Nicole Depergola et Catherine Canac-Marquis, nos coups de cœur #343, puisent toutes les deux l’onirisme dans le quotidien pour mieux étudier le monde. À la fois directes et réalistes, leurs images repoussent les limites de l’écriture documentaire et esquissent une narration nouvelle.
Nicole Depergola
C’est à 18 ans que Nicole Depergola est tombée amoureuse de la street photography, inspirée par les clichés de son oncle. Installée dans le sud de l’Italie, « dans un endroit aux magnifiques bords de mer, au vent rafraîchissant et aux couleurs chaudes », elle capture les plus infimes détails de son environnement. « Mon style a évolué depuis ces premiers pas. Aujourd’hui j’expérimente, en combinant des concepts opposés – l’humain et l’artificiel, les portraits et les objets – pour créer de nouvelles fusions qui encapsulent mes émotions », confie-t-elle. Teintées de nuances pastel, ses images mettent en scène des personnages anonymes, figures mystérieuses et terriblement familières. Des êtres placés dans un décor minimaliste, ou faisant face à des paysages oniriques, comme pour inviter le regardeur à s’immerger dans ce monde à part. « J’explore la fragilité et la nostalgie dans un univers figé ou tournant au ralenti. J’aime utiliser l’argentique pour donner à la vie une dimension dramatique », précise-t-elle. Influencée par Elina Brotherus, Man Ray, mais aussi Virginia Mori, une illustratrice italienne, ainsi que les films de Yorgos Lanthimos et les personnages imaginés par Xavier Dolan, Nicole Depergola tisse des récits intrigants. Des histoires fantaisistes éclairées par une douce lumière estivale, et imprégnées d’un charmant romantisme.
© Nicole Depergola
Catherine Canac-Marquis
Née au Canada, la photographe Catherine Canac-Marquis aiguise son regard depuis quelques années à Long Beach, en Californie. Voyageuse expérimentée, c’est lors de ses nombreuses escapades que l’appareil photo est devenu son meilleur allié. « Le médium m’a permis de transposer mes états d’esprit aux quatre coins du pays, lors de longs moments de solitude », raconte l’artiste. Ses travaux s’articulent autour d’interrogations environnementales, de l’essor de l’industrie d’énergies renouvelables et son impact sur la préservation d’habitats naturels. Alors que la Californie a adopté une loi qui l’oblige à atteindre 100 % d’énergie renouvelable d’ici 2045, de nouvelles infrastructures s’imposent pour répondre à la demande et menacent paradoxalement les parcs naturels. « Des millions d’hectares de zones protégées — en passant par l’emblématique parc national de Joshua Tree jusqu’au lointain désert de Mojave — se trouvent actuellement en danger face à la pression du lobby de l’industrie solaire », avance la photographe. Catherine Canac-Marquis propose, avec sa série en cours Sungazing, une étude de l’énergie solaire. Elle y expose une vision lyrique, mais rigoureuse, du phénomène naturel et de son exploitation dans le désert californien. « Ponctuées d’allusions au soleil, mes images oscillent entre organismes adaptés aux habitats désertiques, conséquences visibles du réchauffement climatique, et infrastructures permettant de produire de l’énergie propre et renouvelable », avance l’artiste. Un récit entre onirisme et réalisme, « comme l’a si bien dit l’artiste Paul Klee “One eye sees, the other feels” », conclut-elle.
© Catherine Canac-Marquis
Image d’ouverture : © Nicole Depergola