Jonathan Deltour, 33 ans, est un photographe passionné. Directeur artistique le jour, il se dédie à la photo durant son temps libre. Fasciné par les États-Unis, il nous raconte comment il lie ses deux passions en dévoilant pour la première fois sa série Fellow Men réalisée dans le Colorado l’été dernier. Entretien.
Sur un mur de son appartement, une grande carte des États-Unis punaisée depuis laquelle il prévoit ses road-trip. Sur son bureau, une collection de cartes postales, un mug Bernie Sanders, le candidat à la primaire démocrate dont il est fan. Et dans sa bibliothèque reposent les ouvrages de photographes qu’il adore. Entre autres, Alec Soth, William Eggleston, Bruce Davidson, Robert Adams ou encore Mike Mandel. Jonathan Deltour, 33 ans, est fasciné depuis l’adolescence par les États-Unis, sa culture et ses grands espaces. Il s’y rend tous les ans. En partie pour photographier. Car en même temps qu’est née sa passion pour l’Amérique, Jonathan a découvert qu’il était photographe. Le 10 juin dernier, nous publiions un exemple de son travail dans un portfolio issu de TO BE 16. À présent il nous raconte comment lui est venu son attrait pour l’image en dévoilant pour la première fois sa série Fellow Men.
Fisheye Magazine : Qu’est-ce qui t’as attiré vers la photographie ?
Jonathan Deltour : Je m’y suis mis sérieusement il y a six ans seulement. Mais je pense que tout s’est joué lorsque j’étais gamin. Par exemple, j’étais fan de Tintin et je voulais le prendre en photo. Je me rappelle avoir emprunté l’argentique de ma mère pour photographier ma télévision quand Tintin était programmé. Lorsqu’elle est revenue du labo, avec toutes les pellicules que j’avais utilisé, elle m’a engueulé ! Parce que forcément, lorsque tu prends une télé allumée en photo, ça fait pleins d’effets dégueulasses ! J’ai aussi été beaucoup touché, enfant, par les photos des livres d’histoire. Ado, je regardais beaucoup de making-of. J’étais passionné par le cinéma. À 17 ans, j’ai travaillé dans un vidéo club : j’y suis resté quatre ans. Durant cette période je me suis construit une grosse culture cinématographique – car forcément, il fallait regarder les films avant les clients. Il s’est passé quelque chose. Donc c’est vraiment le cinéma qui m’a conduit à la photo.
Est-ce qu’il y a un réalisateur en particulier qui t’as marqué ?
Steven Spielberg ! Quand j’étais petit, mes films préférés c’étaient les siens ! Je les ai tellement vus… Sa manière de filmer m’a toujours fasciné : ses cadrages, sa manière de générer un suspens, de créer des ambiances…. Je crois que j’ai appris la photo de cette façon.
Comment définirais-tu ton approche de la photographie ?
Humaniste. J’adore les gens, j’adore parler avec eux. Je ne peux pas prendre de photo sans prendre le temps de discuter, de rencontrer celles et ceux qui m’entourent.
D’où te viens cette attirance pour les États-Unis ? Du cinéma ?
Oui ! Je pense que si j’y suis tellement accro, c’est en grande partie grâce à Spielberg. Mes souvenirs d’enfance sont imprégnés des décors de cinéma, de séries télévisées… Le fait de les voir au quotidien, ça a forgé mon regard. Ça fait sept ans que j’y retourne chaque année. Et j’espère pouvoir y habiter un jour.
Justement, cette envie de devenir citoyen américain, on le récent assez dans Fellow Men (compatriotes, en français). Peux-tu nous présenter cette série toute récente ?
Je me suis rendu dans le Colorado, où j’ai rencontré beaucoup d’hommes qui ont un rapport important avec leur pays. Du forain au pompiste, en passant par le militant écolo… La plupart vivent dans des petites villes ou des villages assez reculés ou pauvres. Je me suis intéressé à leur quotidien en me posant cette question : de quelle façon contribuent-ils à leur pays ?
Pourquoi n’y a-t-il que des hommes dans cette série ?
Tout simplement parce que j’ai pris l’expression « fellow men » au pied de la lettre lorsque je l’ai découverte. Tout est parti de là !
Pourtant, il y a assez peu de portraits dans ce travail. Pourquoi as-tu privilégié les paysages dans ton editing ?
Assez bizarrement, plus le temps passe, plus j’aime m’éloigner des gens – j’ai envie de les prendre en photo dans leur environnement, de montrer comment ils font partie du paysage. Je ne voulais pas non plus faire une série de portraits, j’avais envie d’alterner.
Quelles sont les connexions entre les paysages et les portraits présentées dans Fellow Men ?
Chaque Américain que je rencontrais me conduisais à un nouvel endroit. Certains me disaient : « Il faut absolument que tu ailles là-bas » ; d’autres : « Surtout ne va pas là-bas, c’est triste et dangereux ». Les connexions se sont faites comme ça.
Quelle est selon toi l’image la plus emblématique de ta série ?
La photo du mug sur lequel il est inscrit, « Merci Seigneur de m’avoir donné ce job gratifiant et de si charmants collègues ! » En fait le mec travaille tout seul dans sa station service !
Extrait de “Fellow Men” / © Jonathan Deltour
Propos recueillis par Marie Moglia
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