Les « objets de désir » de Sheila Metzner s’exposent à la Galerie Rouge

13 septembre 2022   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les « objets de désir » de Sheila Metzner s’exposent à la Galerie Rouge

Jusqu’au 16 octobre 2022, la Galerie Rouge rend hommage à Sheila Metzner avec Objets de désir. Dans des œuvres résolument picturales, la photographe américaine brouille les genres et offre une imagerie singulière de la mode des années 1980.

Si la mode se souvient de photographes comme Irving Penn, Richard Avedon ou Peter Lindbergh pour l’essentiel, d’autres artistes de talent sont pourtant parvenus à s’y frayer un chemin. C’est notamment le cas de Sheila Metzner. Publicitaire de profession, elle se lance dans le 8e art après la naissance de son premier enfant, sous les conseils avisés de son ami et mentor Aaron Rose. Alexander Liberman, alors directeur éditorial à Condé Nast, eut tôt fait de remarquer la qualité de ses clichés de famille. Dans un milieu dominé par la gent masculine, elle s’impose finalement comme la première femme à collaborer régulièrement pour Vogue. Pourvue d’une imagination féconde, elle a su déployer une esthétique unique et hautement désirable à laquelle la Galerie Rouge rend hommage aujourd’hui.

Fantasmes et illusions

À l’image des êtres qu’elle dépeint, le regard de Sheila Metzner n’a jamais fléchi face aux incessantes lubies de la mode. Cette force de caractère lui a permis de réinventer les Objets de désir traditionnels sous le prisme d’une sensibilité nouvelle, moderne et indifférente aux effets du temps. L’exposition de la Galerie Rouge nous emmène ainsi dans un antre étonnant, où les arts s’entremêlent avec subtilité. Dans les années 1980, alors que le monde – en quête de glamour et de sophistication – voue un culte sans précédent au corps et à l’apparence, l’Américaine insuffle des inspirations atemporelles. Ses modèles à l’allure sculpturale s’engouffrent toujours dans des environnements aux riches couleurs qui reflètent l’abondance. Çà et là sont disposés fruits et fleurs exotiques. Quelques objets art déco rappellent des mythes antiques, venus de Grèce ou d’Égypte. Comme pour achever de semer le doute, elle joue avec la texture à renfort de tirages Fresson.

Si désir et sensualité émanent des compositions de Sheila Metzner, le fantasme prend source dans les illusions qu’elle esquisse. On ne peut qu’imaginer ce qu’éprouve le regard clos, frontal ou absorbé par quelque objet que ce soit. Le corps nu ou recouvert d’une étoffe chatoyante cristallise ce questionnement latent, induit par une alternance entre révélation et dissimulation. Loin de la dimension commerciale que l’on associe volontiers à la mode, c’est l’image même qui prévaut ici sur l’ensemble. Au sous-sol, des figures rêveuses, lascives ou endormies dans de doux monochromes se présentent en contrepoint des photographies pictorialistes de l’artiste. Là-bas, les regards masculins de Manuel Álvarez Bravo et d’Édouard Boubat donnent à voir la variation d’un féminin poétique et puissant. Assuré et assumé, lui aussi fait fi d’un romantisme qui réduit les femmes à un état de perpétuelle candeur.

© Sheila Metzner© Sheila Metzner

© Sheila Metzner

© Sheila Metzner© Sheila Metzner

© Sheila Metzner

© Sheila Metzner© Sheila Metzner

© Sheila Metzner

© Sheila Metzner© Sheila Metzner

© Sheila Metzner

Explorez
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
On Mass Hysteria : étude d'une résistance physique contre l'oppression
CASE PIECE #1 CHALCO, (Case 1, Mexico, On Mass Hysteria), 2023, Courtesy Galerie Les filles du calvaire, Paris © Laia Abril
On Mass Hysteria : étude d’une résistance physique contre l’oppression
À travers l’exposition On Mass Hysteria - Une histoire de la misogynie, présentée au Bal jusqu’au 18 mai 2025, l’artiste catalane...
19 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Tisser des liens, capter des mondes : le regard de Noémie de Bellaigue
© Noémie de Bellaigue
Tisser des liens, capter des mondes : le regard de Noémie de Bellaigue
Photographe et journaliste, Noémie de Bellaigue capture des récits intimes à travers ses images, tissant des liens avec celles et ceux...
15 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Faits divers : savoir mener l’enquête
© Claude Closky, Soucoupe volante, rue Pierre Dupont (6), 1996.
Faits divers : savoir mener l’enquête
Au Mac Val, à Vitry-sur-Seine (94), l’exposition collective Faits divers – Une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse...
13 février 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
22 février 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina