Ward Roberts : fenêtre sur courts

15 janvier 2019   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Ward Roberts : fenêtre sur courts

Dans une série intitulée Courts, Ward Roberts a photographié les terrains de sport, durant plus de quatre ans. Aujourd’hui, il revient sur la genèse et l’évolution de ce travail singulier et poétique. Cet article, rédigé par Maxime Delcourt, est à retrouver dans  Fisheye #6.

Nous avons l’habitude de les penser grandioses et impersonnels. Des millions de jeunes athlètes s’y rêvent glorifiés par des milliers de supporters déchaînés. Les terrains de sport font partie de l’imaginaire collectif, mais peu d’artistes en ont fait la figure centrale de leur œuvre. De Londres à New York, de Hong Kong à Bali, Ward Roberts a parcouru le monde pendant plus de quatre ans en nourrissant un projet photographique consacré à ces playgrounds. « Je ne me suis pas obligé à faire de nombreuses recherches sur Internet pour trouver de bons endroits. Tout cela s’est fait au fur et à mesure. Parfois, plusieurs semaines ou plusieurs mois pouvaient s’écouler entre deux photographies », précise-t-il. Avant de justifier sa démarche : « J’aime le sport, ça fait partie de ma culture. Je pense donc en comprendre le langage, ce qui est pour moi essentiel si l’on veut faire de bonnes photographies. Mon travail est donc de retranscrire l’atmosphère de ces lieux, mais aussi de mettre en avant leur architecture. C’est pour cela que mes images regroupent différents terrains de sport. Ça permet de mettre l’accent sur leurs différences, mais aussi leurs similitudes. »

L’étonnant paradoxe de la série Courts tient en effet au peu d’intérêt du photographe australien pour l’aspect purement compétitif du sport. Dans ses travaux, les terrains sont toujours vidés de leur public et du show auxquels ils sont communément associés. Seule reste l’architecture, que Ward Roberts magnifie en se focalisant sur les lignes droites, les couleurs (pastel, de préférence), les matières et l’environnement : « J’ai toujours eu une certaine attirance pour les lieux vidés de leur fonction habituelle. Depuis mes premières photos au lycée, j’aime enlever tous les éléments parasites présents aux alentours pour ne garder que l’architecture et les paysages. Pour Courts, c’était une façon de montrer que ces terrains de sport ne sont pas que de simples lieux de spectacle. Quelque chose de plus touchant peut se cacher derrière. »

© Ward Roberts© Ward Roberts

Mettre le sport sur pause

Voilà aussi pourquoi les photographies de Ward Roberts sont réussies. Parce qu’elles démontrent à quel point le sport est poétique. Les terrains de football, de tennis ou encore de basket, une fois les matchs terminés, n’ont rien d’une nature morte et restent des lieux chargés d’histoires : « Ces espaces ont un tel impact sur notre vie et sont tellement associés à de grands spectacles que le simple fait de les voir désertés de toute présence humaine nous dévoile un aspect que l’on ne connaissait pas d’eux. Les photographier sans supporters et sans athlètes permet au spectateur de laisser libre cours à son imaginaire. » Certes, mais selon un schéma bien précis : « Pour faire une bonne photo, il faut prendre le temps de mettre le décor en place et de rendre l’ensemble le plus organique possible. C’est pourquoi j’utilise presque exclusivement la pellicule, qui est une façon pour moi de mettre toutes mes forces dans une photo, de faire passer un meilleur message. »

Un message qui, ici, se veut très éloigné des photographies de sport habituelles, avec lesquelles Ward Roberts ne se sent pas vraiment de lien : « Bien entendu, la photographie de sport permet de saisir un instant historique, quelque chose d’unique dont beaucoup se souviendront, surtout dans un univers où tout va très vite et où tout change rapidement. Mais je ne suis pas touché par ça. Je préfère nettement me concentrer sur l’imaginaire et sur les structures architecturales des lieux qui accueillent les événements sportifs. » Avant de nous quitter, Ward Roberts avoue d’ailleurs avoir encore envie d’explorer le monde et de poursuivre ce projet, seul face aux terrains de sport.

© Ward Roberts© Ward Roberts
© Ward Roberts© Ward Roberts
© Ward Roberts© Ward Roberts
© Ward Roberts© Ward Roberts
© Ward Roberts© Ward Roberts

© Ward Roberts

Explorez
Les images de la semaine du 26 mai 2025 : un autre regard sur le monde
Made in Hong Kong, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Les images de la semaine du 26 mai 2025 : un autre regard sur le monde
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye rendent hommage à Sebastião Salgado, évoquent le deuil, les déchets des...
01 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Sidewalk Stills, les déchets des marchés de Charles Negre
Sidewalk Stills © Charles Negre
Sidewalk Stills, les déchets des marchés de Charles Negre
Dans Sidewalk Stills, le photographe français Charles Negre offre un regard sensible sur les déchets qui parsèment les sols des marchés...
29 mai 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Thomas Paquet : « imposer une économie de gestes »
© Thomas Paquet. Vignettage
Thomas Paquet : « imposer une économie de gestes »
À l’occasion du Paris Gallery Weekend, la Galerie Thierry Bigaignon présente, jusqu’au 31 mai 2025, une exposition personnelle de...
29 mai 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
instax Wide Evo™ : l’alchimie instantanée selon Mathias Benguigui et Jonathan Bertin
© Jonathan Bertin
instax Wide Evo™ : l’alchimie instantanée selon Mathias Benguigui et Jonathan Bertin
Avec son nouveau boîtier instantané, instax™ de Fujifilm propose une promesse audacieuse : faire de chaque cliché un chef-d’œuvre. Afin...
28 mai 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 26 mai 2025 : un autre regard sur le monde
Made in Hong Kong, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Les images de la semaine du 26 mai 2025 : un autre regard sur le monde
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye rendent hommage à Sebastião Salgado, évoquent le deuil, les déchets des...
01 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les yeux dans les yeux, portraits de la collection Pinault
© Annie Leibovitz
Les yeux dans les yeux, portraits de la collection Pinault
À l’occasion de la cinquième édition d’Exporama, la Collection Pinault fait halte à Rennes avec une exposition magistrale sur le...
31 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Le  7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
© Omar Victor Diop
Le 7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
Troisième invité du cycle "Le 7 à 9 de CHANEL", le photographe sénégalais Omar Victor Diop a offert au public du Jeu de Paume un moment...
30 mai 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Love, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Agathe Veidt saisit la fête et les chants de révolte au cœur d’une boîte de nuit de renom à Shenzhen. De retour en France, elle tricote...
29 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger