© Alice Pallot
Ouvrir des voies de réenchantement du monde
Dans les années 1970 et 1980, Starhawk se battait avec ses sœurs écoféministes pour que le gouvernement américain cesse le saccage de la nature au profit de la construction, entre autres, de centrales nucléaires. Dans son chef-d’œuvre Rêver l’obscur, la philosophe racontait la lutte victorieuse pour saboter la construction de la centrale de Diablo Canyon. Par une occupation pacifique du territoire et la pratique de rituels communautaires – comme celui de la danse à spirale, nourri par des croyances néopaganes – les manifestantes avaient réussi à dissuader les autorités. Un exemple parmi tant d’autres de pratique magique du politique.
Dans une époque, l’Antropocène, où la dystopie est le seul récit réservé à notre génération, les photographes de l’exposition Topographies sensibles proposent de réhabiliter l’utopie en tant que projetation active d’un monde nouveau. Loin d’être un plan sur la comète, cette notion est essentielle à la formulation d’une vision commune et à la mise en place de structures sociétales nouvelles. Ces artistes nous invitent ainsi à regarder subtilement l’environnement, en dévoilant des réalités cachées. Nous découvrons ainsi le désert belge de Lommel, photographié par Alice Pallot, une zone polluée mais résiliente. Lucas Castel dévoile quant à lui la fragile beauté des villages sinistrés des Pyrénées, tandis que Bertrand Cavalier mène une réflexion sur la péremption et les restes laissés par l’urbain désastré. Téo Becher & Solal Israel, enfin, dévoilent des visions fantasmagoriques de la nature en capturant les souvenirs de personnes frappées par la foudre. « En révélant la portée et les incertitudes de nos milieux de vie, en évoquant des formes possibles de résilience, en mettant en exergue une relation d’interdépendance entre le paysage et l’activité humaine plutôt que d’opposition, et par leur traitement poétique des images, par leur engagement dans le présent, les photographes exposé.es contribuent à ouvrir des voies possibles de réenchantement du monde, à façonner des futurs plus propices à la vie, à renouer les alliances et coopérations entre les vivants », conclut Ariane Skoda, curatrice de l’événement.
© à g. Alice Pallot, à d. Bertrand Cavalier
© Lucas Castel & Mathilde Mahoudeau
© Téo Bécher & Solal Israël
Image d’ouverture : © Alice Pallot