Documenter la classe ouvrière autrement, c’était l’ambition du photographe Tom Johnson et de la styliste Charlotte James. Au sud du pays de Galles au Royaume-Uni se trouve le village de Merthyr Tydfil, célèbre pour son soulèvement populaire (en anglais “Merthyr rising”) en 1831. Cet événement violent a terni l’image de cet ancien village minier. La série Merthyr Rising redore son blason en habillant les habitants avec des pièces de haute-couture.
Photo de mode ou étude sociologique, le projet réussit parfaitement son pari et fait découvrir au spectateur la beauté d’une ville marquée par le déclin industriel et de ses personnages haut en couleur. Pour Fisheye, le photographe a accepté d’en dire plus sur sa très belle série.
FISHEYE / Comment as-tu eu l’idée de ce projet ? Tu as toi-même grandi à Merthyr Tydfil ?
Tom: Non pas du tout. J’ai grandi à la campagne dans l’Oxfordshire en Angleterre. L’idée vient de la styliste Charlotte James. Elle est venue me voir avec l’envie de casser les clichés sur son village natal: Merthyr Tydfil. Durant l’été 2015, nous nous sommes rendus à Merthyr où nous logions chez ses grands-parents. La plupart des personnes que j’ai photographiées sont des proches de Charlotte. Les autres sont des passants et des gens qui nous ont contacté sur les réseaux sociaux. La ville a une histoire très riche et la communauté est unie. On y rencontre de vrais personnages.
Il est intéressant de voir comment tu mêles photo de mode et approche sociologique dans ton projet…
La mode est pour moi une manière de créer des images, un univers, ce que je ne peux pas faire avec de la photo documentaire. Les deux domaines m’intéressent lorsqu’ils se mélangent. Les frontières sont de plus en plus floues. Je souhaite utiliser la mode pour rendre mes photos plus intéressantes et plus authentiques. Quand je prévois un shooting, j’essaye de trouver une narration qui correspond aux centres d’intérêt des sujets ou à leur personnalité. Je veux transcender la photo de mode. Ce que j’adore, c’est témoigner de la vie des gens.
Qu’est-ce que t’as apporté la photo ?
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu partir vivre dans une grande ville. Je voulais échapper à la banalité de mon foyer. À l’âge de 16 ans, j’ai compris que n’étais bon ni en dessin, ni en peinture. J’ai pris un boitier et j’ai commencé à photographier des concerts auquel j’allais et les personnes que je croisais. C’était une super façon de découvrir des gens intéressants. Durant les années qui ont suivies, je me suis jeté sur toutes les occasions d’utiliser mon appareil photo.
Tu as su que tu voulais en faire ton métier à ce moment-là ?
Après avoir été assistant photo pendant plusieurs années, j’ai entamé une licence de photo mais j’ai arrêté après deux semestres et me suis devenu photographe indépendant. J’ai acheté un vieux camping-car et j’ai voyagé dans tout le Royaume-Uni. Mon appareil me permet d’aborder sereinement des situations dans lesquelles je ne serais pas à l’aise en temps normal. Je suis plutôt timide et la photo est un prétexte à interagir avec les autres.
Quels sont les artistes qui t’inspirent ?
Je collectionne les livres et j’adore découvrir les photos en taille réelle dans des expos. Il y a toujours des photographes et des artistes vers qui je reviens: Richard Avedon, Diane Arbus, Alec Soth, Katy Grannan. En ce moment, j’aime beaucoup le travail de Jenny Saville.
Tu as de nouveaux projets en tête ?
Non, pendant quelques mois, je vais voyager à l’intérieur du pays sans but réel. Je veux retourner à ce que j’aime faire. Ces derniers temps j’ai été très occupé, j’avais beaucoup de commandes et j’ai aussi fait une expo: tout s’est enchainé. Là, je souffle un peu et je reste ouvert aux projets à long terme.
Propos recueillis par Hélène Rocco
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