Les droits humains sont les droits inaliénables de toute personne indépendamment de sa race, son sexe, son identité de genre, sa nationalité, son origine ethnique, sa langue, sa religion ou toute autre situation. Ils incluent le droit fondamental à la vie et celui à la liberté. Dans le monde contemporain, les droits sociaux et humains n’ont jamais été aussi précaires, ils demeurent questionnés et parfois révoqués y compris au sein des grandes démocraties – en témoigne l’annulation du droit à l’avortement dans beaucoup d’états des États-Unis. Certains de ces droits fondamentaux sont encore entourés de flou et ne sont pas pleinement appliqués : c’est notamment le cas de la liberté et de l’égalité entre les genres. Pour questionner ces enjeux, le programme Ascendance a réuni une quinzaine d’artistes photographes. Une manière pour la Fondation Manuel Rivera-Ortiz d’ouvrir le débat.
Des migrations en quête de libertés
Le thème du départ et de la migration en quête d’une vie meilleure, est l’une des trames principales de l’exposition. Partout où les droits humains sont bafoués, les populations fuient en espérant reconquérir ainsi leur liberté, leur dignité, et pouvoir survivre aux persécutions raciales, misogynes, homophobes. À travers les migrations, il est possible de retracer une cartographie des droits des hommes et des femmes et de comprendre ce qu’il reste à faire dans les pays démocratiques. Laurence Rasti capte la précarité des existences des réfugié·es homosexuel·les iranien·nes à Denizli, une ville de Turquie par laquelle iels transitent en espérant atteindre l’Europe. Des vies suspendues, faites de tendresse discrète et de silences, au sein desquelles l’amour est omniprésent et pourtant interdit. Une série qui fait suite notamment aux déclarations de l’ancien président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, qui avait affirmé en 2007 à l’université de Colombie aux États-Unis : « En Iran, nous n’avons pas d’homosexuels comme dans votre pays. »
La violence contre les personnes LGBTQIA + est le fil rouge d’un autre photographe prometteur présent dans l’exposition, Pierre-Kastriot Jashari, qui dresse quant à lui des portraits de jeunes kosovares homosexuel·les tiraillé·es entre le besoin de s’affirmer et la nécessité de se cacher. Le photographe joue autour de l’injonction bonu burrë !, qui signifie « sois un homme ! », et à travers la caméra ils donne à ses sujets la possibilité d’exister. Au Kosovo aussi, un imam avait publiquement affirmé que l’homosexualité n’existe pas dans le pays. Grâce à des jeux de lumière, le photographe a réussi a garantir l’anonymat des personnes photographiées qui, si découvertes, pourraient subir la violence de leur entourage homophobe.
© Francesca Todde
Cesser l’emprise toxique
Les images de réfugié·es qui fuient leur pays à la recherche d’une vie meilleure semblent constituer notre quotidien mais rarement on pose sur elles un regard attentif et empathique, capable d’imaginer ce que ces personnes endurent pour reconquérir leurs droits. Pour y remédier, Margot Lançon et Chloé Simonin nous plongent dans le parcours tumultueux d’une jeune érythréenne, Yerusalem, qui tente de s’adapter en Suisse, dans un pays complètement étranger au sien. Yerusalem a demandé l’asile politique et son histoire, est celle d’une lente transformation. Florent Meng Lechevallier pose quant à elle son objectif sur l’une des zones de migration les plus violentes au monde, celle entre les États du Sonora au Mexique et la frontière de l’Arizona aux U.S.A. Ici, les migrant·e·s endurent la violence directe des polices de frontière et on ne compte plus les disparitions recensées. Cette série poignante se situe du côté de celles et ceux qui essaient d’apporter leur aide aux migrant·es.
Ascendance, plus qu’une curation photographique à propos des humain·es, s’impose comme une subtile réflexion autour du vivant. Un voyage philosophique illustrant qu’il est impossible de respecter les droits des personnes si ceux des animaux et du reste du vivant ne sont pas également protégés. Les migrations, les violences systémiques, les dynamiques d’exploitations, dépendent en grande partie de ce que le système capitaliste fait endurer aux environnements et aux autres habitant·es de la planète. Ce basculement est le point tournant de l’exposition, incarné par les travaux de Francesca Todde, qui depuis des années immortalise la relation qui unit certain·es hommes et femmes aux animaux. Leurs langages se rencontrent avec une simplicité déroutante et riche d’empathie mutuelle.
Lors de ce parcours, l’Ascendance cesse alors d’être une emprise toxique des puissant·es sur les vulnérables pour devenir un désir d’élévation et de légèreté, la rencontre intergénérationnelle entre plusieurs photographes défendant les droits du vivant à travers leur objectif.
Retrouvez toutes les informations et la curation de l’exposition, à découvrir jusqu’au 24 décembre.
© Margot Lançon et Chloé Simonin
© à g. Laurence Rasti, à d. Francesca Todde.
© Pierre-Kastriot Jashari
Image d’ouverture : © Francesca Todde