« Des oiseaux » : un nid d’inventivité au Hangar

19 septembre 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Des oiseaux » : un nid d’inventivité au Hangar

Jusqu’au 17 décembre, le Hangar, centre d’art de Bruxelles, présente Des Oiseaux, une exposition collective reprenant l’ensemble atypique initié par les ateliers EXB. Un florilège de sensibilités diverses captant les mouvements des volatiles.

« À l’origine de cette exposition, il y a une histoire : celle de ma rencontre avec Christian Caujolle (conseiller artistique du Château d’eau, centre d’art à Toulouse, NDLR) et de ma découverte des ateliers des éditions Xavier Barral… »

, nous conte Delphine Dumont, directrice du Hangar lors de notre arrivée. À l’époque, seuls cinq livres de la collection des Oiseaux sont publiés, mais déjà, l’envie de réaliser des expositions à partir de cet ensemble atypique – né notamment de la passion de Xavier Barral pour la nature et les sciences – anime les deux commissaires d’exposition. Des Oiseaux, accroché au Hangar jusqu’au 17 décembre, est le second volet de cette aventure. Un deuxième chapitre prolongeant l’événement toulousain, et permettant de (re)découvrir les différents univers des photographes dans une nouvelle installation. Et dans le grand espace du centre d’art bruxellois, sur deux étages, les œuvres des treize photographes prennent une ampleur nouvelle. Croisant les écritures et les sensibilités, les émotions et les nuances, tous et toutes parviennent à faire de ce sujet d’étude un point de départ vers de multiples narrations.

© Paolo Pellegrin / Magnum Photos

© Paolo Pellegrin / Magnum Photos

Une mosaïque d’imaginaires

On ne peut tout d’abord qu’admirer la qualité plastique des vues aux airs d’estampe de Pentti Sammallathi – « une des séries qui fonctionne le mieux en livre », rappelle Delphine Dumont. Privilégiant lui aussi le noir et blanc poétique, les paysages minimalistes et les animaux en ombre chinoise, Michael Kenna propose une collection des plus délicate. Attachant une importance particulière à l’impression, Byung-Hun-Min imagine quant à lui un univers texturé et immersif, où les paysages se font aussi doux que des tissus. Autre élément fondateur de la collection, Bernard Plossu brille également par son usage du monochrome et par l’infinie tendresse avec laquelle il parvient à capturer les animaux.

Une douceur caractéristique du travail de Terri Weifenbach. Alors qu’elle habitait à Washington DC, dans une banlieue de plus en plus envahie par le béton, la photographe américaine choisit de conserver la verdure de son jardin. Une oasis qui attire une horde de moineaux, dont les vols chorégraphiés et la grâce naturelle fascinent l’artiste. « J’ai appris beaucoup de choses à leur contact. Le fait qu’ils peuvent vivre une vingtaine d’années, et qu’ils vivent en société, par exemple », confie-t-elle.

© Christophe Maout

© Christophe Maout

Au Japon, Rinko Kawauchi a vu mourir son désir de partir sur une île documenter la vie des hirondelles à cause de la pandémie. Pourtant, un heureux hasard survient : un couple d’hirondelles fait un jour son nid dans son garage, en banlieue de Tokyo. Un parallèle tendre et amusant avec son propre statut de mère, confinée chez elle et s’occupant de son enfant. C’est au Japon également que Paolo Pellegrin réalise ses clichés captivants d’une colonie de milans – un sujet découvert par hasard, alors qu’il partait photographier les célèbres cerisiers de Kyoto. Plus graphique, Yoshinori Mizutani ne cesse d’arpenter lui aussi les rues nippones à la recherche de scènes insolites et colorées. Inspiré par la vie urbaine tokyoïte, il fige des scènes aux confins du fantastique. Un goût pour l’irréel que l’on retrouve, comme un écho, dans les créations de Graciela Iturbide. Nourrie par l’héritage culturel mexicain, l’artiste dresse un univers surréaliste, quelquefois fantasmagorique, où le surréalisme domine, et écrase toute notion du réel.

Véritable pause contemplative, Christophe Maout, lui, décide d’associer une paire de jumelles à un objectif – un clin d’œil aux origines du médium – pour réaliser des images rondes d’un ciel sublime : la vue de son appartement parisien. Au cœur du calme apaisant du confinement, il se perd dans la contemplation des volatiles, symboles d’une intense liberté. Le duo Albarrán Cabrera prolonge cette virée onirique grâce à leurs tirages splendides, travaillés aux infusions, aux feuilles d’or et aux chaudes nuances. Une plongée dans un monde d’une beauté bouleversante qu’on ne peut qu’apprécier. Cette douce rêverie prend fin face aux représentations d’oiseaux de Leila Jeffreys. Car en contemplant les créations de l’autrice australienne, on ne peut qu’ouvrir grand les yeux, ébahi·es. Travaillant à l’aide d’un studio qu’elle déplace et emmène partout avec elle, elle parvient à attirer les oiseaux et réaliser des portraits d’une humanité sans pareille. Situées à ses côtés, les créations de Roger Ballen – dernier ajout de la collection des Oiseaux – semblent lui répondre. Dans un noir et blanc sombre, viscéral, ses compositions mêlant oiseaux, marionnettes, poupées et créatures étranges sorties de son imaginaire, déplacent les volatiles dans un espace autre, aux frontières du cauchemar, là où plus rien ne semble impossible.

D’une inventivité impressionnante, l’exposition met en scène avec adresse l’ensemble créé par EXB. Une mosaïque d’écritures, de géographies et d’imaginaires à découvrir et savourer absolument.

© Roger Ballen

© Roger Ballen

© Yoshinori Mizutani / courtoisie IMA gallery© Leila Jeffreys

© à g. Yoshinori Mizutani / courtesy IMA gallery, à d. Leila Jeffreys

© Albarrán Cabrera

© Albarrán Cabrera

Image d’ouverture : © Albarrán Cabrera

Explorez
Rebecca Najdowski : expérimentations et désastre écologique
© Rebecca Najdowski
Rebecca Najdowski : expérimentations et désastre écologique
Dans sa série Ambient Pressure, l’artiste Rebecca Najdowski nous invite à interroger le rôle du médium photographique dans notre...
18 décembre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
La sélection Instagram #485 : livre de la jungle
© Janis Brod / Instagram
La sélection Instagram #485 : livre de la jungle
Les photographes de notre sélection Instagram de la semaine explorent la jungle, autant celle faite d’arbres et de fougères luxuriantes...
17 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Le Festival du Regard fait sa zoothérapie
© Daniel Gebbhart de Koekkoek
Le Festival du Regard fait sa zoothérapie
À mesure que notre vie s’urbanise, nos liens avec les animaux s’étiolent. Il est temps d’y remédier. Grâce au travail d’une...
14 décembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Arktis : la dystopie polaire d’Axelle de Russé
© Axelle de Russé
Arktis : la dystopie polaire d’Axelle de Russé
Pendant huit ans, la photographe Axelle de Russé a suivi l’évolution du réchauffement climatique en Arctique, une réalité qui chaque jour...
12 décembre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
© Rebecca Najdowski
Les images de la semaine du 16.12.24 au 22.12.24 : une multitude de dialogues
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye dévoilent une multitude de dialogues initiés par la photographie.
À l'instant   •  
Écrit par Apolline Coëffet
The Color of Money and Trees: portraits de l'Amérique désaxée
©Tony Dočekal. Chad on Skid Row
The Color of Money and Trees: portraits de l’Amérique désaxée
Livre magistral de Tony Dočekal, The Color of Money and Trees aborde les marginalités américaines. Entre le Minnesota et la Californie...
21 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
© Prune Phi
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
Du 7 février au 23 mars 2025, le Jeu de Paume accueille le festival Paysages mouvants, un temps de réflexion et de découverte dédié à la...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
© Mirko Ostuni, Onde Sommerse.
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
Dans Onde Sommerse, Mirko Ostuni dresse le portrait de sa propre génération se mouvant au cœur des Pouilles. Cette jeunesse tendre et...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger