« Volle Petrol » : la galerie des corps de Charlotte Abramow

20 septembre 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Volle Petrol » : la galerie des corps de Charlotte Abramow

En parallèle de l’exposition Des Oiseaux, le centre d’art Hangar, à Bruxelles, dédie son dernier étage à une rétrospective de Charlotte Abramow. Entre surréalisme et militantisme, la photographe belge y présente ses visions captivantes d’un corps libéré.

Alors que des oiseaux peuplent les photographies des deux premiers étages du Hangar. Dans la grande mezzanine du centre d’art, c’est Charlotte Abramow qui a fait son nid. « Nous souhaitions l’exposer depuis longtemps. Nous avons intitulé sa rétrospective Volle Petrol, une expression signifiant « à toute vitesse » – un clin d’œil à la spontanéité de cette collaboration, puisque la décision de la réaliser a été prise en juin », confie Delphine Dumont, conseillère artistique du lieu. Mais Volle Petrol fait aussi référence aux évolutions, aux changements rapides auxquels les personnes de la génération de la photographe née en 1993 font face. Une vitesse vertigineuse, donnant naissance à de profonds déracinements. Cette mouvance, Charlotte Abramow parvient depuis déjà dix ans à l’apprivoiser. Comptant aujourd’hui 192 000 abonné·es sur son compte Instagram, la photographe belge s’est imposé comme une figure majeure du féminisme 2.0, une militante visuelle, s’efforçant de représenter, à coup de mises en scène colorées et d’irrévérences poétiques, la diversité des corps, et les normes qui les enferment des dans cases étouffantes.

© Charlotte Abramow

Charlotte Abramow se fait militante

En entrant dans l’exposition, des nuages nous accueillent – une référence à la fascination de l’artiste pour les cieux, comme à son amour pour Magritte et le surréalisme belge. Sur ce mur trône un corps dont on ne perçoit que les plis, une sculpture abstraite invitant dès le premier regard à déconstruire nos convictions, et à percevoir les silhouettes humaines en dehors du prisme de l’érotisme. « La modèle était peinte en blanc. Je voulais que son corps évoque quelque chose de gourmand, comme de la guimauve, ou de la pâte à pain », confie l’autrice. De salle en salle, le Hangar propose alors une compilation des différentes recherches de Charlotte Abramow. Ici, des corps peints de nuances multicolores s’affranchissent des diktats de la minceur. Là, Claudette, une femme âgée, célèbre sa nudité dans les pièces d’un hôtel chic. Plus loin, les pages du catalogue réalisé à l’occasion de la sortie de la saison 2 de la série Netflix Sex Education rappellent avec originalité les bases du consentement, et d’une sexualité épanouie. Une collection en écho avec ses mosaïques de poitrines comparées à des fruits et de vulves réalisées à partir de différentes matières. Des images visant toutes à célébrer des corps qu’on ne montre habituellement pas.

Mais Charlotte Abramow se fait aussi militante. Sur l’un des murs de la mezzanine sont placardées ses affiches This is not consent – une réponse poignante à une décision révoltante de la justice irlandaise qui avait utilisé le string de la victime d’un viol comme « preuve de consentement ». Réalisatrice également, l’artiste présente 12H – Le Cri Défendu, un court métrage faisant partie du projet vidéo H24 – 24h dans la vie d’une femme, diffusé sur Arte. Un épisode narré sous la forme de vers acérés, où la protagoniste décide d’intervenir pour sauver une inconnue de violences conjugales. Enfin, comme une dernière retraite au cœur de l’exposition, une salle sombre diffuse en boucle Les Passantes, clip réalisé en 2018 sur le morceau de Georges Brassens. Une vidéo immédiatement censurée sur YouTube lors de la sortie, pour contenu offensant. « J’ai eu du mal à comprendre comment ces images pouvaient choquer. Puis j’ai appris qu’il s’agissait en fait d’une signalisation en masse d’abonnés de la page de George Brassens, soit une grande majorité d’hommes blancs et âgés », explique la photographe. Une note amère lui rappelant que le combat qu’elle mène est loin d’être terminé.

© Charlotte Abramow© Charlotte Abramow

© Charlotte Abramow

© Charlotte Abramow© Charlotte Abramow

© Charlotte Abramow

© Charlotte Abramow

Explorez
The Color of Money and Trees: portraits de l'Amérique désaxée
©Tony Dočekal. Chad on Skid Row
The Color of Money and Trees: portraits de l’Amérique désaxée
Livre magistral de Tony Dočekal, The Color of Money and Trees aborde les marginalités américaines. Entre le Minnesota et la Californie...
21 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
© Prune Phi
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
Du 7 février au 23 mars 2025, le Jeu de Paume accueille le festival Paysages mouvants, un temps de réflexion et de découverte dédié à la...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
La BnF célèbre les prix photographiques !
© Karla Hiraldo Voleau, Série « Doble Moral », 2023 / La Bourse du Talent, 2024.
La BnF célèbre les prix photographiques !
À la Bibliothèque nationale de France, quatre grands prix photographiques se réunissent pour la 4e édition de l’exposition La...
17 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 09.12.24 au 15.12.24 : des mondes fragiles
© Axelle de Russé
Les images de la semaine du 09.12.24 au 15.12.24 : des mondes fragiles
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes s’intéressent à une fragilité qui bouleverse la vie des individus, nos...
15 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
The Color of Money and Trees: portraits de l'Amérique désaxée
©Tony Dočekal. Chad on Skid Row
The Color of Money and Trees: portraits de l’Amérique désaxée
Livre magistral de Tony Dočekal, The Color of Money and Trees aborde les marginalités américaines. Entre le Minnesota et la Californie...
21 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
© Prune Phi
Paysages mouvants : la jeune création investit le Jeu de Paume
Du 7 février au 23 mars 2025, le Jeu de Paume accueille le festival Paysages mouvants, un temps de réflexion et de découverte dédié à la...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
© Mirko Ostuni, Onde Sommerse.
Mirko Ostuni : une adolescence dans les Pouilles
Dans Onde Sommerse, Mirko Ostuni dresse le portrait de sa propre génération se mouvant au cœur des Pouilles. Cette jeunesse tendre et...
20 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Ces séries photographiques qui cherchent à guérir les blessures
© Maurine Tric
Ces séries photographiques qui cherchent à guérir les blessures
Pour certain·es artistes, la photographie a un pouvoir cathartique ou une fonction guérisseuse. Iels s'en emparent pour panser les plaies...
19 décembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine