’artiste se tourne vers une démarche qu’elle veut « afrofuturiste », c’est-à-dire une esthétique mêlant les traditions et la modernité, afin d’imaginer des possibilités d’avenir. Un travail « représentatif de ce début du 21e siècle », dans lequel Daphné Le Sergent explore les médiums numérique et argentique, ainsi qu’une diversité de techniques rares de tirages, elles aussi, proches de savoirs-faire artisanaux – comme le tirage sur papier d’écorce. Au regard de la surexploitation historique des ressources naturelles, elle tente de penser l’avenir, plutôt que d’être dans une logique de tirer profit du passé. Interroger notre relation à la mémoire, montrer des identités fragiles et en mouvement constant : ainsi se conçoit cet ensemble artistique dense et captivant, proche de l’abstraction.

© Lucie Khahoutian, Kilim Me Softly, « Portrait in Zvartnots », 2020  / Courtesy of the artist and unRepresented by salon Approche© Lucie Khahoutian, Kilim Me Softly, « Anthony », 2019 / Courtesy of the artist and unRepresented by salon Approche

© Lucie Khahoutian, Kilim Me Softly : à g. « Portrait in Zvartnots », 2020 ; à d. « Anthony », 2019 / Courtesy of the artist and unRepresented by salon Approche

© Lucie Khahoutian, Kilim Me Softly, « We Are Our Mountains », 2015 / Courtesy of the artist and unRepresented by salon Approche

© Lucie Khahoutian, Kilim Me Softly, « We Are Our Mountains », 2015 / Courtesy of the artist and unRepresented by salon Approche

© Barbara Breitenfellner / Courtesy of the artist and UnRepresented by salon Approche© Mathieu Roquigny / Courtesy of the artist and UnRepresented by salon Approche

© à g. Barbara Breitenfellner, Suite Mentale, « WVZ 706 », 2022 ; à d. Mathieu Roquigny, Let’s Get Lost, « Gus », 2022 / Courtesy of the artists and unRepresented by salon Approche

© Christophe Brunnquell & Grégoire Alexandre / Courtesy of the artists and UnRepresented by salon Approche© Christophe Brunnquell & Grégoire Alexandre / Courtesy of the artists and UnRepresented by salon Approche

© Christophe Brunnquell & Grégoire Alexandre, Happy birthday Picasso / Courtesy of the artists and unRepresented by salon Approche

© Julien Lombardi

© Julien Lombardi, La terre où est né le soleil, « La Horde », 2021 / Courtesy of the artist and unRepresented by salon Approche

© Lucie Khahoutian, Kilim Me Softly / Courtesy of the artists and unRepresented by salon Approche

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