« Où est Félix ? », Cour de l’Archevêché, lors de la première semaine des Rencontres d’Arles, les affiches accrochées par la maison d’édition Le Mulet, interpellait les passant·es, les guidant jusqu’à un stand où trônait Félix, un petit ouvrage intriguant. À l’intérieur, des affiches de chats perdus, transformées, sublimées par des encres, des impressions qui rongent les images et font d’un simple avis de recherche une œuvre d’art. Une collection obsédante d’images compilée dans un petit format, rappelant l’art du manga, emblématique de la ligne éditoriale du Mulet : un mélange d’humour et de créativité. Un entretien croisé avec ses deux créateurs, Mathieu Van Assche et Simon Vansteenwinckel et Félix The Saiz.
Fisheye : Comment sont nées les Éditions Le Mulet ?
Mathieu Van Assche et Simon Vansteenwinckel : Le Mulet est une maison d’édition, de livres et de fanzines installée à Bruxelles, que nous avons nous-mêmes créée et que nous cogérons. Son premier livre a vu le jour dans le cadre d’un projet collectif d’exposition de street photographie dans la capitale belge, où nous avons eu la possibilité de réaliser un recueil des images de l’événement.
Puisque nous sommes tous les deux graphistes et photographes, il nous est rapidement paru évident que l’on pouvait gérer ensemble tous les aspects de la réalisation d’un livre − de l’éditing jusqu’à l’envoi des fichiers à l’imprimeur. Suite à ce premier projet, qui a été bien accueilli, d’autres commandes se sont rapidement enchaînées… voire déchaînées !
Comment a débuté votre collaboration avec Félix The Saiz, photographe passionné par les chats ?
C’est après avoir consulté le livre EXI(S)T, que nous avons réalisé pendant la période de confinement, que Félix The Saiz a eu envie de collaborer avec nous. Il nous a ensuite proposé de travailler avec lui sur un livre de photographies composé d’affichettes de chats perdus. Il nous a fourni plusieurs centaines de clichés collectés au cours de huit années – avec la rue comme terrain de jeu. Le projet nous a plu, et nous avons naturellement accepté de travailler ensemble à son élaboration.
Pouvez-vous nous présenter ce photographe ?
Félix The Saiz est l’hétéronyme d’un photographe qui aborde, à travers tous ses ouvrages, les thèmes de l’intime, de la vie et de la mort. La mélancolie, l’effacement et le temps sont également des notions constantes de son œuvre. Par ce dédoublement de nom, Félix The Saiz fait également un petit clin d’œil à son état bipolaire – matière à penser dans toute sa création. Nous le connaissions déjà grâce à ses projets publiés sous son nom réel, et le fait qu’il utilise ce pseudo nous a permis de créer un univers commun entre lui et Le Mulet.
Les images des affiches ont été retouchées dans votre livre. Quelle est l’importance du design dans votre travail ?
Félix The Saiz a d’abord créé sa série en retravaillant chaque photographie une à une, de manière méthodologique. Il nous a ensuite fourni l’ensemble des images brutes en nous donnant, entre autres, comme indication : « soyez punk et éclatez-vous ! ».
Avant de commencer la mise en page, nous avons beaucoup dialogué avec lui, afin de réfléchir à l’objet, d’affiner la direction que l’on souhaitait prendre. C’est ainsi qu’est apparue l’idée de réaliser un format poche, dense, sans texte, et de zoomer plus ou moins fort dans les photos. C’était une manière pour nous de rendre l’objet « pop ». Finalement, il ne s’agit pas d’un livre photo classique ni d’un livre de graphisme ou d’illustration… Mais peut-être un peu de tout cela en même temps.
Le design même de l’ouvrage évoque l’esthétique propre aux mangas. Était-ce volontaire ?
Oui. Félix nous a donné carte blanche. Sa seule consigne ? Réaliser un objet similaire au manga dans sa forme : le format, le choix du papier, la lecture de droite à gauche… À partir de cette demande, l’idée d’une publication grand public et bon marché a vite fait son chemin. Nous avions envie de réaliser un livre qui serait à la fois populaire et universel, et le manga rassemble bien ces deux aspects ! Un hommage est ainsi rendu à la fascination pour les chats présente dans la culture photographique japonaise, et pas que…
Ce projet évoque aussi une démarche obsessionnelle certaine…
« Que serait l’art sans obsession ? »,
nous miaule Félix…
Et l’humour, est-il important au cœur de votre démarche ?
Oui, au départ, la création même de la maison d’édition ainsi que le choix du nom étaient un peu une blague de notre part. L’humour a totalement sa place dans notre travail. Parmi nos sorties récentes, la revue Tropical Stoemp en est l’un des meilleurs exemples. Assumer un côté kitsch, second degré et régressif a été l’une des lignes de conduite dans la conception du second numéro de la revue.
Un dernier mot ?
Hi Han
!
Félix, Éditions Le Mulet, disponible en précommande, 300 p.
© Félix The Saiz