Jusqu’au 27 août, la galerie toulousaine Le Château d’Eau, en collaboration avec la Galerie Loft Art de Casablanca, accueille l’œuvre de Mous Lamrabat, photographe maroco-belge dont les créations colorées empruntent à la mode et à la pop culture comme aux mondes occidental et oriental.
« Mous Lamrabat est un coloriste indéniable. Il est très pertinent par rapport à notre époque, et totalement conscient du fait que même s’il pratique la photographie de mode, cet univers a changé. Aujourd’hui, nous sommes fier·es et heureux·ses d’accueillir sa première exposition importante en France », déclare Christian Caujolle, conseiller artistique de la Galerie du Château d’Eau. Sur les murs, derrière lui, les couleurs vives des œuvres de l’auteur maroco-belge attirent déjà le regard. Tons soutenus, panoramas exotiques, tenues somptueuses, tissus d’une douceur infinie… Avec une aisance et une légèreté déconcertantes, Mous Lamrabat érige, dans chaque cliché, des odes singulières à sa double culture et joue avec nos visions et nos a priori du luxe.
Car, comme Christian Caujolle le rappelle, mode et photographie sont toujours allées de pair. Depuis une trentaine d’années, cependant, leur relation évolue, tandis que les grandes maisons – Dior, Chanel, Louis Vuitton, etc. – deviennent des monstres tentaculaires. Dans notre société mondialisée et ultra-connectée, les marques prennent le pas sur les designers, et la standardisation domine. Les logos s’impriment sur les vêtements, comme des uniformes qu’il nous faut revêtir. Pourtant, de cette unification, l’auteur fait émerger des créations ludiques. « J’ai grandi au Maroc, tout en étant très influencé par la pop culture. J’ai toujours eu l’impression de vivre entre deux mondes, sans vraiment appartenir à l’un d’eux précisément… Pourtant, ce que tout le monde souhaite, c’est trouver sa place », confie-t-il. Petit à petit, en autodidacte, il imagine un univers peuplé de marques détournées, de couleurs vives et d’une énergie pétillante. Un univers au sein duquel il découvre, enfin, son foyer.
« Tu racontes qui je suis »
« Je veux donner à voir de l’agréable, du positif, du bariolé. Ajouter des éléments qui ne proviennent pas du monde occidental, proposer différentes pistes de lectures. Si les logos attirent d’abord l’attention, on peut aussi voir des messages derrière leur présence. Tromper le·a spectateurice, en quelque sorte », explique Mous Lamrabat. Et pour mieux nous perdre, ce dernier préfère garder le silence, nous laisser tirer nos propres conclusions. Ses gants Louis Vuitton sont-ils des contrefaçons ? D’où proviennent les boucles d’oreilles au M doré, symbole de célèbre fast food ? Cette djellaba Nike existe-t-elle vraiment ? Et finalement, est-ce important ? En jouant avec des accessoires évoquant le luxe, l’artiste nous renvoie à nos propres idéaux, à nos propres attentes. Car lorsque l’interrogation s’efface, la beauté reste. Elle se pose sur les reflets brillants des voiles de soie, sur le velouté de la peau d’un·e modèle, ou même sur l’horizon, au loin, qui semble conférer aux sujets une aura gigantesque. Elle déclenche l’émerveillement et unit les cultures comme les inconnu·es. « Je vois le nombre de personnes touchées par ce que je fais, et c’est pour cela que je créer. Un jour, quelqu’un est venu me voir, et m’a dit : “Tu racontes qui je suis, au lieu du monde qui me le dicte” », confie Mous Lamrabat. Alors, en hommage à celles et ceux qui, comme lui, ont grandi dans un entre-deux déconcertant, à celles et ceux dont la richesse culturelle est parfois passée sous silence, dont l’héritage n’est pas suffisamment mis en valeur, il crée. À l’image du hip-hop des années 1990, dont les compositions rythment ses shootings, Mous Lamrabat ne cesse d’affirmer : « Ce monde ne nous appartient pas, mais faisons-le nôtre. »
© Mous Lamrabat / Courtesy of Loft Art Gallery