Installé dans le chef-lieu des Deux-Sèvres, en Nouvelle-Aquitaine, le festival fondé par Patrick Delat propose, jusqu’au 28 mai, une superbe édition avec un programme riche, l’inauguration de nouveaux lieux et la restitution d’une résidence exemplaire. Visite guidée.
Après deux ans d’absence pour raisons sanitaires, les Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort reviennent en pleine forme, avec un joli programme et des nouveautés. Ces deux ans de privation nous donnent l’occasion de découvrir les résultats des deux précédentes résidences de création. Pour celles et ceux qui l’ignorent, le format de cette expérience ne ressemble à aucun autre. En rassemblant sur un même lieu huit photographes durant quinze jours, encadrés par une personnalité de la photo – JH Engström en 2021 et François Cheval en 2022 – le défi est de produire un travail au terme des deux semaines et de l’exposer dans la foulée sur les murs, avec le soutien de leur mentor. Sans oublier l’appui logistique de l’équipe des Rencontres, du cuisinier au tireur photo, en passant par les 25 bénévoles sans qui rien ne serait possible. Si chaque autrice et auteur détermine son approche en dialogue avec le conseiller qui les encadre, la dimension collective de l’aventure donne une saveur unique à cette expérience.
© à g. Leif Houllevigue, à d. Joséphine Vallé Franceschi
Expérimentations et nostalgie
Nous avons ainsi pu découvrir les travaux réalisés en 2021 sous la direction de JH Engström, avec notamment les très belles images de Lucile Boiron, Leif Houllevigue, Yorgos Yatromanolakis, et la démarche d’Emma Riviera qui a recueilli d’étonnantes histoires en regard de ses photos, qu’elle a présentées sous forme de performance. Pour le cru 2022, encadré par François Cheval, le résultat est aussi très réussi, avec en particulier le beau travail de Julia Genet qui questionne notre difficulté à connaître l’autre en réalisant différentes expérimentations autour du portrait et de l’autoportrait. On notera aussi les travaux de Lucie Belarbi, Clémence Elman et Ali Zanjani. Sans oublier la superbe installation de Joséphine Vallé Franceschi qui, avec un film d’archives et des images recomposées, revisite avec nostalgie une mémoire familiale aussi singulière qu’universelle.
La Villa Pérochon, lieu historique où sont ancrées les Rencontres, est un des points forts de cette édition. Et pas seulement parce qu’après neuf mois de travaux la bâtisse a fière allure et accueillera bientôt un laboratoire argentique et numérique, ainsi que des bureaux, en plus des deux premiers étages d’exposition. Mais surtout parce qu’on peut y découvrir Les Interstices de Fred Stucin, une série de portraits et de « décors » pris au terme d’une résidence d’un an (à raison d’une semaine par mois) au pôle psychiatrique de l’hôpital de la ville. Cette création est exemplaire à plus d’un titre. D’une part par parce que le choix du photographe a été fait après une sélection des candidatures menée par l’équipe des Rencontres avec les soignants et les malades de l’hôpital. Mais aussi parce que l’attention et l’empathie portées aux personnes photographiées se lisaient clairement au travers des images. Et ce n’est pas la quinzaine de personnes photographiées présentes au vernissage, toutes honorées par cette exposition, qui vous diront le contraire. Et pour couronner le tout, chacune d’elle a reçu en cadeau le livre édité par Filigranes qui rassemble joliment ce travail que vient éclairer un très beau texte de l’écrivaine et journaliste Ondine Millot.
© Frédéric Stucin
Photo, vidéo, dessin
D’autres expositions dans d’autres lieux (sept au total) méritent également le détour. On pense aux très belles images de Brigitte Grignet (résidente en 2000) qui compose ses images poétiques dans des carrés en noir et blanc. Ou encore Karine Portal (résidente en 2005) qui travaille la photo, la vidéo et le dessin en interrogeant les notions de temporalité, d’altération et d’identité. Une exposition présentée à la galerie Desmettre, un peu à l’extérieur de la ville, un lieu magique où l’on aimerait rester… Enfin à la présentation d’une partie du travail des Associés sur la région Nouvelle Aquitaine, D’ici, ça ne parait pas si loin, qui a mobilisé cinq photographes durant quatre ans. Une manière de garder la note collective.
À noter également dans les innovations, la « Scène photographique », un nouveau format proposé par Brigitte Patient. Celle qui a été la voix de la photo sur France Inter durant de nombreuses années monte sur les planches pour interviewer son invité (ici Fred Stucin) avec un comédien qui assure les illustrations sonores et une régie en direct, « comme à la radio ». Enfin à remarquer aussi une belle initiative du réseau Diagonal qui, après avoir organisé une visioconférence avec la responsable du festival Odesa Photo Days, lance un programme d’expositions en soutien aux photographes ukrainiens à travers ses différentes structures. Nous aurons l’occasion d’y revenir prochainement.
© à g. Lucile Boiron, à d. Yorgos Yatromanolakis
© Frédéric Stucin
© à g. Brigitte Grignet, à d. Lucie Belarbi
© Emma Riviera
© à g. Julia Genet, à d. Clémence Elman
Image d’ouverture : © Frédéric Stucin