Visions et destins croisés

01 juin 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Visions et destins croisés

La Galerie Agathe Gaillard devient la Galerie Rouge et accueille, à partir du 12 juin, deux expositions inaugurales. Ruskaïa et Des silences assourdissants croisent les regards de quatre photographes, et leurs visions d’un même monde.

« Le 3 rue du Pont Louis-Philippe est renommé. Nous gardons le même lieu, certains artistes restent, et d’autres s’ajoutent »,

annonce Fiona Sanjabi, directrice de la Galerie Rouge, succédant à la Galerie Agathe Gaillard. « Pourquoi rouge ?, poursuit-elle, cette couleur évoque bien sûr la devanture, mais aussi la passion, l’engagement et même la révolution ! » Une deuxième vie qui n’efface pas le passé de cet espace culturel emblématique. Les artistes historiques demeurent bien présents : Édouard Boubat, Marc Riboud, Manuel Álvarez Bravo, ou encore Jean-Philippe Charbonnier. « Nous souhaitons mettre en place une sorte de passage d’une génération à une autre, créer un dialogue entre ceux qui ont marqué l’histoire de la photographie, et ceux qui appartiennent à la scène contemporaine », explique la directrice.

Souhaitant faire honneur à l’histoire du lieu, Fiona Sanjabi s’inspire des œuvres des grands auteurs pour dénicher des talents émergents. « Je privilégie l’argentique. L’importance du papier, du tirage, des techniques anciennes et alternatives… Tout cela revient à la mode, dans une sorte « d’anti Instagram » qui me plaît beaucoup », confie-t-elle. Un fil rouge que l’on retrouve au cœur de l’exposition inaugurale de la Galerie Rouge. Sur les murs, les œuvres de Luc Choquer et Sergey Neamoscou dévoilent une poésie de l’ordinaire, et des personnalités marquantes. Dans la Petite Nef, espace réservé à la photographie émergente, les œuvres d’Aïda Ganjipour et de Jeanne Grouet témoignent d’une délicatesse semblable.

© Sergey Neamoscou

© Sergey Neamoscou

Représenter son propre monde, et l’ailleurs

C’est un dialogue, que propose la Galerie Rouge. Un échange entre deux artistes aux écritures différentes, et aux destins croisés. Photographe français, Luc Choquer s’immerge dans la Russie de la Perestroïka pour capturer sa fougue, sa folie et sa beauté atypique. Fasciné par les femmes, il les capture avec une justesse et une honnêteté fascinante. « Il y a un véritable souffle de liberté dans ses images. Le lien à l’humain est puissant, et forme un témoignage extrêmement juste », précise Fiona Sanjabi. Un panorama visuel montrant les vestiges d’une Russie passé, territoire connu de Sergey Neamoscou, artiste russe arrivé en France à l’âge de 18 ans. « Lorsque nous lui avons présenté les clichés de Luc, Sergey pouvait toutes les commenter », se souvient la directrice. Plus instinctif, l’auteur réalise des œuvres évoquant l’aquarelle. Dans son univers pastel, les émotions et la poésie dominent. À travers deux visions opposées, les photographes illustrent avec passion leur quotidien dans un pays d’emprunt. Deux approches complémentaires, forgées par un besoin de représenter son propre monde, et l’ailleurs.

Dans la Petite Nef, située au sous-sol de la galerie, Aïda Ganjipour et Jeanne Grouet construisent elles aussi une mosaïque métissée. Artiste iranienne, installée en France depuis 2017, Aïda Ganjipour a réalisé, dans son pays natal, des petites saynètes, se mettant en scène, chez elle, ou dans les rues. Décors intimes, architecture et bâtiments désaffectés sont soumis à son regard, tandis qu’elle interroge la place de la femme dans l’espace iranien. « Chaque image a une histoire particulière : la sienne, en Iran, une amie qui ne souhaite pas se marier, ou encore la notion d’exil », explique la directrice. Une réécriture sensible du selfie. Jeanne Grouet, quant à elle, s’est rendue en Iran durant un mois, s’immergeant complètement dans la culture du pays. Elle y a capté le foisonnement discret des intérieurs de la jeunesse iranienne. « Elle y est allée juste avant que le pays ferme ses portes. C’était un moment décisif, et les adieux étaient déchirants, car elle n’a pu que depuis peu retrouvé contact avec l’Iran », raconte Fiona Sanjabi. Les deux artistes développent, à travers des clichés symboliques, un discours complexe autour du statut de la femme. Il y a dans leur approche une manière unique d’approcher le réel, une certaine douceur. Les voiles et les miroirs, accessoires récurrents dans les deux séries, évoquent une dimension théâtrale ainsi qu’une réflexion sur une double identité.

 

Vous pouvez vous inscrire sur le site de la galerie pour participer au vernissage, le 12 juin.

 

Ruskaïa et Des silences assourdissants

Du 12 juin au 6 septembre

Galerie Rouge

3 Rue du Pont Louis-Philippe, 75004 Paris

© Aïda Ganjipour© Aïda Ganjipour

© Aïda Ganjipour

© Jeanne Grouet© Jeanne Grouet

© Jeanne Grouet

© Luc Choquer

© Luc Choquer© Luc Choquer

© Luc Choquer

© Luc Choquer

© Sergey Neamoscou

© Sergey Neamoscou© Sergey Neamoscou

© Sergey Neamoscou

© Sergey Neamoscou

Image d’ouverture : © Sergey Neamoscou

Explorez
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
Megapolis, Puteaux, 2025 © Aleksander Filippov
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
À l’occasion des 80 ans de la Libération, les ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique ont lancé...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Carmela, série Carmela © Emma Tholot
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Marina Viguier et Emma Tholot, nos coups de cœur de la semaine, explorent la théâtralité comme outil de résistance, de liberté et de...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
© Julie Wintrebert, Crazy Beaches, 2024 / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, pour la rentrée, les pages de Fisheye se mettent au rythme du photojournalisme, des expériences...
07 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
© Bohdan Holomíček
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
Créé en 2022, le Prix Viviane Esders rend hommage à des carrières photographiques européennes souvent restées dans l’ombre. Pour sa...
06 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
InCadaqués Festival : Lieh Sugai remporte le Premi Fotografia Femenina 2025
© Lieh Sugai
InCadaqués Festival : Lieh Sugai remporte le Premi Fotografia Femenina 2025
Le Premi Fotografia Femenina Fisheye x InCadaqués a révélé le nom de sa lauréate 2025 : il s’agit de Lieh Sugai. Composée de...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
L'errance incarnée par Alison McCauley
© Alison McCauley, Anywhere But Here
L’errance incarnée par Alison McCauley
Avec Anywhere But Here (« Partout sauf ici », en français), Alison McCauley signe un livre d’une grande justesse émotionnelle. Par une...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Milena III
Charlotte Yonga et les amours (im)possibles à Madagascar
(Tsy) Possible © Charlotte Yonga
Charlotte Yonga et les amours (im)possibles à Madagascar
Avec sa série (Tsy) Possible, Charlotte Yonga sonde les liens d’amour et de filiation dans la société malgache. Elle expose les dualités...
09 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #523 : loup y es-tu ?
© Ecaterina Rusu / Instagram
La sélection Instagram #523 : loup y es-tu ?
Photographier signifie souvent montrer, dévoiler, révéler. Pourtant, il arrive que ce qui se trouve de l’autre côté de l’objectif ne...
09 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot