Anna : le film phare du cinéma underground italien restauré

14 décembre 2022   •  
Écrit par Costanza Spina
Anna : le film phare du cinéma underground italien restauré

Aujourd’hui ressort le film italien Anna, emblématique des années 1970 et du cinéma underground de l’époque, restauré en version 2K. Il est disponible chez Les films du Camélia !

Anna, fille mineure enceinte dans une Italie des années 1970 influencée par le new age, croise le réalisateur Massimo Sarchielli sur la place Navone après avoir fui son collège. De là, débute une expérimentation de cinéma réaliste tournée autour de la vie de la jeune fille. Alors que les réalisateurs Alberto Grifi et Massimo Sarchielli voudraient tisser autour d’elle un scénario larmoyant, Anna se révolte et avec l’aide des techniciens de tournage, arrive à détourner l’intention du film. Un électricien, Vincenzo, s’éprend alors de la protagoniste : il entre dans le champ et lui déclare sa flamme, en même temps qu’il livre ses récits de luttes ouvrières. Dans un climat de désobéissance, les deux jeunes s’approprient leur destin en échappant à toute autorité, y compris celle des réalisateurs.

Aujourd’hui, le film ressort restauré, à nouveau disponible chez Les films du Camélia. Il demeure, encore de nos jours, l’un des exemples significatifs des limites du cinéma-vérité. Un style résonant de manière évidente avec le médium photographique.

Anna © Alberto Grifi et Massimo Sarchielli

Anna © Alberto Grifi et Massimo Sarchielli

Voyage dans une Italie post-alternative

Anna 

est l’écorché d’une époque, une œuvre post-alternative que la critique à Cannes 1976 avait salué comme « un événement générationnel ». En suivant les aventures de cette jeune fille prise entre consommation de substances et une grossesse prématurée, le film explore les névroses d’une génération qui, sous prétexte de libération sexuelle et d’émancipation culturelle, ne parvint pas vraiment à affranchir les femmes du joug patriarcal. Anna, entourée d’hommes sur un tournage qui dura trois ans, arrive tout de même à trouver un espace de rébellion face à la caméra. C’est une Italie radical chic et underground que nous découvrons pendant les presque quatre heures de film. Un pays pris entre les revendications ouvrières et le début des années de plomb, pendant lesquelles les luttes politiques s’exacerbaient jusqu’à donner lieu à des attentats extrémistes. Rome devient capitale de tous les excès, le théâtre de la Dolce Vita et des tournages de Federico Fellini, qui la dépeint dans toute son absurdité.

Alberto Grifi, réalisateur d’Anna, est considéré comme l’un des cinéastes expérimentaux italiens les plus importants, ayant ouvert la voie à un cinéma pointu, qui refuse de s’ouvrir au grand public. Dans son travail, il s’entoure des artistes incontournables qui ont forgé cette scène post-alternative : Baruchello, Sarchielli, Braibanti, Patrizia Vicinelli, la Coopérative du Cinéma Indépendant de Rome… Suite à la projection de ses films à la Dokumenta de Kassel en 2017, l’artiste est enfin reconnu internationalement. Selon les mots de l’écrivaine Rachel Kushner, « Anna possède la béatitude d’une madone de la Renaissance, comme le reconnaît la caméra qui la regarde avec une persistance dilatée et warholienne. Avec Anna, comme avec certains sujets de Warhol dont on n’a plus jamais entendu parler, la présence électrisante de la beauté filmée et le regard obsessionnel lui-même, forment un témoignage historique vivant et mystérieux »

Anna © Alberto Grifi et Massimo Sarchielli Anna © Alberto Grifi et Massimo Sarchielli

 

Anna © Alberto Grifi et Massimo Sarchielli

Image à la une : Anna © Alberto Grifi et Massimo Sarchielli

Explorez
Polaraki : une collection de polaroids d'Araki sort d'un appartement parisien
Sans titre, Araki Nobuyoshi 1990 -2024 © Nobuyoshi Araki © Musée Guimet, Paris, Nicolas Fussler
Polaraki : une collection de polaroids d’Araki sort d’un appartement parisien
Jusqu'au 12 janvier 2026, le musée des arts asiatiques - Guimet accueille une collection foisonnant de polaroids, issue de l’œuvre du...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #561 : Julie Brochard et Anna Prudhomme
© Anna Prudhomme
Les coups de cœur #561 : Julie Brochard et Anna Prudhomme
Julie Brochard et Anna Prudhomme, nos coups de cœur de la semaine, ont puisé l’inspiration dans la maison de leurs grands-parents. La...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Grace Land : Nick Prideaux transcrit son expérience de la perte
© Nick Prideaux
Grace Land : Nick Prideaux transcrit son expérience de la perte
Dans le cadre d’une résidence artistique à la Maison de la Chapelle, au cœur de la Provence, Nick Prideaux a imaginé Grace Land. À...
04 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Contenu sensible
Yushi Li : Boys, Boys, Boys
My Tinder boys © Yushi Li
Yushi Li : Boys, Boys, Boys
Sur Tinder, l'artiste chinoise Yushi Li, installée à Londres, sélectionne des amants qu'elle soumet à son regard féminin. Elle questionne...
02 octobre 2025   •  
Écrit par Thomas Andrei
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Polaraki : une collection de polaroids d'Araki sort d'un appartement parisien
Sans titre, Araki Nobuyoshi 1990 -2024 © Nobuyoshi Araki © Musée Guimet, Paris, Nicolas Fussler
Polaraki : une collection de polaroids d’Araki sort d’un appartement parisien
Jusqu'au 12 janvier 2026, le musée des arts asiatiques - Guimet accueille une collection foisonnant de polaroids, issue de l’œuvre du...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #561 : Julie Brochard et Anna Prudhomme
© Anna Prudhomme
Les coups de cœur #561 : Julie Brochard et Anna Prudhomme
Julie Brochard et Anna Prudhomme, nos coups de cœur de la semaine, ont puisé l’inspiration dans la maison de leurs grands-parents. La...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 29 septembre 2025 : expositions et représentations
Speak the Wind, 2015-2020 © Hoda Afshar, Courtesy de l'artiste et de la Galerie Milani, Brisbane, Australie.
Les images de la semaine du 29 septembre 2025 : expositions et représentations
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye vous parlent de certaines des expositions du moment et de sujets qui...
05 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Grace Land : Nick Prideaux transcrit son expérience de la perte
© Nick Prideaux
Grace Land : Nick Prideaux transcrit son expérience de la perte
Dans le cadre d’une résidence artistique à la Maison de la Chapelle, au cœur de la Provence, Nick Prideaux a imaginé Grace Land. À...
04 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet