Dans The day after tomorrow, le photographe ghanéen Eric Asamoah entreprend l’exploration d’une transition : celle de l’adolescence à l’âge adulte. Une quête paisible, où passé et futur interagissent harmonieusement.
Sous le soleil chaud du Ghana, non loin des palmiers et de l’écume des vagues, les modèles d’Eric Asamoah apparaissent – calmes, assurés. Là-bas, aux contacts des éléments, leur peau devient veloutée, leur regard songeur, tandis qu’ils contemplent l’horizon. C’est une véritable introspection que le jeune photographe, né en Autriche en 1999, entreprend à travers sa première monographie, The day after tomorrow. Attiré depuis l’adolescence par le 8e art, c’est à travers les livres photo, les magazines et les films qu’il perfectionne sa vision, et développe son langage visuel. « Aujourd’hui, je m’intéresse particulièrement à tout ce qui est organique, authentique, et esthétique. En tant qu’auteur, il me parait essentiel de me fier à mon intuition, qui me guide et me dirige lorsque je capture un moment simple, une expression, un décor, et me permet de révéler quelque chose d’honnête. Je prends une photo parce que j’en ai vraiment envie. L’intention prend racine dans l’intuition », commente-t-il.
Et c’est ainsi qu’il construit son ouvrage. Ponctué par des nuances pastel, des lumières naturelles splendides et des portraits apaisants, le récit d’Eric Asamoah est empreint de liberté. Une liberté qui teinte son écriture photographique et influence ses compositions, tout comme les artistes qu’il admirait, sur Tumblr, étant plus jeune. « J’étais impressionné par ceux qui étaient véritablement passionné·e·s, et qui affichaient un style reconnaissable entre tous – c’est là la forme la plus pure du médium. Je pense notamment à Gordon Parks, Viviane Sassen, Liz Johnson Artur, Juergen Teller ou encore Jork Weismann », déclare-t-il.
L’inéluctable avancée du monde
Mais cette liberté modèle également son propre parcours, ses propres émotions. Car The day after tomorrow prend racine dans l’évolution humaine, lors du passage à l’âge adulte. Un thème que l’artiste a choisi d’explorer dans son pays d’origine. Au Ghana, les corps de ses sujets se mettent – littéralement – à nu pour exposer leur vulnérabilité, leur transformation. « Alors que mon environnement change, et que je grandis, je pense de plus en plus au concept du temps, et son influence sur nous. Le passé est toujours présent, et il inspire le futur. Si commencer quelque chose de nouveau peut être excitant, sauter à pieds joints dans l’inconnu et laisser le passé derrière soi est effrayant, pour certain·e·s », commente le photographe.
Alors, à travers ses clichés, il tente de décrire l’envie d’avancer. Nuancées par des tons bleutés, les images convoquent un certain calme, une maîtrise rassurante de l’environnement, tandis que les modèles acceptent – avec résignation ou bonheur – l’inéluctable avancée du monde. Une philosophie que l’artiste lie à la diaspora africaine. « On se sent plus à l’aise avec notre ADN lorsque l’on connaît nos origines. J’ai en tête un proverbe africain : “si tu connais bien le début, la fin te troublera moins”. Plus j’ai appris de choses sur ma famille, moins je me suis senti seul : j’ai découvert une lignée de personnes aux traits, aux chemins, aux croyances similaires. C’est pourquoi j’ai choisi ce pays pour shooter cette série : c’est ici que tout a commencé », raconte-t-il. Entre deux territoires, deux âges, et une multitude de sensations, The day after tomorrow propose une lecture mesurée de la notion de passage. De solitaire à entouré. D’étranger à familier. De garçon à homme. Un conte aux lueurs picturales, décrivant, loin des carcans d’une hyper masculinité toxique, les doutes, les attentes, et l’acceptation d’un futur prometteur.
The day after tomorrow, VFMK Books, 27,60€, 108 p.
© Eric Asamoah