Fisheye : Pourquoi es-tu devenue photographe ?
Nicola Odemann : Ma ville natale, Bad Tölz, se situe dans les Alpes bavaroises. C’est un endroit magnifique, entouré de montagnes et de lacs qui n’attendent qu’à être explorés. Donc j’ai toujours passé mon temps dehors, ce qui m’a poussé à photographier la beauté qui m’entoure. Devenir photographe n’a pas été le fruit d’une décision, mais simplement une habitude.
Qu’est-ce que tes images révèlent sur toi et sur ta pratique photographique ?
Dans un premier temps, mes photos sont des souvenirs des endroits où je me suis rendue, ou des moments que j’ai vécu. Mais surtout, elles témoignent d’une nostalgie et d’une langueur pour le monde, que je ressens lorsque je les regarde après coup. J’essaye de capturer des sentiments et mes images sont donc des représentations de désirs que j’ai à l’égard de la nature et du monde tout entier.
Pourquoi t’es-tu rendue en Islande ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aspiré à voyager en Islande. Les images que j’ai vu dans les magazines ou les documentaires, la musique de Sigur Rós, Seabear ou múm ont toujours été d’importantes sources d’inspirations, qui me remplissaient d’une envie terrible de découvrir cette île merveilleuse. Ce n’est pas tellement que j’ai toujours voulu m’y rendre, mais plutôt que je devais m’y rendre.
Avec qui as-tu voyagé en Islande ? As-tu déjà voyagé seule ?
Je suis partie avec ma sœur. Je n’ai encore jamais voyagé seule dans un pays étranger, mais j’aimerais vraiment faire cette expérience car je pense sincèrement que la solitude est une source d’inspiration. Les seules fois où j’ai expérimenté cette solitude, c’est lors de randonnées solitaires et j’adorerais faire un long trek en solo un jour.
Est-ce que partager un voyage est une inspiration pour faire des photos ?
Je ne dirais pas ça. Mais c’est une formidable expérience de partager un tel voyage avec une personne qui vous est proche. On partage ainsi les mêmes souvenirs. C’est aussi génial de vivre un court instant quelque chose avec des inconnus rencontrés au hasard du voyage. Se dire qu’on a un moment de vie en commun avec quelqu’un, quelque part, qui ne nous est pas du tout relié, c’est assez excitant je trouve. J’ai terriblement besoin de tout ça.
Quels endroits as-tu visités là-bas ?
La première fois que j’ai posé les pieds en Islande, nous avons pris la route direction les Westfjords. La deuxième fois, durant laquelle j’ai réalisé Wild Iceland, ma sœur et moi avons pris le bus pour Landmannalaugar. On a fait la randonnée de Laugavegur jusqu’à Porsmörk, ce qui nous a pris quatre jours. Après un passage à Reykjavik, nous avons loué une voiture pour rouler à travers la région des montagnes, via la route Kjölur.
Conduire sans fin à travers ses paysages infinis et absolument époustouflants, être témoin de la beauté si pure et abrupte d’endroits comme Kerlingarfjöll… C’était comme vivre un rêve, ou découvrir une autre planète. J’aime tout de ce pays et je ne me suis jamais sentie plus libre ailleurs que dans les paysages désertiques de cette région.
Dans quels paysages te retrouves-tu le plus ?
Là où je suis dans la nature, quand il n’y a ni villes ni routes alentour. Ce sont surtout les paysages vastes et austères, et aussi les cimes des montagnes. Lorsque je me trouve au-dessus de tout et où je me sens déconnectée du reste du monde, tout en me sentant très proche de la terre et de ce qui la compose. C’est un sentiment dont je suis accroc.
Qu’est-ce qui te viens à l’esprit lorsque tu découvres un pays pour la première fois ?
Comme je le disais, quand je prends une photo, j’essaye de capturer un sentiment. Donc quand j’explore un nouvel endroit ou un lieu familier, j’essaye toujours de saisir l’admiration que j’éprouve à ce moment-là.
Quel boîtier et quel type de pellicule as-tu utilisé pour réaliser Wild Iceland ?
Mon Nikon F65, qui ne me quitte jamais. Et le plus souvent des films Fujifilm ou Kodak à 400 iso.
Quelle est l’anecdote la plus marquante de ce voyage en Islande ?
C’était à Kerlingarföll. Ma soeur et moi avions loué une petite maison avec une large baie vitrée. Nous recevions deux voyageurs que nous venions de rencontrer. Nous discutions tous ensemble, devant cette baie vitrée, quand tout à coup le ciel est devenu très clair. J’ai d’abord cru que c’étaient des nuages; en réalité, il s’agissait d’aurores boréales. Incapable de rester assise plus longtemps, je me suis précipitée dehors avec mon appareil et j’ai suivi un chemin étroit au bout duquel le ciel a explosé autour de moi en ces magnifiques lumières dansantes. Je me suis sentie toute petite et en même temps, tellement connectée avec l’univers tout entier. Ma sœur et nos deux invités nous ont rejoint et nous avons marché un moment sous ces aurores boréales. C’était parfait. Je ne suis pas très douée pour prendre des photos en pleine nuit, pourtant j’ai fait quelques clichés et quand je les ai fait développer, j’ai découvert celle-ci… Elle est un peu floue mais c’est une photo que j’adore car elle contient tellement des émotions de cette nuit-là.
Quel sera ton prochain voyage ?
En ce moment j’essaye d’économiser pour retourner en Islande l’été prochain, et aussi me rendre au Groenland. Je vais voyager un peu entre temps mais ce gros voyage au Groenland est un projet important.
Si tu n’avais pas eu d’appareil durant ce voyage, comment, juste avec des mots, aurais-tu dépeint l’Islande ?
Imaginez un endroit où les contrastes perdent leurs limites. Un endroit où le feu existe avec la glace et où les glaciers se mêlent à l’océan. Un endroit où vous pouvez rouler pendant des heures sans rencontrer âme qui vive. Un endroit si sauvage et rare, où l’étendue des paysages devient l’étendue de votre âme. Une beauté frappante qui ne parvient pas à dissimuler la rudesse de l’île. Vous errez à travers une nature infinie, en pensant forcément à celles et ceux qui, des siècles auparavant, ont vécu à travers les tempêtes ou les hivers âpres – et vous ressentez une telle admiration pour eux. Alors vous comprenez de mieux en mieux les paysages sous vos yeux, et vous commencez à vous connaître mieux, vous aussi. Imaginez un lieu où tout ce qui existe devient ce que vous êtes. Voilà ce qu’est l’Islande pour moi.
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