Newton, la mode sans gravité

14 juillet 2021   •  
Écrit par Anaïs Viand
Newton, la mode sans gravité

Le long-métrage Helmut Newton, l’effronté, signé Gero Von Boehm sort en salle aujourd’hui. Une occasion de (re)découvrir celui qui a bouleversé la photo de mode dans les années 1960.

Du propre aveu d’Helmut Newton, « la plupart des films sur les photographes sont ennuyeux ». Il s’est pourtant prêté au jeu. Le réalisateur et scénariste Gero von Boehm a dû le convaincre, lui et sa femme, June Newton alias Alice Springs. « Elle était très protectrice envers lui, et lui était une personne très privée. Et puis,au bout de quelque temps, ils m’ont donné leur bénédiction »,confie l’auteur du long-métrage qui sera en salle le 14 juillet, un an après le centenaire de sa naissance, Covid oblige. Pour répondre à celles et ceux qui voient ce photographe comme un artiste sexiste, réduisant le corps des femmes à de simples objets sexuels, Gero Von Boehm a choisi d’exploiter des archives de laFondation Helmut Newton et de convoquer des modèles femmes afin de leur donner la parole. Parmi elles, Isabella Rossellini, Charlotte Rampling, Hanna Schygulla, ou encore Grace Jones et Claudia Schiffer. Face caméra, elles enchaînent les anecdotes et réflexions sur Newton, et plus largement sur la photographie de mode des années 1970 et 1980. Car fin des années 1960, Helmut Newton ose sexualiser la mode. Élégantes, puissantes, ses images peuvent aussi effrayer et repousser tant il joue avec l’ambiguïté. Ici, des femmes qui ne portent rien d’autre que des talons hauts, là, un homme-accessoire, plus loin, les mains d’une femme ornées de bijoux Bulgari découpant un poulet. Pour pallier l’ennui, Newton dérange, provoque non sans humour. « On peut dire que c’est sexiste ou misogyne, mais on peut aussi dire que cette photographie fonctionne comme un miroir de la société et pointe du doigt le fait que les hommes veulent que leur femme se balade en minijupe et se comporte comme une poupée Barbie », commente la modèle Nadja Auermann.

© Helmut Newton

© Helmut Newton

Un regard sans compromis

Convaincu que le sexe et le pouvoir sont de très bons sujets pour ses photographies, il assume son regard détaché et sans compromis. Charlotte Rampling se remémore son premier shooting de nu, sur le bureau d’une chambre d’hôtel à Arles, et pointe l’immense pouvoir d’une image dans une vie : « Il est important de voir ce que la photographie peut faire dans le développement d’un personnage », confie-t-elle. Pervers ? Newton se définit plutôt comme un « voyeur professionnel ». Mais alors, peut-on tout photographier ? D’après le photographe, ce sont « les choses interdites qui sont les plus intéressantes ». Helmut Newton, l’effronté n’est pas la réponse à une controverse, c’est une plongée au cœur de la vie d’un photographe dont les œuvres continuent de marquer, depuis son enfance dans l’Allemagne nazie jusqu’à sa rencontre avec celle qui ne cessera de le guider, Alice Springs.

© The Helmut Newton Estate / Maconochie Photography

© The Helmut Newton Estate / Maconochie Photography

© The Helmut Newton Estate / Maconochie Photography

Helmut at home, Monte Carlo, 1987 © Foto Alice Springs / Helmut Newton Estate Courtesy Helmut Newton Foundation

© The Helmut Newton Estate / Maconochie Photography

Crocodile Eating, Wuppertal, 1983 © Foto Helmut Newton / Helmut Newton Estate Courtesy Helmut Newton Foundation

© The Helmut Newton Estate / Maconochie Photography

Self portrait, Monte Carlo, 1993 © Foto Helmut Newton / Helmut Newton Estate Courtesy Helmut Newton Foundation

Image d’ouverture © Crocodile Eating, Wuppertal, 1983 © Foto Helmut Newton / Helmut Newton Estate Courtesy Helmut Newton Foundation

Explorez
Les coups de cœur #529 : Diane Velex et Sára Kölcsey
© Diane Velex
Les coups de cœur #529 : Diane Velex et Sára Kölcsey
Diane Velex et Sára Kölcsey, nos coups de cœur de la semaine, expriment leurs émotions à travers l’objectif. La première dévoile ses...
27 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Balázs Turós et le quotidien de sa grand-mère atteinte de démence
© Balázs Turós
Balázs Turós et le quotidien de sa grand-mère atteinte de démence
Confronté à la maladie de sa grand-mère et à ses propres questionnements existentiels, le photographe hongrois Balázs Turós sonde l’âme...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Agathe Kalfas
La sélection Instagram #490 : jardin secret
© Talya Brott / Instagram
La sélection Instagram #490 : jardin secret
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine confectionnent un nid douillet. Sur leurs images se dévoilent un cocon familial...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Marion Brun : faire résonner l’écho de la nuit et de la couleur
© Marion Brun
Marion Brun : faire résonner l’écho de la nuit et de la couleur
Photographe grenobloise installée à Arles, Marion Brun explore dans sa série echos, la complémentarité des couleurs et des textures, le...
17 janvier 2025   •  
Écrit par Hugo Mangin
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Pour sa première exposition, la galerie Oana Ivan rend hommage à Peter Knapp
Paris, Ungaro, broderie Jakob Schläpfer, Stern, 1967 © Peter Knapp, Courtesy de l’artiste et de Oana Ivan Gallery
Pour sa première exposition, la galerie Oana Ivan rend hommage à Peter Knapp
La galerie Oana Ivan a ouvert ses portes avec Compte à rebours, 2024-1960, une rétrospective inaugurale consacrée à Peter Knapp. Jusqu’au...
30 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Jean-Michel André : les ténèbres dans la lumière
© Jean-Michel André. Chambre 207
Jean-Michel André : les ténèbres dans la lumière
Dans cet essai visuel relevant à la fois de la reconstitution documentaire et de l’autofiction, Jean-Michel André voyage sur les traces...
30 janvier 2025   •  
Écrit par Gwénaëlle Fliti
Focus : emprise, kidnapping et fulguration
© Anna Szkoda
Focus : emprise, kidnapping et fulguration
Créé par les équipes de Fisheye, Focus est un format vidéo innovant qui permet de découvrir une série photo en étant guidé·e par la...
29 janvier 2025   •  
Dans Fisheye, les photographes dessinent le Royaume-Uni de demain
© Theo McInnes
Dans Fisheye, les photographes dessinent le Royaume-Uni de demain
Enjeux sociétaux, crise environnementale, représentation du genre… Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le...
29 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger