Aujourd’hui ressort le film italien Anna, emblématique des années 1970 et du cinéma underground de l’époque, restauré en version 2K. Il est disponible chez Les films du Camélia !
Anna, fille mineure enceinte dans une Italie des années 1970 influencée par le new age, croise le réalisateur Massimo Sarchielli sur la place Navone après avoir fui son collège. De là, débute une expérimentation de cinéma réaliste tournée autour de la vie de la jeune fille. Alors que les réalisateurs Alberto Grifi et Massimo Sarchielli voudraient tisser autour d’elle un scénario larmoyant, Anna se révolte et avec l’aide des techniciens de tournage, arrive à détourner l’intention du film. Un électricien, Vincenzo, s’éprend alors de la protagoniste : il entre dans le champ et lui déclare sa flamme, en même temps qu’il livre ses récits de luttes ouvrières. Dans un climat de désobéissance, les deux jeunes s’approprient leur destin en échappant à toute autorité, y compris celle des réalisateurs.
Aujourd’hui, le film ressort restauré, à nouveau disponible chez Les films du Camélia. Il demeure, encore de nos jours, l’un des exemples significatifs des limites du cinéma-vérité. Un style résonant de manière évidente avec le médium photographique.
Anna © Alberto Grifi et Massimo Sarchielli
Voyage dans une Italie post-alternative
Anna
est l’écorché d’une époque, une œuvre post-alternative que la critique à Cannes 1976 avait salué comme « un événement générationnel ». En suivant les aventures de cette jeune fille prise entre consommation de substances et une grossesse prématurée, le film explore les névroses d’une génération qui, sous prétexte de libération sexuelle et d’émancipation culturelle, ne parvint pas vraiment à affranchir les femmes du joug patriarcal. Anna, entourée d’hommes sur un tournage qui dura trois ans, arrive tout de même à trouver un espace de rébellion face à la caméra. C’est une Italie radical chic et underground que nous découvrons pendant les presque quatre heures de film. Un pays pris entre les revendications ouvrières et le début des années de plomb, pendant lesquelles les luttes politiques s’exacerbaient jusqu’à donner lieu à des attentats extrémistes. Rome devient capitale de tous les excès, le théâtre de la Dolce Vita et des tournages de Federico Fellini, qui la dépeint dans toute son absurdité.
Alberto Grifi, réalisateur d’Anna, est considéré comme l’un des cinéastes expérimentaux italiens les plus importants, ayant ouvert la voie à un cinéma pointu, qui refuse de s’ouvrir au grand public. Dans son travail, il s’entoure des artistes incontournables qui ont forgé cette scène post-alternative : Baruchello, Sarchielli, Braibanti, Patrizia Vicinelli, la Coopérative du Cinéma Indépendant de Rome… Suite à la projection de ses films à la Dokumenta de Kassel en 2017, l’artiste est enfin reconnu internationalement. Selon les mots de l’écrivaine Rachel Kushner, « Anna possède la béatitude d’une madone de la Renaissance, comme le reconnaît la caméra qui la regarde avec une persistance dilatée et warholienne. Avec Anna, comme avec certains sujets de Warhol dont on n’a plus jamais entendu parler, la présence électrisante de la beauté filmée et le regard obsessionnel lui-même, forment un témoignage historique vivant et mystérieux »
Anna © Alberto Grifi et Massimo Sarchielli
Image à la une : Anna © Alberto Grifi et Massimo Sarchielli