Avec Shiver, la jeune photographe Sterre Arentsen s’enfonce dans la nuit noire à la recherche de « proies » photographiques. Une errance nocturne guidée par le mystère, la frayeur et l’instinct animal.
Dans l’obscurité, la réalité se trouble, devient poreuse. Les changements s’opèrent de manière invisible, et déforment l’environnement. Seuls les flashs de lumière – vifs et cinglants – révèlent ce que l’œil humain ne peut décerner. Privés de la noirceur, chaque détail devient étrange, énigmatique. La végétation se fait martienne, et les corps sont soudain figés dans des positions incongrues.
C’est cette absurdité que recherche Sterre Arentsen. Née en 1997, la photographe néerlandaise aime jouer avec les rapports entre modèles et sujets. « En photographiant des personnes, j’ai vite réalisé que je les traitais comme des éléments de décors. Au fil de ma pratique, je me suis donc davantage intéressée à l’inanimé. Sans que je comprenne comment, les objets photographiés ont développé une palette d’émotions supérieure à celle de l’humain. J’étais fascinée par les histoires qu’ils avaient à raconter », confie-t-elle. Pour l’artiste, les hommes laissent leur empreinte sur les choses, et les transforment en réceptacles sensibles. « Pour cette raison, les effacer des images est un acte qui me permet de construire un récit bien plus honnête », ajoute-t-elle. Un conte spontané, brut, sans mise en scène aucune.
Un somnambule intentionnel
Sauvage, mystérieuse, la série Shiver guide la photographe – et le regardeur – dans la nuit noire, en quête de « proies », de détails à capter, à dévorer sur le vif. « Cette analogie du prédateur est un écho de ma pratique photographique, très intuitive », précise Sterre Arentsen, qui a bravé sa peur de l’obscurité pour réaliser ces images. Se fiant à son instinct, sans stimulation visuelle, l’artiste dégaine au hasard, révélant des trésors ordinaires. Sous la lumière de son flash, la végétation et les éléments urbains se transforment en butin. En accumulant les clichés, la photographe entame une collection surnaturelle, où les sujets ne sont jamais vraiment ce qu’ils semblent être.
« Si je devais résumer mon approche, je dirais que je suis un « somnambule intentionnel ». J’essaie toujours de trouver l’équilibre entre le contrôle et le lâcher-prise », explique-t-elle. Comme croisées au détour d’un rêve lucide, ses images font appel à l’irrationnel. En n’illuminant que certains détails, Sterre Arentsen capture l’indéfini, l’inexploré. Face à ses œuvres, l’esprit vagabonde, ère en quête d’un sens qui ne vient pas. Acculés par un doute oppressant, il nous faut à présent devenir trappeur, et pister nos propres significations.
© Sterre Arentsen