Jusqu’au 18 juin, la fondation MAPFRE organise au musée Huis Marseille d’Amsterdam une rétrospective dédiée aux plus grandes séries de Carlos Pérez Siquier, figure emblématique de la photographie espagnole et pionnier de la photographie couleur.
Mille nuances d’Espagne transparaissent dans les clichés de Carlos Pérez Siquier, dont les différentes séries couvrent soixante ans de l’histoire espagnole : depuis la série La Chanca, en 1957, à celles qui dépeignent les années franquistes d’après-guerre, jusqu’aux clichés contemporains, dont les derniers datent de 2018.
Carlos Pérez Siquier, qui n’a jamais cherché à s’introduire au sein des métropoles culturelles et a maintenu sa vie périphérique, a fait de sa ville natale d’Almería son sujet principal. Ses premiers clichés, en noir et blanc, résonnent comme des témoignages d’une époque oubliée, dont le contraste avec la société de consommation naissante l’a grandement inspiré. On y trouve de poétiques paysages, peuplés de quelques animaux ou d’objets, comme un cheval, ou un parapluie, dont l’apparition incongrue teinte l’ensemble d’une aura surréaliste. Mais l’on sent surtout, dans ces images néoréalistes des rues et des habitants de La Chanca, qui révèlent la pauvreté du quartier, le regard critique percutant du photographe.
Sensualité et malice sur fond de critique sociale
Cependant, on retient surtout de cette exposition les séries des années 1970, notamment La Playa, aux couleurs pop et à l’humour un brin provocant. Les positions indécentes des personnes en maillot de bain, comme celle de cet homme sur sa serviette, pieds basculés au-dessus de sa tête, dans une posture à l’indélicatesse proprement enfantine, sont étonnantes. Bien qu’à la fois familières et ordinaires, trouver ces postures immortalisées dans des clichés destinés à être exposés avec sérieux nous déconcerte, et nous amuse. L’esthétique kitsch, rendue possible par le nouveau médium de la photographie couleur, aux tons denses et criards, engendre une satire malicieuse des transformations modernes et du nouveau rapport de la société aux objets, à l’ère du tourisme de masse.
Au-delà de l’ironie qui imprègne certains clichés, on est saisi par la douceur et la sensualité d’autres photographies, aux détails d’un réalisme quasi-érotique, comme celle de la femme en bonnet de bain, au tissu douloureusement tendu sur ses cheveux, et dont on sent presque la goutte d’eau couler le long de sa nuque. Du gros plan sur le ventre bombé d’une femme en maillot de bain fleuri, on ressent la plénitude du corps étendu au soleil, relâché dans un oubli de soi et du monde, écrasé de plaisir. Des œuvres qui nous exposent à des sensations parfois contradictoires, entre volupté, dérision, contemplation et jugement.
© Carlos Pérez Siquier / Collection Fundación MAPFRE, c/o Pictoright Amsterdam 2023