Il se définit comme un gentil hors-la-loi qui cherche à casser les codes et à fuir les habitudes. Libre dans ses textes et ses chansons comme dans ses photos, Thibault Lévêque plonge dans le grand bain avec son premier solo show et son second livre photo, Passion.
Thibault Lévêque, 28 ans, est un personnage atypique, qui multiplie les expériences en pratiquant la photographie, l’écriture, la musique, le cinéma et le théâtre tous azimuts. « Ce qui m’intéresse en photo, c’est le côté brut, sans mise en scène. Ces trucs qu’on ne peut pas trop expliquer, sur lesquels il est difficile de mettre des mots. Il se passe quelque chose, et on veut l’attraper. Il faut le faire, si on réfléchit trop, on les rate. » Né au Havre en 1989, Thibault goûte au plaisir de l’errance autour de ses 20 ans en allant voir ses potes à Bruxelles, Londres ou Berlin. En stop ou en covoiturage, il embarque le vieux Minolta argentique que lui a donné sa mère, et saisit ses premières images. Il prend en photo les personnes qu’il rencontre et les paysages qu’il traverse, usant du noir et blanc ou de la couleur selon les pellicules qui lui tombent sous la main. Il découvre, au passage, une écriture et une esthétique qui lui ressemblent. « Ce sont ces premiers petits voyages qui ont déclenché les photos », précise Thibault, qui, à cette époque, passe plutôt son temps à écrire des chansons. Avec l’écriture, il exprime son ressenti, ce qui se passe dans sa tête ou dans son cœur. « Avec la photo, c’est une autre liberté, une liberté du corps. Ça me permet d’aller beaucoup plus loin par rapport au petit monde intérieur que je m’étais fabriqué avec mes chansons. » Des premières excursions en solitaire, Thibault passe aux virées entre potes en retrouvant un certain Théo Gosselin, qui a grandi dans le même quartier que lui, et qui se consacre aussi à la photo. Première traversée des États-Unis où il photographie à l’instinct, avec une grande soif de liberté et d’expérience. Un « besoin de produire, d’aller tout voir, tout faire, tout essayer »… Avec l’idée de fuir les modèles et de n’imiter personne. Il refuse d’être influencé, que ce soit par son copain Théo ou par des auteurs tels que Larry Clark à qui on le compare souvent. Même s’il avoue être inspiré par l’Américain Mike Brodie, qui a suivi les hobos (« vagabonds ») de l’autre côté de l’Atlantique, et qui lui donne envie d’emprunter la route de ces sans-abri qui se déplacent continuellement de ville en ville.
Garder une forme d’errance
« La Comptine des vagabonds », « Juste un baiser des grands espaces », « Sur ma mobylette »…
Les titres des chansons de Thibault font écho à ses images, tout comme les textes qu’il griffonne sur des carnets, des bouts de papier, ou qu’il note sur son téléphone. Des écrits où percent des fulgurances que l’on retrouve sur les deux livres photo qu’il a publiés : Ici nulle part, en 2016, et Passion, qui vient juste de paraître. Dans le premier, composé avec les éditions Lemaitre, l’auteur rassemble une centaine d’images prises durant les cinq années précédentes et les met en résonance avec des bouts de textes. « J’ai l’impression que [textes et images] se complètent bien. Ce ne sont pas des légendes, tu passes d’un monde à l’autre. Ce sont deux univers différents, c’est à toi de faire le lien », explique-t-il. Dans le second ouvrage, consacré à sa dernière virée outre-Atlantique, la maquette est plus heurtée, et les textes, plus envahissants. « Avec ce livre, je voulais être plus trash, plus vulgaire, casser les codes. Je l’ai fait avec un copain graphiste, Thibaut Ceasar, sans aucune contrainte. Je ne voulais pas me laisser enfermer dans un type de photo. Pour moi, l’idéal serait d’évoluer tout le temps et d’aller vers quelque chose qu’on ne maîtrise pas forcément, de garder une forme d’errance », ajoute le jeune photographe. Pour l’instant, Thibault Lévêque fait escale à la Fisheye Gallery pour son premier solo show et enchaîne avec une autre expo à la Moser Art Gallery de Montreux, en Suisse, du 27 avril au 20 mai. Il commence à vivre de ses images grâce à la vente de ses tirages, entre autres via son compte Instagram, et de son dernier ouvrage auto-édité. Il a plein de projets de voyage en tête, comme cette idée un peu folle d’aller à Saint-Jacques-de-Compostelle à mobylette avec une bande de potes, et « l’envie de jouer les durs, mais on n’est pas des durs », avoue-t-il en souriant. Thibault Lévêque est décidément un drôle de pèlerin.
© Thibault Lévêque
© Thibault Lévêque / Vidéo réalisée par Nina Peyrachon
Swim at Your Own Risk, de Thibault Lévêque.
Du 9 mars au 21 avril 2018.
À la Fisheye Gallery, 2, rue de l’Hôpital-Saint-Louis, Paris (10e).