« Walls » : un paradis emmuré

05 décembre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Walls » : un paradis emmuré

Jusqu’au 12 janvier, la MEP accueille dans son Studio Walls, une série de la photographe Harley Weir, réalisée à Jérusalem, de part et d’autre du mur de séparation. Un travail documentaire à la beauté violente.

C’est au cœur du Studio de la Maison européenne de la Photographie, lieu dédié à la photographie émergente, qu’Harley Weir présente Walls. Un projet personnel débuté en 2013, au mur de séparation israélien et ses alentours. Une série atypique pour l’artiste, diplômée du Central Saint Martin College of Art de Londres, connue pour ses nombreuses collaborations avec l’industrie de la mode et de l’édition – de Calvin Klein à Balenciaga en passant par Vogue.

On retrouve pourtant dans Walls un même désir de remodeler ce qui est considéré « beau ». Dans ses commandes, la photographe a pour habitude de contorsionner les corps, de les renverser pour capturer des formes extravagantes. Elle invite ses modèles – notamment les femmes – à se réapproprier les notions de charme et de sexualité souvent banalisées par les marques. Un fil rouge que l’on retrouve dans la série exposée à la MEP, pourtant plus documentaire. « Beaucoup de photoreporters sont convaincus que la couleur est réservée aux magazines, mais je ne suis pas d’accord avec cette idée. Un photographe m’a un jour dit qu’il photographiait seulement en noir et blanc parce que la couleur n’était pas assez triste. Moi, je voulais justement montrer des images positives », confie Harley Weir.

© Harley Weir© Harley Weir

Faire preuve d’empathie

En 2012, elle se rend pour la première fois en Israël, dans le cadre d’une commande. Elle découvre alors, un peu par hasard, le mur de séparation. « Ce fut pour moi un moment décisif et une véritable prise de conscience de la complexité de notre monde », précise-t-elle. Walls regroupe des clichés que la photographe a pris au cours de plusieurs voyages, effectués à partir de 2013, illustrant les deux côtés du mur. Paysages et portraits forment une mosaïque aux couleurs chaudes, splendide malgré la dureté de certains clichés. « Je voulais illustrer le territoire tel qu’il est : Israël est considéré comme un paradis sur terre, la lumière là-bas est magnifique, et la ville est charmante », explique l’artiste.

Pourtant, malgré l’esthétique soignée, la violence apparaît : cadavres d’animaux, cicatrices profondes, caméras de surveillance, barbelés… Et ce mur qui serpente le long des images, son squelette de métal offrant un triste panorama au cœur d’un espace merveilleux. Un contraste accentué par la mise en scène des images, placardées côte à côte sur les murs du studio. « Je voulais que les visiteurs ressentent une certaine claustrophobie, comme si les photos représentaient les pans du mur et qu’ils étaient piégés à l’intérieur », dévoile Harley Weir. Au cœur d’un récit non linéaire, elle parvient à fusionner de nombreuses histoires, mêlant les expériences des Palestiniens et des Israéliens. Sans prendre parti, elle met en scène un parcours aléatoire au cœur de la région. Un travail dévoilant sa maîtrise des palettes de couleurs et illustrant en contrepoint, des enjeux sociaux extrêmement complexes. « Il était nécessaire de représenter ainsi Jérusalem. En tant qu’étranger il est parfois difficile de s’exprimer sans offenser. Aussi, mon objectif était avant tout de faire preuve d’empathie », conclut-elle.

 

Walls, Harley Weir

Jusqu’au 12 janvier 2020

Maison européenne de la Photographie

5/7 rue de Fourcy, 75004 Paris

© Harley Weir© Harley Weir

© Harley Weir

Explorez
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
© Austn Fischer
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
Installé à Londres, Austn Fischer puise dans les ressorts de la communauté LGBTQIA+ pour interroger les notions traditionnelles de genre....
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Eleana Konstantellos : faire vrai pour voir le faux
Chupacabras © Eleana Konstantellos
Eleana Konstantellos : faire vrai pour voir le faux
Eleana Konstantellos développe, depuis 2019, de nombreux projets photographiques mêlant mise en scène et recherche...
19 novembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
La sélection Instagram #481 : par ici la monnaie
© Suzy Holak / Instagram
La sélection Instagram #481 : par ici la monnaie
Est-ce un vice de vouloir posséder de l’argent et des biens ? Bijoux ou billets de banque, tout élément tape-à-l’œil attire le regard des...
19 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 11.11.24 au 17.11.24 : la politique dans le viseur
L’ancien président Donald Trump avec ses fils, des membres du parti et des supporter·ices lors de la convention nationale républicaine à Milwaukee, dans le Wisconsin, le 15 juillet 2024 © Joseph Rushmore.
Les images de la semaine du 11.11.24 au 17.11.24 : la politique dans le viseur
C’est l’heure du récap ! La politique et les questions sociétales sont au cœur de cette nouvelle semaine de novembre.
17 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
© Austn Fischer
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
Installé à Londres, Austn Fischer puise dans les ressorts de la communauté LGBTQIA+ pour interroger les notions traditionnelles de genre....
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Elie Monferier : visible à la foi
© Elie Monferier
Elie Monferier : visible à la foi
À travers Sanctuaire – troisième chapitre d’un projet au long cours – Elie Monferier révèle, dans un noir et blanc pictorialiste...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Visions d'Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
© Alex Turner
Visions d’Amérique latine : la séance de rattrapage Focus !
Des luttes engagées des catcheuses mexicaines aux cicatrices de l’impérialisme au Guatemala en passant par une folle chronique de...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
© Richard Pak
Richard Pak tire le portrait de l’île Tristan da Cunha
Avec Les îles du désir, Richard Pak pose son regard sur l’espace insulaire. La galerie Le Château d’Eau, à Toulouse accueille, jusqu’au 5...
20 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina