Jusqu’au 16 octobre 2022, la Galerie Rouge rend hommage à Sheila Metzner avec Objets de désir. Dans des œuvres résolument picturales, la photographe américaine brouille les genres et offre une imagerie singulière de la mode des années 1980.
Si la mode se souvient de photographes comme Irving Penn, Richard Avedon ou Peter Lindbergh pour l’essentiel, d’autres artistes de talent sont pourtant parvenus à s’y frayer un chemin. C’est notamment le cas de Sheila Metzner. Publicitaire de profession, elle se lance dans le 8e art après la naissance de son premier enfant, sous les conseils avisés de son ami et mentor Aaron Rose. Alexander Liberman, alors directeur éditorial à Condé Nast, eut tôt fait de remarquer la qualité de ses clichés de famille. Dans un milieu dominé par la gent masculine, elle s’impose finalement comme la première femme à collaborer régulièrement pour Vogue. Pourvue d’une imagination féconde, elle a su déployer une esthétique unique et hautement désirable à laquelle la Galerie Rouge rend hommage aujourd’hui.
Fantasmes et illusions
À l’image des êtres qu’elle dépeint, le regard de Sheila Metzner n’a jamais fléchi face aux incessantes lubies de la mode. Cette force de caractère lui a permis de réinventer les Objets de désir traditionnels sous le prisme d’une sensibilité nouvelle, moderne et indifférente aux effets du temps. L’exposition de la Galerie Rouge nous emmène ainsi dans un antre étonnant, où les arts s’entremêlent avec subtilité. Dans les années 1980, alors que le monde – en quête de glamour et de sophistication – voue un culte sans précédent au corps et à l’apparence, l’Américaine insuffle des inspirations atemporelles. Ses modèles à l’allure sculpturale s’engouffrent toujours dans des environnements aux riches couleurs qui reflètent l’abondance. Çà et là sont disposés fruits et fleurs exotiques. Quelques objets art déco rappellent des mythes antiques, venus de Grèce ou d’Égypte. Comme pour achever de semer le doute, elle joue avec la texture à renfort de tirages Fresson.
Si désir et sensualité émanent des compositions de Sheila Metzner, le fantasme prend source dans les illusions qu’elle esquisse. On ne peut qu’imaginer ce qu’éprouve le regard clos, frontal ou absorbé par quelque objet que ce soit. Le corps nu ou recouvert d’une étoffe chatoyante cristallise ce questionnement latent, induit par une alternance entre révélation et dissimulation. Loin de la dimension commerciale que l’on associe volontiers à la mode, c’est l’image même qui prévaut ici sur l’ensemble. Au sous-sol, des figures rêveuses, lascives ou endormies dans de doux monochromes se présentent en contrepoint des photographies pictorialistes de l’artiste. Là-bas, les regards masculins de Manuel Álvarez Bravo et d’Édouard Boubat donnent à voir la variation d’un féminin poétique et puissant. Assuré et assumé, lui aussi fait fi d’un romantisme qui réduit les femmes à un état de perpétuelle candeur.
© Sheila Metzner